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Crise au Mali : les défis collectifs à relever

Depuis son indépendance en 1960, le Mali est confronté dans ses régions Nord (Tombouctou, Gao et Kidal) à  des rebellions…

Depuis son indépendance en 1960, le Mali est confronté dans ses régions Nord (Tombouctou, Gao et Kidal) à  des rebellions armées à  répétition qui ont fini par devenir une cause d’insécurité récurrente et d’instabilité pour le pays tout en entier. A la différence de la rébellion de 1963, qui a été férocement combattue par les armes, celles de 1989 et de 2006 ont été conclues par le dialogue politique dont les supports ont été le Pacte Nationale (1992) et les Accords d’Alger (2006). Les difficultés de mise en œuvre du Pacte National et des Accords d’Alger, la criminalité transfrontalière (le trafics de cigarettes, d’armes et de la drogue), l’installation d’AQMI et des salafistes dans la zone et surtout l’arrivée des combattants armés de la Libye après la chute du régime de Kadhafi, ont créé une situation inédite et d’aggravation de la question. Vulnérabilité La crise sécuritaire, que nous étions habitués à  gérer, est rendue aujourd’hui plus complexe en raison d’une part de la persistance des facteurs de vulnérabilité de la zone (l’immensité du territoire, la faible densité de populations, la faiblesse de l’Etat et des administrations publiques et la fragilisation des structures communautaires) et de l’amplification des nouveaux facteurs liés aux intérêts géostratégiques régionaux et internationaux (AQMI et la quête de matières premières) d’autre part. Les effets cumulés des difficultés nées de la gestion faite de cette crise sécuritaire, les faiblesses politiques et institutionnelles installées par l’unanimisme d’ATT érigé en mode de gestion publique depuis 2002 et les entraves à  la reforme de décentralisation de la gestion publique ont ouvert la voie à  l’émergence de plusieurs mouvements armées qui ont fait de cette partie du pays une zone de non droit. Prenant ainsi prétexte des difficultés internes de gestion d’une armée, qui est demeurée dans les faits très peu républicaine ; une junte, constituée de soldats du rang et de quelques officiers subalternes, qui est sortie le 21 mars 2012 de ses casernes pour une simple révolte, s’est emparée du pouvoir d’Etat avec une facilité déconcertante. Ce coup d’Etat, que tout observateur avisé aurait dû voir venir vu l’atmosphère délétère en place depuis quelques mois, a mis un coup d’arrêt non seulement à  la préparation des échéances électorales de renouvellement de l’exécutif et du parlement, mais à  contribuer à  accélérer la dégradation de la situation sécuritaire et militaire dans les régions nord du pays autour de la quelle la commission et sécurité de l’UA venait de se réunir. Aujourd’hui, la situation du Mali peut se résumer comme suit : – le processus de démocratisation, en cours depuis deux décennies, a connu un coup d’arrêt et est donc fortement interrogé sur son avenir ; – l’Etat et les institutions publiques sont très fragilisés et en perte de crédibilité ; – les forces armées et de sécurité sont en difficulté réelle pour assurer la sécurité des populations et pour défendre l’intégrité du territoire national ; – les partis politiques et les autres espaces de mobilisation et de médiation sociale (les sociétés civiles) sont en panne d’initiatives ; – la partition du territoire national est un fait en raison du repli des administrations de l’Etat, des forces armées et l’occupation des régions de Kidal, Gao, Tombouctou et une partie de la région de Mopti par divers mouvements armés (MNLA, AMSARDINE et AQMI) ; – un nombre important de maliennes et des maliens, surtout des régions Nord, est réfugié hors du territoire national (Burkina, Niger, Algérie, Mauritanie), Bref, depuis l’indépendance notre pays n’a jamais été en si mauvaise posture au niveau interne et international. La remise en place des institutions publiques, le retour de la paix et de la sécurité, la restauration de l’intégrité du territoire national et l’organisation des prochaines élections (présidentielle et législatives) sont entre les mains de la CEDEAO et de la communauté internationale. Malgré les déclarations de principe, les puissances européennes et occidentales peuvent être tentées par des logiques courts termes de visée électoraliste ou de protection de leurs intérêts en nouant des alliances contre nature et conjoncturelles, l’analyse objective de la situation décrite ci-dessus nous renvoie à  trois défis majeurs à  relever : – le rétablissement et la défense de l’intégrité du territoire national pour éviter d’aller à  contresens des évolutions dans le monde qui exigent plutôt l’intégration des pays ; – la remise en place et en état de fonctionnement normal des institutions et des administrations publiques régionales et locales dans les régions Nord à  travers la restauration rapide de la paix et de la sécurité ; – la préservation du processus démocratique et de la continuité républicaine en créant les conditions de la bonne tenue des élections présidentielles et législatives. Seul un sursaut collectif et une analyse objective de la situation nous permettrons de faire émerger des réponses pertinentes et durables à  cette crise. Nous sommes face à  une crise profonde de société, évitons la solution facile qui consiste à  stigmatiser une couche particulière ou seulement extérieure. Ousmane SY