Chambre de Commerce et d’industrie du Mali (CCIM) : Des millions partis en fumée

La présente mission effectuée par le BVG au compte de son rapport annuel 2009 est consécutive à  une saisine anonyme…

La présente mission effectuée par le BVG au compte de son rapport annuel 2009 est consécutive à  une saisine anonyme qui dénonçait le versement d’indemnités de fonction aux responsables de la CCIM et la passation de marchés d’impression avec la société Bittar Impression. Partant de cette saisine, le Vérificateur Général a initié une vérification financière normale dans le but d’examiner la régularité et la sincérité des opérations de recettes et de dépenses de la CCIM, pour les exercices 2007, 2008 et 2009. Des dysfonctionnements criards La structure ne dispose pas de manuel de procédures administratives, comptables et financières. En conséquence, les employés ne sont pas informés des tâches qui leur sont dévolues et ne contribuent pas efficacement à  la maà®trise des activités.La CCIM n’enregistre pas les dépenses avant paiement. Ainsi, elle ne connaà®t pas la réalité des engagements financiers qu’elle a pris vis-à -vis de ses fournisseurs. En opérant de cette manière, elle tient une comptabilité de trésorerie alors qu’elle doit tenir plutôt une comptabilité d’engagement. La comptabilité d’engagement consiste à  constater les créances et les dettes de l’entité avant leur paiement. Faut-il signaler que la CCIM n’applique pas l’arrêté n°05/053/MEF-SG. Cet arrêté fixe la nomenclature budgétaire et comptable des Etablissements Publics, C’’est-à -dire les règles que ceux-ci doivent appliquer pour comptabiliser leurs recettes et leurs dépenses. En foulant le principe de la permanence des méthodes, la CCIM change de règles de comptabilisation d’une année à  l’autre. Pis, à  la CCIM, certains travailleurs cumulent des fonctions qui sont incompatibles entre elles (principe de la séparation des tâches). Ainsi, la régie de la CCIM est gérée par l’Agent comptable, qui est aussi l’ordonnateur délégué de la CCIM. De même, le Directeur de l’Institut Consulaire d’Etudes et de Formation (INCEF) est à  la fois ordonnateur des dépenses et caissier. Le magasinier de la CCIM fait, quant à  lui, office de caissier pour le produit des imprimés vendus à  la Direction Nationale du Commerce et de la Concurrence (DNCC). Absence totale de comptabilité A la CCIM, il ressort que les recettes constituées par la quote-part de la CCIM dans la vente des imprimés commerciaux par la DNCC ne sont pas comptabilisées. Le magasinier reçoit les versements et conserve tous les exemplaires de reçus de paiement. Il n’envoie de copie des reçus ni à  la Comptabilité de la CCIM ni à  la DNCC. En somme, la caisse est gérée en dehors des circuits de la comptabilité, et il n’existe aucun suivi de la réalité des versements effectués dans la caisse. Par conséquent, le seul contrôle se fait à  travers la signature par l’agent comptable d’un état récapitulatif (recettes ou dépenses) que le magasinier soumet à  son approbation en fin de mois. Pour ce qui est du service “Foires et Parc des expositions de Bamako”, il ne tient pas une comptabilité des recettes générées par l’organisation des foires et des expositions-ventes. Ainsi, il n’existe pas d’informations fiables sur la réalité des recettes réalisées à  ces occasions. Le peu d’informations qui existe n’est pas transmis au service comptable. En outre, le service “Foires et Parc des expositions de Bamako” a utilisé en 2007 et en 2008 des carnets de plusieurs types pour encaisser les recettes. Les séquences de numérotation sont irrégulières, avec des sauts de longues séries de numéros. Ces procédés favorisent et accroissent les risques de détournement de fonds. S’agissant des recettes de vente d’imprimés commerciaux, ils ne font l’objet d’aucune comptabilisation. Du coup, la gérante des imprimés commerciaux verse le produit de la vente directement dans le compte bancaire ouvert à  cet effet. Elle ne transmet ni les reçus destinés aux acheteurs ni les bordereaux de versement à  la Comptabilité pour que ce service passe les écritures comptables. Il en découle un risque élevé de détournement des recettes. Ainsi, la somme de 651 000 FCFA résultant des ventes n’a pas été versée dans le compte bancaire.En outre, les vendeurs des imprimés commerciaux font une exploitation abusive des mises au rebut. Ainsi, ils déclarent comme “déchets” un volume important d’imprimés.Pour preuve, en 2009, sur un total de 40 887 imprimés de DDU (Déclaration en Douane Unifiée) 12 736, soit 31,15%, ont été déclarés comme étant des déchets. La valeur des imprimés classés déchets est de 25,47 millions de FCFA. Il s’avère en réalité, que ces imprimés ont été vendus. Des dépenses injustifiées Au titre des dépenses irrégulières effectuées, il faut signaler que la CCIM a payé des immeubles sans titre de propriété établi à  son nom et sans pièces justificatives pour un total de 292,44 millions de FCFA. En effet, elle a versé 277,44 millions de FCFA pour acquérir un immeuble qui sert de siège à  sa Délégation régionale de Kidal. Selon les documents disponibles, il s’agit d’un achat d’immeuble bâti mais aucun acte de vente n’a été établi et le titre de propriété est demeuré au nom du vendeur, qui se trouve être le Président de la Délégation régionale. Le montant total a été payé et comptabilisé en charges au lieu d’être porté en immobilisations. De même, il n’y a aucune pièce justificative pour l’acquisition de la parcelle de terrain o๠a été érigé le siège de la Délégation régionale de Mopti. Le paiement de 15 millions de FCFA au titre du prix du terrain n’est supporté par aucune pièce justificative. En outre, la CCIM a retenu mais n’a pas reversé au service des impôts la TVA pour un total de 66,17 millions de FCFA. Sur la base d’aucune pièce justificative, la CCIM a alloué aux Délégations Régionales la somme de 487,08 millions F caf pour dit-on assurer le fonctionnement de celles-ci. Aussi, la structure a accordé des indemnités de frais de téléphone non justifiées à  certains membres pour un montant total de 37,85 millions de FCFA. Par ailleurs, la CCIM a versé en 2008 la somme totale de 143 millions de FCFA pour frais de Représentation, bien qu’aucune loi ni aucun règlement ne prévoient ces frais de représentation. A ces irrégularités, il faut ajouter que la CCIM a effectué des dépenses à  hauteur de 121,19 millions de FCFA sans pièces justificatives. Ces dépenses ont été faites sur la régie, et il n’existe aucun dispositif de contrôle de la gestion des montants mis en régie. Le hic est que l’agent comptable, auquel incombe cette tâche, est en même temps le gestionnaire desdits fonds. Il n’existe pas de registre pour la gestion de la régie, ni d’état récapitulatif des dépenses engagées en régie. Celles-ci ne sont pas comptabilisées et les pièces justificatives ne sont ni classées ni numérotées. Aucun rapprochement ne peut être effectué pour analyser et évaluer les montants dépensés en régie. A titre de recommandation, à  la CCIM, le bureau du Vgal a demandé entre autre le recouvrement du montant total de 1,35 milliard de FCFA au titre de la fraude, la mise en place et l’application effective d’un manuel de procédures administratives, comptables et financières. La CCIM, partenaire des privés Rappelons que la CCIM a pour mission d’organiser, en corporation, et autour d’activités communes les personnes physiques et morales faisant profession dans le commerce, l’industrie et les services. Fonctionnant sur un budget annuel oscillant autour de 1,8 milliard de FCFA, la CCIM représente ces personnes dans leurs relations collectives avec les pouvoirs publics et les autres organismes nationaux ou internationaux. En tant qu’organisation des professionnels du commerce et de l’industrie, la CCIM joue un rôle important dans l’atteinte des objectifs nationaux de croissance économique et de lutte contre la pauvreté. Par conséquent, il est important que les ressources qu’elle génère ou qui sont mises à  sa disposition soient gérées conformément aux principes comptables généraux et aux règles qui gouvernent les établissements publics à  caractère professionnel. En effet, la contribution des professionnels du commerce, de l’industrie et des services, représente 65% de la richesse nationale.