Comment Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont croisé la mort à Kidal

Lorsque Claude Verlon et Ghislaine Dupont arrivent à  Bamako le vendredi 25 octobre, ils sont heureux à  l'idée de faire…

Lorsque Claude Verlon et Ghislaine Dupont arrivent à  Bamako le vendredi 25 octobre, ils sont heureux à  l’idée de faire des sujets sur la réconciliation nationale dans le cadre de la grande opération spéciale que préparait RFI les 7 et 8 novembre à  Bamako.  » On a tellement bossé dessus, on voulait montrer que les populations du Nord Mali sont pour la paix et l’unité », confie leur collègue Christine Muratet lors de la cérémonie funèbre organisée avant le rapatriement de leurs corps à  Paris. Ghislaine Dupont et Claude Verlon n’en sont pas à  leur premier coup d’essai. Habitués de l’Afrique, des terrains sensibles comme le Congo Kinshasa d’o๠Ghislaine fut expulsée en 2006 ou encore la Côte d’Ivoire pendant la crise politique, ils ont souvent travaillé ensemble. Les deux reporters en étaient à  leur deuxième voyage au Mali, après l’élection présidentielle de Juillet o๠ils avaient couvert le vote à  Kidal. « J’ai voyagé avec eux, j’ai beaucoup discuté avec Ghislaine et Claude dans l’avion « , témoigne Ousmane Ndiaye, l’un des correspondants de TV5 Monde à  Bamako. Ce dernier reste très ému par leur mort et n’a pas souhaité en dire plus. Direction Kidal Sur place, Ghislaine Dupont et Claude Verlon entament rapidement les démarches pour se rendre à  Kidal le vite possible. Samedi 26 octobre, le lendemain de leur arrivée, on les verra au Parc National de Bamako, à  la journée des Nations Unies. Ils y étaient pour prendre contact et rencontrer la Minusma, et organiser leur voyage à  Kidal :  » Ils ont demandé à  ce que nous les transportions jusqu’ à  Kidal, confie cette chargée de l’information. Nous avons accepté et leur avons fait signé un document nous désengageant, car une fois à  Kidal, ils seraient responsables de leur propre sécurité. J’avais encore ces documents sur la table, samedi, lorsqu’on m’a appelé pour m’informer de leur enlèvement », poursuit-elle, émue. Ghislaine Dupont et Claude Verlon étaient-ils trop pressés d’arriver à  Kidal ? C’est l’avis d’un journaliste malien, qui les connaissait : » Lorsqu’elle arrive à  Bamako, Ghislaine Dupont prend du temps pour se reposer, voir des amis, mais cette fois, elle avait hâte d’aller au nord ». Confiante en la mission, elle avait depuis Paris, contacté des responsables du MNLA. Quelques jours plus tard, les deux reporters sont à  Kidal. Ils y sont à  l’aise et testent leur matériel devant foules et témoins, rencontrent les autorités et des responsables locaux. Sur place, la présence des deux français est vite repérée.  » S’ils se sentaient en confiance », confie en sourdine Mme Chekchik, l’épouse d’un membre influent de la communauté touareg, c’est que le MNLA a du leur dire, venez, nous contrôlons Kidal, et vous n’avez rien à  craindre. Et turbans sur la tête ou pas, à  Kidal, chacun sait qui est qui… ». Affirmation osée, mais qui va dans le sens de tous ceux qui accusent le groupe rebelle d’être complice de l’enlèvement des deux journalistes français. Du reste, qu’Ambéry Ag Ghissa déclare avoir été sommé de  » rentrer » au moment o๠les deux français sont enlevés, continue d’étonner. Et l’autre thèse qui évoque l’arrivée imprévue des deux reporters, chez Ambéry Ag Ghissa, est plus qu’improbable… Flou autour de l’enlèvement Comment Ghislaine Dupont sont -ils arrivés au domicile d’Ambéry Ag Ghissa sans escorte ? Comment ont-ils pu sortir de la maison du responsable du MNLA et se faire enlever sans qu’aucune intervention n’ait eu lieu. Ambéry Ag Ghissa, haut responsable politique du MNLA vit-il sans garde rapprochée ? Autant de zones d’ombres qui laissent penser que les deux français étaient suivis, épiés et attendus. Mais l’alerte sera vite donnée après leur enlèvement. « Une patrouille au sol et deux hélicoptères Serval, qui ont décollé de Tessalit, ont entrepris de prendre en chasse les ravisseurs », précise l’état major français. « Kidal est une petite ville et il n’y a pas mille et un chemins pour sortir de la ville.  » Lorsque les Français disent qu’ils n’ont pas établi de contact visuel, cela laisse place au doute », affirme un militaire de la Minusma en poste à  Bamako. Ghislaine Dupont et Claude Verlon, selon une première thèse, ont été tués par balle puis abandonnés à  quelques mètres du véhicule des ravisseurs à  12km au nord de Kidal. L’enquête avance, et la katibat, qui aurait organisé le coup étant identifiée comme celle d’Abdelkrim El Targui, réputé sanguinaire, laisse penser qu’ils « auraient été égorgés ». Sont-ils morts à  cause de la panne du véhicule ou parce que les ravisseurs s’estimant poursuivis , ont préféré les exécuter froidement ?  » C’est en général la technique d’AQMI et chaque fois qu’il y a une opération visant à  libérer les otages, et qu’elle tourne mal, AQMI exécute les otages », précise cet expert du Sahel. Victimes collatérales La mort de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon aurait-elle pu être évitée ? Les questions demeurent mais toujours d’après cet expert du Sahel, les ravisseurs auraient pu vouloir prendre les deux français comme monnaie d’échange. On sait désormais qu’Iyad Ag Ghali, l’ex chef d’Ancar Dine, a été un médiateur dans la libération des 4 otages d’AREVA. On l’accuse d’avoir fui avec l’intégralité du butin et Targui son cousin, chef de la katibat « El Ansar », d’avoir voulu prendre les deux français comme monnaie d’échange potentielles pour calmer les ardeurs de tous ceux qui ont été impliqués dans la libération des otages d’Areva. Leur mort résulterait alors du mécontentement de certains bandits qui n’auraient pas eu leur part du butin. En outre, un autre suspect, Bayes Ag Bakabo, serait impliqué dans l’enlèvement des deux journalistes puisque c’est son véhicule, une totoya pick up beige, dans laquelle des preuves auraient été retrouvées, qui aurait servi à  l’opération, puis été abandonné à  quelques kilomètres du corps de Ghislaine Dupont et Claude Verlon.L’enquête elle se poursuit et plusieurs suspects ont été appréhendés. Mais qu’en est-il de l’interview que les deux journalistes ont réalisé avec Ambéry Ag Ghissa ? Que se sont-ils dit ? La direction de RFI a t-elle pu récupérer ces enregistrements ? De ces éléments, on ne sait rien pour le moment… Sauf que leur contenu pourrait apporter de nouveaux éclaircissements dans l’affaire…