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Boubou Cissé :  » C’est une nouvelle ère pour le secteur minier »

Ministre des Mines du Mali depuis septembre 2013, Boubou Cissé, 41 ans, est un économiste formé en France, qui a…

Ministre des Mines du Mali depuis septembre 2013, Boubou Cissé, 41 ans, est un économiste formé en France, qui a fait ses gammes à  la Banque mondiale à  Washington, avant d’être affecté au Nigéria puis au Niger. Auteur de nombreux articles sur le développement économique et humain, il n’est donc pas en terrain inconnu. Journal du Mali l’Hebdo : Monsieur le ministre, que peut-on attendre de ces 6èmes JMP ? Dr Boubou Cissé : Ces journées sont d’abord des journées promotionnelles pour deux secteurs importants dans notre pays, les mines et le pétrole, qui réuniront tous les partenaires présents dans notre pays. l’objectif est que ces partenaires apportent des investissements directs étrangers dans le secteur. Et deuxièmement, C’’est l’occasion de faire un état des lieux du secteur, de sa contribution dans l’économie malienne, et de la manière d’accroà®tre cette contribution. Enfin, nous allons écouter les préoccupations de nos partenaires du secteur privé afin de rendre la destination Mali la plus attractive possible. Si je puis dire, nous sommes entrés dans une nouvelle ère, il ne s’agit plus de rentes fiscales, mais nous voyons les mines comme un secteur qui peut contribuer au développement socio-économique du pays et améliorer les conditions de vie des Maliens et Maliennes qui vivent autour de ces mines. En parlant de retombées sociales du secteur des mines, que peut apporter la diversification du secteur ? Elle s’impose à  nous. Nous avons un sous-sol riche et varié. Nous possédons les minerais les plus importants au monde, le phosphate, le diamant, des pierres précieuses, le calcaire, etc. l’expérience montre qu’il n’est pas bon pour une économie d’être uniquement dépendante de la monoculture de l’or, puisque vous n’ignorez pas que depuis deux ans, son cours mondial a plongé, ce qui se ressent au niveau des recettes fiscales qui sont générées. Il nous faut donc aller vers des opportunités plus larges. Concrètement sur le terrain, quels sont les minerais en exploitation ? Qu’en est-il de l’uranium à  Faléa ? Pour Faléa, certaines études de faisabilité et recherches ont commencé et sont à  un stade avancé. Nous attendons les résultats et qui sait, dans deux ou trois ans, le Mali ira peut-être vers l’exploitation de l’uranium. Il faut cependant citer les phosphates dans le Tilemsi, déjà  en exploitation, avec une petite unité à  Bourem qui emploie 54 personnes, le manganèse à  Tassiga (cercle d’Ansongo), dont nous prévoyons l’exploitation pour janvier 2016 par une société australienne. Et enfin, je citerai les calcaires pour lesquels nous encourageons les investisseurs étrangers et locaux à  s’engager. Cela permettra au Mali de produire le ciment dont il a besoin, car nous en consommons 2 millions de tonnes par an, contre 500 000 produites ici, le reste étant importé. à€ cet égard, nous encourageons des groupes internationaux à  investir au Mali à  travers la création d’une cimenterie intégrée. Des hommes d’affaires comme le nigérian Aliko Dangote sont aujourd’hui intéressés. Et le pétrole ? Que peut-on attendre de l’or noir ? Pour quelle capacité ? Le terrain se divise en 5 bassins sédimentaires avec 29 blocs pétroliers. Sur ces 29 blocs, 6 ont été sondés avec des forages à  l’appui par deux entreprises étrangères, dont la Sonatrach de droit algérien, pour un investissement d’une centaine de millions de dollars. Il a été par la suite démontré qu’il y avait du pétrole dans certains blocs, et du gaz. Mais au moment o๠ces sociétés s’apprêtaient à  réaliser les forages supplémentaires, la crise a éclaté, entraà®nant leur départ. Donc cette recherche est en stand-by ? Pour le moment oui, mais nous avons bon espoir qu’avec la signature de l’Accord de paix en mai et juin dernier, la sécurité va revenir dans cette partie du pays. Ce qui est certain, C’’est que nous avons tous les arguments pour attirer les investisseurs dans ce secteur stratégique pour notre pays. Parlons de ces mines qui ferment. Comment prévoyez-vous de les recycler ? Il y en a neuf en tout en exploitation, sur lesquels deux vont bientôt fermer. Ce que l’on veut éviter, C’’est que la fermeture de ces mines ne mette fin à  l’activité économique et à  l’emploi. Pour pallier cela, nous nous tournons vers des secteurs comme l’agriculture, la pisciculture, etc. Des projets pilotes sont en cours dans le domaine de l’agro-business à  Morila, par exemple. Ce qui va permettre une reconversion dans l’agriculture, et je peux aussi citer l’ouverture d’un institut d’agro-business à  Kayes, qui va former des jeunes dans les métiers de l’agriculture et de l’entreprenariat. Nous envisageons aussi la création de nouvelles mines, pour aller à  contre-courant de la baisse de la production. Aussi, à  côté des deux mines qui vont fermer, nous espérons en ouvrir six autres dans les trois ans à  venir. Justement, à  combien se chiffre le potentiel de l’or, celui qui n’a pas encore été extrait ? Il y a seulement un tiers de ce qu’on appelle le Birimien (la roche qui renferme l’or) qui a été exploré, et sur ce tiers, seulement 500 tonnes ont été extraites. Mais l’on pourrait encore exploiter 800 tonnes dans les années à  venir, selon certaines études. Pour prolonger la filière, il y a l’idée de créer la raffinerie d’or Kankou Moussa. O๠en est ce projet ? Ce que je peux vous dire, C’’est que l’à‰tat avait en effet un projet de création de raffinerie à  un moment donné. Celui dont vous parlez est un projet privé qui n’est pas celui de l’à‰tat. Une étude de faisabilité pour aller vers une raffinerie de classe mondiale est en cours, cela dit, C’’est un projet qui est techniquement difficile à  mettre en œuvre et parfois avec des marges qui sont extrêmement réduites. Cela demande une grande précision industrielle. O๠en est-on de l’audit des contrats miniers ? Il existe un consortium de réputation mondiale qui a été mandaté pour le faire. Il s’agit de Deloitte et BRGM, entre autres, très connus sur le plan financier et juridique. Le premier rapport ne devrait plus tarder. Il est attendu d’ici la fin du mois de décembre 2015. Qu’attendez-vous de ces audits ? Nous voulons des propositions pour des contrats miniers plus équilibrés. Les contrats existants sont tous attachés au Code minier de 1991, cela fait plus de trente ans. Notre Code minier est lui-même rattaché au Code général des impôts qui date des années 70. Depuis, des innovations ont eu lieu pour élargir l’assiette fiscale de l’à‰tat. Il y avait aussi des questions importantes comme le développement communautaire, la RSE, l’environnement, la fermeture des mines, qui ne sont pas prises en compte dans les contrats des années 90. Aucun engagement des sociétés n’est pris en compte concernant les communautés, et même si certaines d’entre elles ont réalisé des infrastructures dans les zones minières, elles peuvent faire encore plus. Parlons de l’orpaillage, des problèmes existent, que faà®tes-vous pour les régler ? Les problèmes sont surtout liés aux conflits entre orpailleurs et l’industrie minière. Nous avons aujourd’hui près de 500 000 orpailleurs, ce qui génère des conflits, des problématiques. Il s’agit essentiellement d’une occupation illégale des zones minières. Une solution pourrait être la création de couloirs d’orpaillage bien délimités, avec une organisation de ces orpailleurs en coopérative, qui seront redevables envers l’administration. l’orpaillage est ancré dans nos cultures, et il faut voir comment transformer cette activité pour réduire la pauvreté. Près de 2,5 millions de personnes en dépendent. Que pouvez-vous dire du litige avec la société Somilo (exploitante du site de Loulo), qui devrait une vingtaine de milliards à  l’à‰tat ? Il s’agit là  d’un redressement fiscal que l’à‰tat a opéré sur la société Somilo. Il réclame en effet 20 milliards de francs CFA, mais la société estime ne pas en être redevable. Somilo appartient au groupe Randgold, un partenaire du Mali depuis 25 ans, et une négociation est en cours pour trouver une solution à  l’amiable. J’espère qu’elle aboutira. Ce problème rejoint évidemment la révision des contrats miniers dont nous parlions plus haut. Et l’à‰cole des mines, C’’est pour bientôt ? Le projet avance. Encore une fois, les études de faisabilité, d’impact environnemental et d’architecture sont en cours avec l’acquisition d’une parcelle dans la zone aéroportuaire. Le financement devrait être assuré par la Banque mondiale. C’’est en bonne voie.