Déclaration de politique générale : ambitieux mais possible ?

Ambitieuse, elle pose tout de même la question de la faisabilité dans un contexte marqué par la crise sécuritaire et…

Ambitieuse, elle pose tout de même la question de la faisabilité dans un contexte marqué par la crise sécuritaire et la rareté des ressources financières. C’’est dans un style sobre, mais non moins solennel, que Modibo Keà¯ta a présenté lundi 8 juin sa Déclaration de politique générale (DPG) à  l’Assemblée nationale, soit cinq mois après sa nomination au poste de Premier ministre. Au discours fleuve de son prédécesseur, il a préféré une déclaration calibrée autour de trois axes, dont la lecture monocorde et sans emphase a à  peine dépassé l’heure et demie, devant un hémicycle clairsemé dans les rangs de la majorité, alors que ceux de l’opposition étaient remplis. Très attendue, cette DPG intervient quelques semaines après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation le 15 mai, qui devrait être également signé par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) le 20 juin. C’’est donc un discours fondateur qui était attendu, pour ouvrir une nouvelle étape du mandat du Président de la République, Ibrahim Boubacar Keà¯ta (IBK). l’issue du vote prévu le 12 juin ne fait aucun doute, tant la majorité détenue par le Rassemblement pour le Mali (RPM) et ses alliés est large. Mais la question qui se pose à  Modibo Keà¯ta, 3ème Premier ministre de l’ère IBK, est celle de la faisabilité des chantiers et des grandes réformes annoncées, articulés autour de trois axes prioritaires : la sécurité des personnes et de leurs biens dans un environnement de paix, l’amélioration des conditions de vie et d’existence des populations, et la promotion de la justice et de l’équité. Rendre l’Accord possible et renforcer la sécurité nationale Sur la question sécuritaire, la création en 2014 du Conseil national pour la réforme du secteur de la sécurité a été un premier acte. «Sont en ligne de mire, la couverture sécuritaire adéquate et appropriée du territoire dans un premier temps et l’ajustement du maillage dans un second temps, à  travers la création d’unités de sécurité et de défense, ainsi que le recrutement d’éléments nouveaux ». Selon Modibo Keà¯ta, une attention particulière sera donnée à  l’application de la loi de programmation militaire. à€ cet effet, le Premier ministre a lancé un appel pour la constitution d’un fonds national de soutien aux forces armées, mais selon un membre de la Commission défense à  l’Assemblée nationale, le budget alloué à  l’armée nationale gagnerait à  être augmenté de 65 milliards de Francs CFA pour faire face à  l’enjeu. Sur la question du Nord, Modibo Keà¯ta a mis l’accent sur le paraphe de l’accord de paix intervenu à  la suite du processus d’Alger, et qui se veut pour lui un nouvel élan : « chacun de vous, dans sa circonscription fait l’objet d’interpellations et de témoignages aussi poignants les uns que les autres sur les actes de banditisme, les menaces et atteintes graves à  l’intégrité physique des personnes et à  leurs biens, les conflits communautaires et identitaires. Cela, nous le déplorons et le gouvernement a la ferme détermination d’y mettre fin, avec le concours de tous », a résumé l’ancien Haut-représentant du Président de la République pour le dialogue inter malien, visiblement très lucide sur les difficultés de la mise en œuvre de cet accord. Néanmoins, l’annonce, il y a quelques jours, de la signature du document par la CMA le 20 juin, a contribué à  crédibiliser ses propos. Relance de l’économie Abordant le deuxième axe prioritaire de sa politique, consacré à  l’amélioration des conditions de vie, Modibo Keà¯ta a longuement décrit (15 pages sur 28) une stratégie de croissance qui consistera à  diversifier l’économie en recentrant le programme d’action gouvernemental sur « l’amélioration du cadre macro-économique, le relèvement du pouvoir d’achat des populations, le développement social, la politique de décentralisation et de la libre administration des collectivités, l’emploi des femmes et des jeunes, la protection sociale, le développement des infrastructures de transports, et le développement du secteur privé». Dans le contexte actuel, cet axe paraà®t prioritaire, tant les attentes de la population semblent grandes, au point que la déception s’exprime désormais ouvertement. Concernant le secteur de la modernisation de l’agriculture, le PM a rappelé la volonté du Président de consacrer 15% du budget national à  ce secteur : « les actions du gouvernement porteront sur l’intensification et la diversification agricole ainsi que sur l’organisation des marchés céréaliers pour un meilleur accès des populations à  la nourriture et à  une alimentation saine » a-t-il indiqué. Le foncier, autre sujet sensible, fait aussi partie des priorités : « en matière domaniale et foncière, le gouvernement veillera davantage à  permettre un accès équitable et sécurisé des citoyens à  la terre », a anticipé Modibo Keà¯ta. Comment financer ces chantiers ? Le Premier ministre a de nouveau rappelé l’ambition de créer 200 000 emplois d’ici 2018, conformément à  la promesse du Président IBK. Un chiffre qui laisse perplexe Amadou Thiam, 2ème vice-président de l’Assemblée nationale : « quels fonds et comment financer la création de ces emplois ? » Il est vrai que l’aspect financement a été très peu détaillé par le Premier ministre, en particulier en ce qui concerne l’ambitieux programme d’infrastructures économiques sur l’ensemble du territoire, et dont il a rappelé les principaux. Il s’agit notamment de la route 2X2 voies Bamako-Ségou, en cours, de la route Goma Coura-Nampala-Léré-Niafunké-Goundam-Diré-Tombouctou, de la route Nationale N6 par San, du 4ème pont de Bamako, de l’aménagement de la route Bamako-Koulikoro et de la construction du pont de Kayes et ses voies d’accès. Pour Moussa Bah, universitaire, «ces projets ne sont pas nouveaux, nous savions déjà  tout cela ». Il est vrai que de ce côté, rien de neuf sous le soleil. La justice pour tous Le troisième et dernier axe de la Déclaration de politique générale concerne la promotion de la justice et de l’équité. Ce qu’il faut retenir, C’’est la volonté du gouvernement d’œuvrer en faveur d’une véritable réhabilitation de l’institution judiciaire, notamment à  travers la formation des personnels de la justice, mais aussi à  travers la construction de nouvelles maisons d’arrêts modernes et sécurisées dans plusieurs localités. « Pourquoi, la construction de maisons d’arrêts dans notre localité alors que nous avons plus besoin de services sociaux de base ?», s’interrogeait le député Amadou Aya. De manière globale, de nombreux parlementaires ont estimé que la DPG était ambitieuse : « elle intègre beaucoup des aspirations du peuple malien, mais lors des débats, nous ferons des propositions pour l’améliorer. Car si nous parvenons à  réaliser tous les projets décrits, C’’est le développement du nord et du sud qui sera garanti», conclut Fomba Fatoumata Niambaly, députée élue de San.