Colonel Salif Traoré: « Il faut que chacun se sente concerné »

Journal du Mali: Quels sont moyens mis en œuvre dans la lutte antiterroriste au Mali ? Colonel Salif Traoré:Le terrorisme…

Journal du Mali: Quels sont moyens mis en œuvre dans la lutte antiterroriste au Mali ? Colonel Salif Traoré:Le terrorisme est un thème qui concerne le monde entier, pour le cas particulier du Mali, vous savez que nous avons revisité l’arsenal juridique, il y a quelque temps nous avons voté une loi portant sur la répression du terrorisme et dernièrement sur le financement du terrorisme. De façon plus technique et pratique, nous avons mis en place une force spéciale antiterroriste de la sécurité, elle est placée sous l’autorité du ministre de la sécurité. Nous avons jugé utile de mettre un « noyau dur » en place, auprès du ministre, qui interviendra en priorité à  chaque fois que la situation l’exigera. Cette force est dors et déjà  opérationnelle. Cette force a été constitué à  partir des unités qui sont déjà  formées. Cette unité sera dédiée uniquement à  la lutte anti-terroriste contrairement aux autres unités qui ont d’autres fonctions comme le maintien de l’ordre. Ces forces spéciales antiterroristes de sécurité (FORSATS) sont entraà®nées, bien équipées, bien structurées, bien motivées pour être efficace dans la lutte contre le terrorisme. Cette unité sera-t-elle accompagnée d’autres moyens de prévention ou répression du terrorisme ? Nous sommes en train de mettre en place également un centre de vision et d’analyse en matière de renseignement, qui va nous permettre, autour de la sécurité, de réunir la Défense, les différents services de renseignements du pays et les partenaires, éventuellement, qui sont présents au Mali pour qu’en cas d’incident grave tout se monde se réunisse et qu’on échange les informations brutes pour être en mesure d’en tirer du renseignement exploitable par les opérationnels, qui seront également activés dans un centre d’opération. Aujourd’hui cela est fait, mais chacun dans son coin, le ministère de la sécurité, le ministère de la défense, les partenaires comme Barkhane, Eucap, Eutm, Minusma, qui sont présents, ont leurs réseaux. Nous voulons mettre tout ce monde-là  en cohérence, pour qu’on puisse partager des informations rapidement. Ce centre devra être l’interface de tous les acteurs sécuritaires. Par ailleurs, nous sommes en train de mettre en place sous l’autorité du ministre de la justice, car la lutte contre le terrorisme dépend du tandem sécurité-justice, un réservoir d’enquêteurs spécialisés dans ce domaine, sélectionnés parmi les unités qui fournissent des enquêteurs et formés aux enquêtes et à  l’analyse du terrorisme. C’est tout une chaà®ne que nous sommes en train de mettre en place, d’abord des unités spécialisées qui peuvent intervenir rapidement pour arrêter ou neutraliser une menace, des enquêteurs spécialisés pour chercher à  comprendre ce qui s’est passé et l’arsenal juridique nous permettra de conduire ces enquêtes-là . Voilà  ce que nous sommes en train de mettre en place en matière de lutte antiterroriste. Cela ne peut fonctionner sans l’accompagnement de tout le reste et de la population surtout. Que peut faire la population pour aider les forces de sécurité à  lutter contre le terrorisme ? Vous savez les forces de sécurité malgré les moyens technologiques qu’elles peuvent avoir, peuvent être aussi aveugles ou sourdes. On constate dans les pays o๠il y a eu des attaques terroristes, que ces derniers viennent en amont faire des repérages et certains vivent même au sein de la population. Il faut donc que chacun se sente concerné. Il faut développer chez le citoyen des réflexes types, de façon à  ce qu’il signale tout comportement anormal ou déviant. Vous avez participé, récemment, à  la réunion des ministres de la sécurité qui s’est tenue à  Abidjan les 23 et 24 mars dernier. Il en est sorti de nombreux points, quel est le calendrier d’application et comment ces points vont-ils être appliqués concrètement ? J’ai lu et entendu sur certains médias que nous allions mettre en place une police régionale, il n’en a pas été question. Nous sommes convenus d’une coordination indispensable entre la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, la Sénégal et nous et ça a déjà  commencé . Nous sommes en étroite collaboration, entre les ministres de la sécurité de ces pays mais également entre les chefs des services de renseignements et c’est ce qu’il nous fallait pour aller à  l’essentiel et éviter la diplomatie classique. Il est important que les forces se parlent, que les ministres se parlent. C’est ce que nous faisons, en matière de prévention, en matière de partage d’information, en matière de renseignement, en matière de coopération. Nous avons aussi décidé d’instituer le type de rencontre que nous avons eu à  Abidjan de façon régulière. Nous avons aussi décidé d’éditer un bulletin de renseignement mensuel, qui est déjà  effectif. Nous allons aussi accélérer le passage aux cartes et passeports biométriques dans l’espace CEDEAO, pour avoir des documents d’identification et de voyage fiable, ce qui évitera, comme c’est malheureusement le cas, qu’un seul citoyen puisse se faire attribuer deux ou trois documents d’identification ou de voyage dans son pays. La biométrie rendra cela impossible. Le week-end dernier, deux terroristes Maliens suspectés d’avoir participé à  l’attentat de Grand-Bassam en Côte d’Ivoire, ont été arrêté à  Gossi et Goudam, est-ce une illustration de cette coopération sécuritaire ? C’est sont des arrestations faites par les services maliens, mais c’est dans le cadre de la coopération, puisque la Côte d’Ivoire, dans le cadre de l’enquête, nous a transmis certains éléments. Nous sommes en train d’interroger les suspects, nous partageons nos informations avec la Côte d’Ivoire. Pour l’instant les deux hommes arrêtés sont justes suspects et nous attendons la fin des investigations pour pouvoir dire s’ils sont effectivement liés aux attentats soit de Ouagadougou, soit du Mali, soit d’Abidjan.