Développement industriel : un potentiel qui peine à être exploité

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Au moment o๠l’on célèbre la journée la Journée de l’industrialisation en Afrique, les leaders politiques ne manqueront pas de rappeler que l’industrie est la clef du développement, car elle peut, avec l’accompagnement de l’à‰tat et l’investissement privé, générer un cercle vertueux pour créer de la richesse et des emplois. Le potentiel du Mali en la matière est avéré, en particulier dans le domaine de l’agro-industrie, pourtant ce secteur ne cesse de régresser. La balance commerciale du Mali, déficitaire à  hauteur de 380 milliards de francs CFA en 2012, en dit long sur l’état du secteur industriel. En effet, ce déficit s’explique par l’importation massive de biens manufacturés, au détriment d’une production nationale qui peine à  se développer. l’industrie, hors sous-secteur des mines, représente à  peine 5% du PIB, contre 10% en 2000. Chez les voisins du Mali, ce taux atteint 18% en Côte d’Ivoire, 14% au Sénégal, et 11% en moyenne dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Attention, désindustrialisation massive ! De nombreux facteurs peuvent expliquer ce retard. Au premier rang, un fait culturel : les nombreux entrepreneurs maliens sont avant tout des commerçants qui cherchent à  acheter pour revendre sans créer de valeur, alors que l’industrie nécessite une culture du risque et du long terme, avec des retours sur investissement plus tardifs et des marges souvent moins élevées. Toutefois, certains grands commerçants maliens ont réussi leur reconversion, à  l’image de Modibo Keà¯ta, fondateur du groupe GDCM, distributeur de céréales, qui a remonté la filière et transforme en partie sa production réalisée à  l’Office du Niger, ou encore Mandjou Simpara, désormais industriel à  travers le groupe Gaselia, qui produit de l’eau minérale, des jus, des boissons gazeuses, et fabrique lui-même ses bouteilles. D’autres suivront-ils l’exemple ? Pour encourager le développement industriel, d’aucuns suggèrent de protéger le marché malien en limitant l’importation des produits provenant de la sous-région. Une étude commandée par l’Organisation patronale des industriels (OPI), et publiée en janvier 2014, révèle que le Mali ne tire pas grand profit des opportunités de l’intégration économique régionale, « car aucune initiative d’envergure n’a été prise pour financer la mise en valeur des 23 filières porteuses qui ont été identifiées » (voir page xx). Par ailleurs, les industriels maliens subissent de plein fouet la concurrence déloyale de produits « estampillés UEMOA », mais en réalité importé d’ailleurs, et ré-étiquetés dans la zone, avant d’être expédiés au Mali sans frais de douane. Ils pâtissent dans le même temps d’handicaps structurels, notamment le coût élevé de l’énergie, 2,5 fois plus cher qu’en Côte d’Ivoire, la distance par rapport aux ports de la sous-région et la faiblesse des infrastructures qui y mènent, les tracasseries administratives et l’environnement des affaires difficile, le déficit en ressources humaines qualifiées, qui en renchérit le coût, et le poids de la fiscalité. Last but not least, l’accès au financement, déjà  délicat pour les entreprises maliennes, l’est d’autant plus dans un secteur qui nécessite souvent de lourds investissements sur le long terme. Résultat des courses, le Mali ne cesse de se désindustrialiser, et l’on assiste à  la fermeture régulière d’unités. Parmi elles l’ancien fleuron Huicoma, une huilerie à  base de coton privatisée au profit du Groupe Tomota en 2005, et mise en faillite pour manque de matière première, Batex-CI (ex-ITEMA), un fabricant de tissus vendu par l’à‰tat au début des années 2000, ou encore Fitina, une filature créée en 2004 et relancée en 2013, qui a aussi connu des problèmes d’approvisionnement. Le tissu industriel malien, très peu diversifié et essentiellement composé d’unités de transformation légère, ne comptait plus que 424 entreprises en activité en 2013, y compris la dizaine de mines, alors que le Sénégal en compte 4 000, et la Côte d’Ivoire 8 000 ! Pis, l’industrie malienne est à  l’état embryonnaire avec plus de 60% de ces entreprises qui ne dépassent pas un chiffre d’affaires annuel de 500 millions de francs CFA, et seulement 17% qui atteignent le milliard. Malgré ce noir tableau, quelques réussites sont tout de même à  signaler, notamment Toguna SA, qui exporte sa production d’engrais dans plusieurs pays de la sous-région, ou le Groupe IBI, qui produit depuis plus d’une décennie des matériaux de revêtement (Stones), et développe sa filiale de BTP Builders en Guinée et en Côte d’Ivoire. Les deux entreprises pèsent chacune plusieurs dizaines milliards de francs CFA. Dans l’agro-industrie, GIE AMI et Moulins du Sahel sont également des acteurs de poids, même s’ils doivent faire face à  la rude concurrence des farines importées. La croisade de l’OPI Au final, le coupable désigné, parce qu’il n’a pas pu mettre en place, pendant de longues années, une politique industrielle structurante, est l’à‰tat. D’ailleurs, le changement fréquent de ministres, trois se sont succédés à  la tête du département en charge de l’industrie depuis 2013, ne facilite pas la mise en œuvre des projets sur le long terme. Les industriels ont donc entrepris un lobbying intense à  travers l’OPI, présidée depuis 2012 par Cyril Achcar, directeur général du GIE AMI (voir interview page xx). Dans le Livre blanc de l’industrie, publié en 2013, ils proposent 21 mesures, conjoncturelles et structurelles, qui ont vocation à  relancer le développement industriel. On y retrouve des propositions de bon sens, telles qu’un meilleur contrôle de la fraude, l’application rigoureuse du Tarif extérieur commun (TEC) de l’UEMOA et de la CEDEAO, l’orientation de la commande publique vers les industries nationales, mais aussi des mesures plus difficiles à  mettre en œuvre pour l’à‰tat, car coûteuses. Il s’agit, entre autre, de la baisse, voire de la suppression de certaines taxes, ou encore de la défiscalisation de l’emploi. Pour rassurer, l’OPI explique qu’en appliquant d’abord les mesures qui n’ont pas d’impact sur les finances publiques, l’incidence sur le budget de l’à‰tat s’équilibrera. Dans ce sens, 6 études portant sur 8 projets de réformes du Livre blanc ont été publiées pour démontrer leur pertinence. Elles ont fait l’objet d’une approbation par un comité Ad hoc, mis en place pour les examiner et les mettre en œuvre. Par conséquent, Madame Thiam Hawoye Cissé, Vice-présidente de l’OPI en charge de la fiscalité, en déduit que « nous sommes écoutés par le Gouvernement, et affirme être en négociation avec les services techniques de l’à‰tat, tout en attendant toujours les premières reformes industrielles sous l’ère IBK ». Pourtant, une stratégie nationale a été adoptée pour la période 2015-2017, qui vise à  « donner au secteur secondaire, et en particulier aux industries, les moyens de produire et de se développer », selon Sékou Keà¯ta, directeur national de l’industrie. s’il est réellement appliqué, ce plan d’action coûtera à  l’à‰tat la bagatelle de 1 100 milliards de francs CFA, et sans doute de bonnes retombées fiscales.