Décryptage: élections…législatives ou de légitimation?

Qu'elles sont floues ces élections devant désigner les cent quarante sept Maliens censés représenter le peuple au parlement ! Qu'elles sont…

Qu’elles sont floues ces élections devant désigner les cent quarante sept Maliens censés représenter le peuple au parlement ! Qu’elles sont disputées ! Qu’elles semblent malheureusement snobées par l’essentiel des six millions huit cent trente milles détenteurs de la carte NINA ! Pourquoi ce relâchement brusque au lendemain d’une présidentielle ayant enregistré un taux de participation historique ? Contrairement aux apparences, les joutes de novembre 2013 sont pleines d’enseignement. Pléthore de candidats 418 listes étaient en compétition sur l’ensemble du territoire national divisé en 55 circonscriptions électorales âprement disputées par 1095 candidats dont 198 pour la seule ville de Bamako. Les chiffres donnent le tournis. Sur le terrain, l’électeur a du mal à  distinguer la bonne graine de l’ivraie du fait non seulement de la multiplicité des listes mais surtout des alliances souvent contre nature. l’on a du mal à  savoir qui est qui ? Qui s’oppose à  qui ? Qui propose quoi ? Pas de programme, pas de propositions, pas d’orientation, pas d’engagement, juste des meeting bien sonorisés et des tournées nocturnes ponctuées de distribution de liasses de billets de banque. l’argent, oui le nerf de la guerre joue un rôle majeur dans ces joutes. Le plus jeune député de la dernière législature, DIAWARA Omar le confirme en ces termes «Â pour réussir une campagne aux législatives, il faut au bas mot débloquer quarante millions de francs CFA à  Bamako ». Familles traditionnelles et religieuses, notabilités locales et associations locales sont courtisées à  coût de centaines de milles pour coltiner les candidats. C’’est une traite pour les électeurs qui ne votent pas ; ils choisissent le plus offrant. Modicité des frais de participation C’’est à  penser que l’Assemblée Nationale est assimilée par certains candidats au marché de RAIL-DA et pour cause ! Les frais de participation aux élections législatives s’élèvent – tenez-vous bien- à  cinquante milles francs CFA. Le ridicule ne tuant pas, des partis comme le RTD, le PACP et le CDS ont été recalés par les sages de la Cour constitutionnelle pour ne pas avoir versé le montant exigé. Cette modicité des frais de participation encourage la floraison de partis politiques et pour la petite histoire le ministère de l’administration territoriale a détecté et récusé la présence d’un parti inconnu au bataillon (le MCIC, Mali Convergences des Initiatives pour le Changement). Coalition tous azimuts Les partis politiques ont prouvé à  l’occasion de ces législatives leur absence d’idéologie et d’orientation politiques. Seul l’idéal électoral compte ; idéal qui se résume en victoire de légitimation des de prédateurs-fossoyeurs de pays en hibernation démocratique. Ainsi à  Ségou, deux malheureux candidats à  la présidentielle, Dramane DEMBELE de l’ADEMA et Mountaga TALL du CNID se sont donnés la main pour un résultat décevant. A Koutiala, le parti présidentiel a préféré jouer la carte de la coalition bien que son mentor soit originaire de la localité. Ailleurs, Kati la cité imprenable jusqu’à  une date récente a enregistré les coalitions les plus hétéroclites de l’histoire politique récente du pays. Ces coalitions dénoncées urbi et orbi ne permettent aucune lisibilité de la scène politique malienne. Les acteurs politiques ressemblent finalement à  une caste divisée devant les caméras et unie face aux privilèges. A preuve, l’on s’achemine vers une «Â élection-nomination » de Soumaila CISSE à  la tête du parlement, un bon biscuit pour endormir le chef de l’opposition. C’’est la légitimation de la mainmise des leaders traditionnels sur le Mali, autrement dit la prorogation d’un système grippé ayant conduit au coup d’Etat de mars 2012. Fracture politique Les législatives ont révélé l’absence déplorable des grands partis traditionnels du Mali dans certaines contrées. Comment comprendre les absences de l’URD, de l’ADEMA, du CNID, de SADI, dans des localités comme Tessalit, Tin-Essako ? l’on pensera à  l’insécurité mais les partis ayant écrit les plus belles pages de l’histoire de ce pays ne peuvent pas ne pas présenter de candidats dans une localité fut –elle la chasse gardée d’une formation. Pendant que d’aucuns faisaient la politique de la chaise vide, le RPM exhibait sa boulimie en se présentant partout pour rafler le maximum de sièges afin de permettre à  son Président de gouverner en toute quiétude. Le parti présidentiel a non seulement réussi ses investitures mais il a su profiter de la lancée victorieuse d’IBK et de l’apport combien prestigieux tant en termes de grenier électoral que d’appoints financiers des religieux pour avoir une majorité parlementaire. Le taux de participation de 38,4% du premier tour cache bien des vérités : en réalité, ce sont les électeurs bamakois et d’autres grands centres urbains du pays qui n’ont pas voté. Une radioscopie du scrutin montre que le taux de participation frise les 50% à  l’intérieur du pays. Cette disparité s’explique par le désir des populations proches des théâtres d’opération de voir le pouvoir central prendre à  bras le corps la problématique de l’insécurité qui a conduit à  l’assassinat de Ghislaine DUPONT et Claude VERLON et la déception des populations du sud qui attendent encore depuis plus de deux mois les signaux de rupture promis par le nouveau locataire de Koulouba. Pour finir, comparaison n’est pas raison mais l’immixtion du fils du prince dans l’arène politique n’était ni opportune ni intelligente d’autant que ce signe avant-coureur d’une dévolution dynastique du pouvoir continue d’alimenter les discussions dans les salons feutrés de la capitale.