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Cancun: Plus positif pour les Nations unies que pour le climat

Un échec aurait eu de graves conséquences Si l'accord conclu, au terme de douze jours de négociations tendues et souvent…

Un échec aurait eu de graves conséquences Si l’accord conclu, au terme de douze jours de négociations tendues et souvent bloquées, a sauvé quelque chose, c’est moins l’équilibre climatique de la planète que la légitimité des Nations unies à  piloter ce débat. Une nouvelle déroute aurait sans doute été fatale au processus onusien, après l’échec de la conférence de Copenhague, en décembre 2009, et la stérilité des quatre réunions organisées en cours d’année, à  Bonn et à  Tianjin (Chine). Au final, l’accord « ouvre une nouvelle ère pour la coopération internationale sur le climat », s’est réjouie la ministre mexicaine des affaires étrangères et présidente de la conférence, Patricia Espinosa, à  qui en revient largement le mérite. Le système de l’ONU n’a pourtant pas gommé ses défauts. Le consensus exigé par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques fragilise considérablement la négociation. Il avait empêché, à  Copenhague, que la conférence entérine un accord négocié par une vingtaine de chefs d’Etat parmi les plus importants. Il a failli interdire, à  Cancun, de se quitter sur un accord. La Bolivie, pourtant lâchée par ses amis de l’Alliance bolivarienne, a contesté le texte jusqu’au bout. Furieux que la présidente soit passée outre son opposition, le pays veut porter l’affaire devant la Cour internationale de justice. Le système onusien chancelant Face au pouvoir qu’a une voix isolée de bloquer le processus, des pays comme les Etats-Unis ont beau jeu de militer pour aborder la question climatique dans des enceintes plus restreintes, comme le G20 ou le Forum des économies majeures, o๠l’on ne discute ni de l’obligation de réduire les émissions des gaz à  effet de serre ni de l’aide aux pays pauvres. Face à  ce risque, les pays émergents deviennent le moteur du multilatéralisme. Ils sont apparus à  Cancun comme les plus déterminés à  remettre en mouvement un processus bloqué. Sortant d’une logique qui a longtemps consisté à  attendre tous les efforts des pays industrialisés, l’Inde a multiplié les pas en avant, acceptant une vérification internationale des politiques climatiques et envisageant de signer un accord juridiquement contraignant. Au point que le ministre indien de l’environnement, Jairam Ramesh, a été vertement critiqué dans son propre pays. Le Brésil s’est, lui aussi, montré soucieux de jouer les facilitateurs, assouplissant ses positions, notamment au sujet de la déforestation. Même la Chine a donné des signes d’ouverture et semblé jouer avec ses propres lignes rouges. Enfin, c’est la présidente mexicaine de la conférence, Patricia Espinosa, qui a sorti la négociation de l’impasse en imposant, sur le fil, un texte de compromis. En face, quelle inertie ! Le Japon et la Russie ont manqué provoquer un clash en refusant toute prolongation du protocole de Kyoto et les Etats-Unis n’ont pas cédé un pouce de terrain tout au long des négociations. L’Europe, divisée, paralysée par la logique communautaire et le mandat prudent voté par le Conseil européen à  la veille de la conférence, s’est montrée incapable de donner les signaux et les impulsions susceptibles de rehausser le niveau d’une conférence aux ambitions somme toute modestes. Cet attentisme est inquiétant, car beaucoup reste à  faire. L’accord conclu à  Cancun esquisse la boà®te à  outils de la lutte contre le changement climatique – fonds « vert », réduction de la déforestation, transfert de technologies vers les pays du Sud. Il acte aussi, pour la première fois, l’objectif de limiter la hausse de la température globale à  2 oC. Mais les points qui fâchent ont été laissés en suspens, à  l’image des sources de financement du fonds « vert » et des engagements de réduction des émissions de CO2 pris par chaque pays, dont chacun convient qu’elles ne suffiront pas à  contenir le réchauffement. L’accord de Cancun entérine un renversement de la logique de la négociation climatique, qui marque un affaiblissement du processus onusien. Il ne s’agit plus, comme c’était le cas à  Copenhague, de fixer un objectif global de réduction des émissions de CO2 fondé sur les enseignements de la science et de dicter à  chaque Etat la part qu’il devra prendre dans l’effort collectif. Cette logique « descendante » a été remplacée par un processus « du bas vers le haut », dans lequel chaque pays inscrit ce qu’il est prêt à  faire, voire ce qu’il a déjà  décidé. « Ce n’est pas à  l’ONU que se décide la lutte contre le changement climatique : c’est sur le terrain, dans chaque pays, sous l’impulsion de la société civile ; les Nations unies ne peuvent qu’entériner l’ensemble de ces politiques », observe l’ambassadeur français chargé du climat, Brice Lalonde. On voit d’autant plus mal comment la conférence de Durban, en décembre 2011, pourrait avancer sur la voie d’un traité global et légalement contraignant sur le climat sans un investissement renouvelé des pays industrialisés.