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De l’mpertinences des réformes politiques et institutionnelles

Le ressentiment accumulé envers des Etats corrompus qui régentent l'économie et n'offrent aucune perspective aux jeunes ; le sentiment de…

Le ressentiment accumulé envers des Etats corrompus qui régentent l’économie et n’offrent aucune perspective aux jeunes ; le sentiment de frustration et d’exclusion ; l’instrumentalisation des jeunes par les élites, et la défiance intergénérationnelle croissante posent la problématique des jeunes dans les Etats confrontés à  des crises structurelles. En effet, les Etats en Afrique de l’ouest se trouvent aujourd’hui (presque tous) dans des situations de fragilité permanente. Au Mali, cette situation de fragilité se manifeste depuis l’indépendance (1960), par des rebellions armées au nord du pays, les coups d’Etat militaires, la non participation électorale, le faible développement économique et l’inéquation dans l’offre des services sociaux. Selon Severine Bellina et al. «la fragilité renvoie à  un manque de capacité – définie non seulement comme capacité organisationnelle, institutionnelle et financière mais aussi comme capacité à  produire ou à  favoriser l’existence de normes, règles et règlements communs, reconnus et partagés à  la fois par l’à‰tat et par la population générale » . « La crise que traverse la jeunesse est aussi grave que la crise du nord. Elle met en danger les valeurs fondamentales sur lesquelles notre pays est fondé depuis des siècles » . Ce discours rend compte de la perception des jeunes sur l’Etat et des capacités de celui à  répondre à  ces innombrables défis. Or, la population du Mali connaà®t une forte croissance, selon les projections de la Direction Nationale de la Population, elle pourrait être multipliée par 3 ou 4 d’ici 2050 pour être de l’ordre de 45 et 60 millions d’habitants. Selon les mêmes projections, cette forte croissance est « l’effet conjugué de la baisse de la mortalité et du niveau encore élevé de fécondité ». Les jeunes représentant près de 60 à  70% de la population malienne. Chaque année, 300 000 jeunes arrivent sur le marché du travail ; un grand nombre d’entre eux, n’arrive pas à  accéder à  un emploi décent. De ce fait, malgré une croissance économique moyenne annuelle de 4,5 %, le taux de chômage augmente . Bien que plus prononcée au nord, la crise de l’emploi touche l’ensemble du pays. Aujourd’hui, le manque d’emplois est particulièrement aigu pour les jeunes âgés de 15 à  35 ans et le taux de chômage atteindrait 40 à  45% selon les estimations. Un décalage existe entre le secteur de l’éducation et le marché de l’emploi et le taux de chômage des diplômés universitaires est élevé. Mais dans le cadre de la réforme de la décentralisation, les collectivités locales se sont vues attribuées des rôles imprécis sur les « politiques » jeunes. En effet, le code des collectivités n’aborde pas de façon spécifique la question des politiques locales en faveur des jeunes. l’analyse des instruments de planification du développement local (PDESC) révèle de nombreuses disparités entre les collectivités. Au niveau des communes et des cercles, on aperçoit que les stratégies en faveur des jeunes se « réduisent » dans la plupart des cas à  la création ou à  la réhabilitation des maisons de jeunes (foyers des jeunes). Cette stratégie « basique » consiste à  doter la collectivité d’un centre culturel, de terrain de sport et de spectacles. Si la promotion des jeunes dans les collectivités passe par l’existence de telles infrastructures culturelles et sportives, il faut souligner que cela ne s’accompagne non plus pas d’une véritable stratégie locale pour faire fonctionner ces centres. Le manque de programme d’animation, de personnes ressources qualifiées, de ressources financières rendent à  cet effet, insatisfaisantes les stratégies locales en faveur des jeunes. Les réformes politiques et institutionnelles mises en œuvre au Mali révèlent une certaine inefficacité face au traitement de la question jeune. Paradoxalement la reforme de la décentralisation n’a pas suscité une meilleure prise en compte des jeunes dans les politiques locales, encore moins une efficacité des stratégies au niveau nationale. Cette réforme a entrainé un cloisonnement excessif des stratégies institutionnelles en faveur des jeunes. La faiblesse des politiques jeunes devient inquiétant notamment dans le contexte d’instabilité politique et sécuritaire actuel. En effet, le Mali à  l’instar de l’ensemble des pays de l’Afrique de l’ouest est confronté à  de nouveaux types de menaces qui sont entre autres le crime organisé, le terrorisme, l’extrémisme violent. Ces nouvelles formes de menaces confrontent les Etats à  des défis sécuritaires immenses. Mais, pour Hicham El Moussaoui (2015) ce qui « inquiète, C’’est l’implication croissante des jeunes dans leur planification et leur exécution » . l’explication de tels phénomènes est à  rechercher dans les défis auxquels les jeunes sont confrontés. Nous estimons à  cet effet que l’analyse des jeunes à  partir d’une double dimension structurelle et conjoncturelle offre une perspective systémique sur la connaissance des défis jeunes. Au plan structurel, la fragilité des Etats, les crises politiques et institutionnelles et les reformes telle que la réforme de la décentralisation mise en œuvre dans la majeure partie des pays ouest africains à  partir des années 1990 révèle l’impertinence des constructions politiques et institutionnelles en faveur des jeunes. Au plan conjoncturel, on peut retenir que l’expansion du terrorisme dans la bande sahélo-saharienne ces dernières années, la multiplication des réseaux criminels, la circulation massive des armes légères provoquant l’explosion du banditisme, l’intégrisme religieux et le radicalisme complexifient les rapports des jeunes face à  l’Etat. Des pistes réflexions existent , mais devront être approfondies. On note à  cet effet qu’il faudrait : • Repenser les politiques éducatives afin de les rendre capables d’agir sur les systèmes de transmission des valeurs, en cherchant notamment à  internaliser les valeurs des institutions sociales (famille, etc.) dans le sens d’une co-construction du modèle de citoyen. • Renforcer l’ancrage affectif des jeunes avec le pays, par l’éducation, les voyages, les séjours territoriaux dans les régions différents de leur zone d’habitation, le service civil et militaire (cas SNJ). • Faire du traitement de la question jeune une stratégie pour la mise en œuvre de la régionalisation. • Améliorer les politiques locales au sein des collectivités sur la question jeune. • Prémunir les jeunes contre les dérives et les tentations des extrémismes religieux. Il est important de veiller à  ce que l’enseignement des religions se fasse par des initiés ou des théologiens formés et/ou par des enseignements scientifiquement éprouvés du fait religieux, etc.