EDM: « kouran taara! »

"Kouran nana", "Kouran taara"*. Ces deux petites phrases font désormais partie de notre langage quotidien. A Bamako, la grande clameur…

« Kouran nana », « Kouran taara »*. Ces deux petites phrases font désormais partie de notre langage quotidien. A Bamako, la grande clameur qui s’élève dans le quartier n’est pas forcément consécutive à  un but marqué par l’équipe de football nationale ou encore du Barça que la plupart des Maliens supportent. Non, elle salue le retour de l’électricité après une coupure. Un délestage qui ne dit pas son nom puisque les usagers ne sont pas tenus informés d’un quelconque programme de coupure. Machines et appareils ménagers grillés, perturbation dans les activités économiques… si la situation s’est largement améliorée, elle ne semble pas prête de se stabiliser . A l’intérieur, « c’est la galère » San, Motel Teriya. Les clients ne se bousculent guère au portillon. Ici, une chaleur d’enfer et Camara, le gérant se tourne les pouces en désespérant de son sort. « Il n’y a pas d’électricité, comment voulez-vous qu’il y ait des clients? » se plaint-il? L’électricité est disponible à  peine 5 heures dans la journée. « On a le courant de 18h à  6h, quand on a de la chance, ils remettent à  9h et coupe à  14h », et le pire c’est « le week end, ils ne donnent que la nuit, dans la journée, on se débrouille ». Ceux qui en ont les moyens on trouvé une alternative. Panneaux solaires, petits groupes électrogènes pour ceux qui en ont les moyens. Pour les autres, c’est le rythme de la vie qui s’est inversée, on travaille la nuit et on se repose le jour. Pas évident pour les habitants de cette localité à  quelques 500 kilomètres de Bamako. A Mopti, la situation est encore pire! Dans cette ville qui s’est transformée en véritable forteresse depuis janvier 2012, la population a fini par marcher pour manifester son ras-le-bol. Rien n’y ait fait. Dès 6h du matin, c’est le vrombissement des groupes électrogènes au démarrage qui réveille les habitants. Pas d’électricité jusqu’à  18h. La ville qui abrite un port très actif ne sait plus à  quel saint se vouer pour avoir de l’énergie et conserver les fruits de la pêche. Moustapha a fermé sa petite gargotte à  Sévaré. Il a essayé pendant quelques mois de continuer, en achetant des glaçons pour rafraà®chir les boissons et conserver les aliments. Mais il a vite renoncé parce que les pertes s’accumulaient. « C’était trop la galère » déclare-t-il. A l’EDM, c’est le fatalisme. Un agent nous confie, sous couvert de l’anonymat, que tout se qui est possible d’être fait l’est déjà . « La société ne tient plus, on n’a plus les moyens de satisfaire tout le monde. On est obligé de fonctionner comme ça, surtout que l’administration, qui est le plus gros créancier de la société, doit continuer de fonctionner ». EDM s.a serait en effet dans de grosses difficultés financières, limitant ainsi les possibilités d’approvisionnement en hydrocarbures pour alimenter les centrales. En attendant de trouver une solution, les consommateurs, dont la facture n’a pour autant jamais diminué, continuent de broyer du noir. * « Le courant est venu », « le courant est parti »!