Crise: pourquoi l’Eglise du Mali se tait ?

Epine dorsale de la religion chrétienne au Mali, les Eglises catholiques et protestantes ont toujours entretenu une position floue sur…

Epine dorsale de la religion chrétienne au Mali, les Eglises catholiques et protestantes ont toujours entretenu une position floue sur les questions d’intérêt national. Complexe de la minorité? Crainte d’être mal compris? Consultées à  l’aune des grandes prises de décision, leur position s’aligne d’ordinaire sur celle des musulmans, ultra-majoritaires. La fuite des chrétiens du Nord La crise actuelle ne déroge pas à  la règle. Alors que le moindre petit regroupement donne de la voix pour faire entendre sa position, que les partis, les personnes et les coalitions s’entredéchirent, l’Eglise préfère garder le silence. l’offensive des islamistes avec à  la clé l’occupation des 2/3 du territoire national et son corollaire de chasse aux chrétiens, pas plus que l’instauration d’une charia qui risque de se propager, ne l’ont fait sortir de son mutisme, qui peut passer pour de l’indifférence. Elle sait pourtant bien que C’’est elle qui serait menacée la première si la charia venait à  se répandre. La prise des régions du Nord a jeté sur les routes les rares chrétiens qui prêchaient le nom de Jésus. «Les chrétiens de Kidal, Tombouctou, Gao ont tous fui. Depuis le 1er avril, les lieux de culte comme l’Eglise de Gao et la chapelle de Tombouctou seraient occupés par le groupe Ansar Dine», témoigne un chrétien déplacé. à€ Bamako, les chrétiens – qui représentent moins de 2 % de la population – sont de plus en plus inquiets de la tournure des événements. Monseigneur Jean Zerbo de l’Eglise catholique, tout comme le pasteur Daniel Coulibaly de l’Eglise protestante se font de plus en plus rares. Aux premières heures du coup d’Etat, on les avait pourtant vus avec Mahmoud Dicko du Haut Conseil Islamique (HCI), à  Kati comme à  Ouagadougou. Depuis plus rien. Seul le président du HCI est visible. Est-ce à  dire que ces trois personnalités n’ont pas la même vision des choses? « On n’est pas sûr d’être compris de la même façon par tout le monde » Ce n’est pas la première fois que l’Eglise disparait en temps de crise. En 2009 elle était restée muette lors du tourbillon politique et social qui avait entouré la réforme du code de la famille. Même après le renvoi du code en seconde lecture, aucune autorité de la confession n’avait pipé mot. Le combat des leaders musulmans visait pourtant à  réduire les droits de la femme. Très souvent, la voix des chrétiens ne se fait entendre que via quelques fidèles qui n’approuvent d’ailleurs pas le mutisme des dirigeants. «Les responsables de l’Eglise doivent se mettre en tête que la religion est là  pour aider les hommes à  vivre. Il y a donc pas de mal à  ce que l’Eglise fasse part de sa vision sur des questions d’intérêt nationales », lâche Théophile Mounkoro, ancien séminariste. Selon George Koné, un proche collaborateur de l’archevêque de Bamako, l’Eglise n’aimerait pas se mettre au devant de la scène pour faire des déclarations officielles. Et pour cause, soutient-t-il, «le pays est fragilisé. Il faut se garder de faire toute déclaration susceptible d’attiser le feu. Car on n’est pas sûr d’être compris de la même façon par tout le monde ». Il faut cependant souligner que le Pape Benoà®t 16 s’est exprimé à  plusieurs reprises sur la crise que traverse le Mali. D’abord, au lendemain du coup d’état et la prise des régions nord, pour prier pour la paix.Et ensuite, pour condamner la destruction des mausolées à  Tombouctou. Mais l’Eglise du Mali, elle reste dans son silence, qu’elle juge plus prudent.