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Croissance économique : le paradoxe malien

Une délégation du Fonds monétaire international (FMI) vient de boucler dans notre pays une mission de près de dix jours…

Une délégation du Fonds monétaire international (FMI) vient de boucler dans notre pays une mission de près de dix jours dans le cadre des discussions relatives, d’une part, à  la septième revue de l’accord avec le FMI au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC) qui arrive à  expiration à  la fin 2011, et d’autre part à  l’élaboration d’un nouveau programme triennal susceptible de bénéficier également de l’appui du FMI. Le Mali, bon élève ? Au terme de leur visite, les experts du FMI sont formels sur leurs conclusions : «Â le Mali est sur la bonne voix ». «Â Grâce à  une bonne pluviométrie et à  la bonne tenue des cours mondiaux de l’or et du coton, la croissance du PIB (Produit intérieur brut) est projetée à  5,4%, et l’inflation devrait rester inférieure à  3% en 2011. Le déficit budgétaire de base (recettes propres et dons budgétaires moins dépenses sur financement intérieur) devrait rester dans la limite programmée de 1,6% du PIB », rassure le communiqué du FMI. Qui note «Â des progrès accomplis dans la mise en œuvre des réformes structurelles pour améliorer la gestion budgétaire et de trésorerie, et renforcer le système bancaire ». Les experts du FMI, qui encouragent les autorités à  poursuivre dans cette voie, estiment que «Â la croissance en 2012 est projetée à  5,6%, tandis que l’inflation devrait être inferieure à  2,5% ». «Â Le déficit budgétaire de base est ciblé à  0,7% du PIB, reflétant une augmentation de7,8% des dépenses de santé et d’éducation financées sur ressources propres et propices à  la réduction de la pauvreté, ainsi que l’équivalent de 0,5% du PIB de dépenses en capital financées par des recettes de privatisation de la SOTELMA ». Le tableau dressé par le FMI à  la suite de sa mission est très reluisant, mais suscite un paradoxe qui crève l’œil. Croissance : oui, développement : non ! La mission du FMI au Mali intervient quatre mois seulement après la semaine de la Banque mondiale organisée à  Bamako. Au cours de cette rencontre internationale, les experts de la banque n’ont pas tari d’éloges sur le Mali en parlant de ses «Â progrès » en matière de croissance économique malgré le contexte de crise financière internationale en 2008. Selon les économistes, la croissance correspond d’une manière générale, pour une nation, à  une augmentation soutenue et durable pendant une période suffisamment longue de la production de biens et de services appréhendées par des indicateurs comme le PIB ou le PNB (produit national brut). Pour le Dr Etienne Oumar Sissoko, «Â ceci n’étant qu’une mesure quantitative d’un agrégat économique, la croissance n’est qu’une des composantes du développement qui est une notion plus abstraite et qualitative ». Pour cet Economiste-Assistant à  l’Université de Paris Ouest-La-Défense-Nanterre, «Â Il peut donc y avoir croissance sans développement à  cause de la mauvaise répartition de ce surplus de production ». C’’est le cas malien, o๠il y a très peu d’impacts de cette croissance sur le développement de notre pays. Disons-le net. En témoignent les deux derniers rapports du PNUD sur le développement humain durable. Ces «Â bonnes notes » de croissance économique du Mali sont rendues publiques au moment o๠le dernier rapport du Fonds des nations Unies pour le développement, classe le Mali 175ème pays le plus pauvre, sur 177 classés, soit une longueur d’avance sur le Niger et la Guinée Bissau. Depuis quelque années, nous enregistrons des «Â taux de croissance satisfaisant », en effet, mais l’incidence de cette augmentation sur le niveau de vie des Maliens (en matière de couverture sanitaire, d’amélioration de la qualité l’éducation, d’accès aux soins de santé, d’autosuffisance alimentaire, etc.) est véritablement en déça des attentes. Davantage de pauvres au Mali Dans ce cas, la croissance en elle-même ne sert à  rien. Si le Mali est un bon élève, on est en droit de se demander à  qui profite le surplus de production. Pas aux Maliens moyens en tout cas. Car, depuis une dizaine d’années, les chiffres sont sans appel : la majorité de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté. Dire qu’on demande au Mali dans les mêmes recommandations, de continuer dans la privatisation de nos entreprises est synonyme d’accroissement de chômage, de suppression d’emplois, de licenciements, etc. on nous demande simplement de contribuer à  accroitre la misère sociale. Les récentes privatisations ont été source de crises sociales avec ses vagues de travailleurs compressés. La baisse de la production cotonnière au cours des dix dernières années, a appauvri des familles d’agriculteurs, contraint des jeunes à  l’immigration, etc. La majorité des familles à  l’intérieur du pays mangent à  peine trois fois par jour. Dans les campagnes, les périodes de soudure sont devenues des moments de cauchemar pour certaines familles. Bref, la mauvaise répartition des ressources du pays, la corruption, le laxisme des autorités, etc. n’ont pas favorisé le développement. Les Maliens veulent du concret dans leur vie, pas des chiffres ! Et le prochain président du mali doit le savoir.