Politique




Boubacar Bocoum : « On a peur que le Mali fasse tâche d’huile dans la sous-région »

Une nouvelle mission de médiation de la Cedeao, comprenant cinq chefs d’États de la sous-région ouest africaine, sera à Bamako…

Une nouvelle mission de médiation de la Cedeao, comprenant cinq chefs d’États de la sous-région ouest africaine, sera à Bamako ce 23 juillet pour tenter de trouver une issue favorable à la crise sociopolitique que traverse le pays depuis plusieurs semaines. Boubacar Bocoum, politologue, livre à Journal du Mali son analyse de cette implication des chefs d’États.

Quel regard portez-vous sur la médiation des chefs d’États ?

Je ne la vois pas en termes de négociation, mais plutôt en termes de pression supplémentaire sur le M5. Quand vous observez, la délégation conduite par Goodluck Jonathan, en partant, avait un certain nombre de points proposés au M5, qui, dans sa démarche, semblent s’imposer. Ce n’est pas une négociation, parce que si c’était le cas cela supposerait que les deux parties soient d’accord sur quelque chose et que la Cedeao puisse être la facilitatrice d’un accord global. Mais, à ce que je sais, le pouvoir et le M5 ne se sont pas entendus sur quoi que ce soit. Dans sa conclusion, la mission a précisé remettre son rapport aux chefs d’États et prendre toutes les dispositions qui s’imposent pour l’application des propositions. La visite des chefs d’États s’inscrit dans cette suite logique.

Que peut-on attendre de cette implication des chefs d’États ?

Pour moi, il n’y a rien à attendre des chefs d’États. Le message envoyé depuis la première médiation était déjà bien entendu avec leur bénédiction. Aujourd’hui, ils viennent pour mettre juste la pression, montrer au Président de la République et à la communauté internationale qu’on le soutient. Le vrai problème, c’est qu’on a peur que le Mali fasse tâche d’huile dans la sous-région. Aujourd’hui, il y a quelques pays qui sont aussi dans une phase critique, notamment la Cote d’Ivoire et la Guinée. On a peur que le Mali ne déclenche un phénomène qui finira par s’étendre à la sous-région.

Le M5 peut-il être amené à finalement faire des concessions ?

Cela  m’étonnerait. Même le M5 aujourd’hui est pris en otage par le peuple. C’est cela la difficulté. Ce qui fait que même si certains leaders veulent reculer, il y aura des radicaux qui ne vont pas l’accepter. L’abandon de la démission du Président de la République peut être comprise par l’intelligentsia, mais après avoir harangué les foules et amené le mouvement à ce niveau, il sera difficile pour les leaders de tenir un autre langage. C’est pour cela qu’il faut plus d’intelligence de la part de la Cedeao. Il ne s’agit pas de pressions, mais de trouver des mécanismes pour permettre aux uns et aux autres de se parler et d’aplanir les malentendus.

Propos recueillis par Germain Kenouvi