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Bilal Ag Achérif : « l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain ».

Les secrétaires généraux de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dont Bilal Ag Achérif, et plusieurs protagonistes de l'Accord…

Les secrétaires généraux de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) dont Bilal Ag Achérif, et plusieurs protagonistes de l’Accord d’Alger ont pris part, lundi 20 juin à Bamako, à l’anniversaire de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation. Les parties, soutenues pas la médiation algérienne et la communauté internationale, ont signé ce même 20 juin, un document intitulé « Entente » qui fixe le calendrier et les modalités de mise en oeuvre des autorités interimaires. En marge de ces rencontres officiels, Bilal Ag Achérif, secrétaire général du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), a répondu aux questions du Journal du Mali.

Nous sommes à l’an I de la signature de l’Accord de paix, le jugez-vous toujours satisfaisant ?

La CMA, a négocié toute une année à Alger avec le gouvernement malien. Nous avons signé l’Accord malgré les lacunes et les réserves, c’est notre accord et nous l’assumons. Nous avions fait beaucoup d’observations et d’amendements par rapport à l’Accord et si ces amendements et observations avaient été pris en compte, aujourd’hui on n’en serait pas là. La population malienne, le gouvernement en particulier et la population qui vit dans des zones qu’on appelle Azawad, doivent tirer des leçons des accords passés au cours de cinquante ans de conflit périodique. Il n’est pas utile de répéter les mêmes erreurs qui nous conduisent au même résultat. Le Mali n’a pas su trouvé de solution au conflit qui l’oppose à l’Azawad. Ce qui fait que le conflit revient tous les cinq ou dix ans. On a perdu tout ce temps, alors que nous pouvions oeuvrer à la construction et au développement d’une démocratie dans une cohésion sociale entre les populations où chacun ait son droit.

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Est-ce que votre présence à Bamako pour ce premier anniversaire est un signal fort pour la paix, lorsqu’on que sait vous étiez absent lors de la signature de l’accord ?

Pendant toute une année, nous avons observé comment s’établissait la confiance, le désir et la bonne volonté de tout un chacun pour appliquer cet accord, malgré les lacunes et les réserves que nous avions. Aujourd’hui, il est nécessaire que nous soyons là pour appuyer et aider à faire avancer le processus. Le président IBK a appelé les mouvements, leurs chefs, pour vraiment créer une mesure de confiance et nous avons répondu positivement à son appel, afin qu’on puisse avancer dans cette phase du processus pour obtenir un résultat concret sur le terrain. Le fait que nous soyons présents à Bamako, c’est pour réaffirmer notre volonté pour la mise en œuvre de cet accord. Pour nous, la paix, la vraie paix, c’est quand le simple citoyen sent qu’il y a du résultat. Ce n’est pas seulement entre les chefs, dans les bureaux ou dans les réunions, que la paix doit être effective, il faut que les populations des campagnes, hameaux en bénéficient. Il y a la paix lorsque des milliers de réfugiés rentrent chez eux et se sentent en sécurité.

Peut –on dire qu’avec cette « Entente » signée, il y a une confiance mutuelle assumée entre les groupes armés et le gouvernement ?

Pour moi, la confiance entre les parties est une chose qui vient au fur et à mesure qu’on avance dans l’application de l’Accord, qu’on avance dans le respect des engagements. C’est comme cela qu’on pourra gagner la confiance de l’un et de l’autre. Cela n’est possible que lorsqu’on travaille et qu’il y a du sérieux. Pour moi la signature du document intitulé ‘’Entente’’ est une étape très importante dans la mise en œuvre de l’accord. Mais l’essentiel n’est pas la signature de l’Entente, mais plutôt comment l’appliquer sur le terrain.

Le calendrier d’exécution des mesures, dans ce document d’Entente, n’est-il pas trop ambitieux ?

Si on se conforme au calendrier de la mise en œuvre de l’Accord, on devrait déjà en avoir fini, parce que les mesures devaient intervenir 60 jours après sa signature. Nous sommes fin juin, dans le calendrier, on doit commencer le travail à la mi-juillet. Il s’agira d’un test pour voir si les engagements sont respectés, ce qui créera plus de confiance. Cela dépendra de la mise en place du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC). Aujourd’hui, le seul appareil ou mécanisme sur lequel, il y a unanimité, c’est le MOC. On doit lui donner les moyens et les matériels nécessaires afin qu’il mène sa mission pour sécuriser les zones. Sur ce point, il y a l’engagement de la communauté internationale.

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Justement par rapport à ce financement du MOC ,une réunion était prévue avec les partenaires techniques et financiers, où en sommes-nous exactement ?

C’est vrai, il est prévu de faire une rencontre avec les partenaires par rapport à ce point, mais ce qui est demandé est plus grand que les réponses de ce document. Le MOC est là, et a besoin de beaucoup d’aide. Aujourd’hui, le MOC n’existe que symboliquement, un peu à Gao, alors qu’il doit exister dans les cinq régions. Cela demande de fournir encore des efforts de la part des mouvements armés, du gouvernement malien et des partenaires. Pour que le MOC existe réellement sur le terrain, et pouvoir concrétiser ce qui est prévu dans l’Accord, c’est-à-dire respecter les dates et les chronogrammes, il faut un MOC robuste pour mener à bien la mission de sécurisation.

La signature de cette « Entente » a-t-elle été possible grâce à la médiation algérienne ?

L’Algérie a joué un rôle très important depuis le début des négociations, mais le résultat de cette Entente revient en premier lieu aux parties, gouvernement malien et mouvements signataires. En plus, toute la médiation internationale a joué un rôle important pour qu’on arrive à ce résultat. Mais le plus grand rôle revient aux parties.

Certains observateurs disent que ces autorités intérimaires sont une sorte de fédéralisme qui ne dit pas son nom, quel est votre avis sur la question ?

Le document qui est signé n’est que l’interprétation de l’Accord, c’était prévu dans l’Accord et ce n’est pas une chose nouvelle. Il s’agit juste de mettre en place ces autorités intérimaires dans les cinq régions de l’Azawad communément appelé Nord Mali. On ne doit pas avoir peur de ces appellations, l’essentiel c’est de construire un mécanisme, créer un climat pour que les populations que nous représentons tous, puissent vivre en paix et en harmonie entre elles pour un développement durable. Ce document appelé Entente n’est rien d’autre qu’une partie de l’Accord, donc, il n’y a pas lieu de parler de fédéralisme.

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Selon vous, le fédéralisme peut-il être une solution viable pour le Mali ?

On doit tout d’abord se poser certaines questions et la première c’est de savoir, quelles sont les solutions qui ont été trouvées aux différents problèmes qui se sont succédés depuis 1950. C’est-à-dire, si nous regardons depuis 30 ans tous les accords qui ont été signés avec les mouvements de l’Azawad, quels sont les accords qui ont apporté la stabilité pour le Mali ? Les Maliens doivent avoir le courage de trouver une solution aux problèmes qui sont posés à travers le dialogue. Il y a aujourd’hui des pays qui sont centralisés sur un pouvoir mais qui sont très faibles, il ya aussi des pays qui sont fédéraux mais plus forts. On doit sortir de cette prison qui consiste à croire que dès qu’on parle de fédéralisme, c’est affaiblir le Mali. Ce n’est pas le fédéralisme qui affaiblit le Mali, ce qui l’affaiblit c’est ce conflit à répétition qui nous ramène chaque année à la case de départ.

Peut-on obtenir une paix durable alors qu’il y a des tensions réelles, actuellement, entre groupes armés au nord ?

Aujourd’hui, il y a deux conflits différents. Le conflit entre le nord et le sud qui a fait profiter les autres conflits. Ce qui a même créé le conflit interne aux mouvements, entre les communautés et même à l’intérieur de Bamako. Les nombreux coups d’États sont les conséquences directes de ce conflit. Dès qu’on trouvera une solution exacte et adéquate à ce conflit entre le Nord Mali et le pouvoir central à Bamako, beaucoup de ces conflits vont disparaitre automatiquement, car ils ne sont que des conséquences. Il y a ce nouveau fléau, le terrorisme international, qui est rentré chez nous et a commencé à rendre la situation plus confuse, plus difficile et plus compliqué. Pour faire face à ce conflit qui est international, il faut d’abord résoudre le problème politiquement et unir nos rangs.

Tout récemment la France a clairement, par la voix de son ministre de la Défense Jean Yves le Drian, accusé le Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) d’être un obstacle à la paix, que pensez-vous de cela ?

Je crois que le HCUA est un mouvement membre de la CMA et la CMA est un seul organe, qui a fourni beaucoup d’efforts pour arriver à trouver une paix. Les mouvements sont très solidaires entre eux, mais la CMA ne peut pas protéger les individus qui posent des actes solitaires qu’ils soient terroristes ou non. C’est-à-dire que tout individu qui mène des activités pareilles est condamnable par la CMA. Les mouvements qui composent la CMA ont beaucoup contribué pour la paix, mais chaque mouvement à son identité, mais ils ont tous beaucoup aidé pour parvenir à accomplir la mission, qui est de trouver une paix définitive.