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Electroménager d’occasion : France merci ? Pas si sûr !

« France au revoir » ou encore « France merci » C'’est ainsi qu'on surnommait les produits de seconde main…

« France au revoir » ou encore « France merci » C’’est ainsi qu’on surnommait les produits de seconde main venus de l’occident. Si autrefois, C’’était principalement des véhicules qui arrivaient en Afrique et particulièrement chez nous au Mali, aujourd’hui, il y a de tout. Meubles, vêtements (bien sûr !) et de l’électroménager. La confidence d’un jeune vendeur de matériels que nous avons voulu interviewer nous a arraché un sourire. Bourama Traoré nous dit qu’il est « habillé en yougou-yougou (friperie), premier choix; ma voiture est France au revoir, tout comme ma télé et mon réfrigérateur ». Cela en dit long sur les nouvelles habitudes d’achat que nous avons acquises au cours des dernières années. Autrefois, avoir un climatiseur chez soi relevait du grand luxe. Ces appareils coutaient les yeux de la tête et seuls les hauts cadres et les expatriés en possédaient. Maintenant, tout le monde (grosses chaleurs récurrentes aidant) court se renseigner et s’offre un « split » seconde main à  moindre coût. Mais là  o๠il y a un vrai boom, C’’est dans le business des réfrigérateurs et des équipements audio-visuels. A tous les coins de rue, il y a un vendeur de ‘frigos’ d’occasion qui propose des appareils à  des prix imbattables. Alors que le même à  neuf couterait dans les 350 voire 400 000 FCFA, vous pourrez vous l’offrir de seconde main « premier choix » C’’est-à -dire en bon état, à  150 voire 200 000 FCFA. Soit une économie de 50% de la valeur du produit. Et tous les appareils électroménagers sont concernés. Fer à  repasser, four à  micro-onde, chaà®ne hi-fi, téléviseur, ordinateur, tondeuse, tout y passe. Le circuit des France au revoir électroménager est très fermé. On n’y entre pas comme ça. Il faut y être introduit, copté par un ancien, nous confie une langue indiscrète. Car, encore aujourd’hui, le milieu est dominé par des anglophones (ghanéens et nigérians) qui ont leur réseau de revendeurs. De plus en plus de maliens s’investissent cependant dans le secteur, au gré de leurs voyages dans les pays côtiers voisins dont les ports sont de véritables hypermarchés de l’électroménager d’occasion. Les marchandises sont importées de Singapour, et de l’Europe (France, Belgique, Norvège, Danemark, Allemagne). Un revendeur nous souligne que toutefois, depuis quelques temps, Singapour devient une source importante d’approvisionnement. Le marché est approvisionné de deux manières. Soit le vendeur a un frère ou un partenaire sur place (en Europe ou ailleurs) et qui lui sert de fournisseur et d’exportateur. Soit il fait lui-même le voyage, charge des conteneurs de produits et revient au pays attendre leur livraison. . Ces conteneurs, arrivés au port d’Abidjan, Lomé, Dakar ou Téma sont dédouanés, en fonction de la nature de la marchandise. Et une fois que la marchandise arrive à  destination, elle est stockée dans les magasins des grossistes ou importateurs. Qui les cèdent à  leur tour aux revendeurs avec une marge conséquente. Car, le fin mot de l’histoire C’’est que la plupart de ces appareils ont été collectés sur des décharges. Ce n’est pas pour rien que les produits à  la vente sont classés en deux catégories. Il y a ceux dits testés. Ce sont des appareils dont le fonctionnement a été vérifié. Autrement, ils ont subi une réparation et peuvent être mis en marche lors de l’achat. Ces appareils sont vendus avec garantie. A côté, on note les appareils non testés. Leur fonctionnement n’est pas garanti. Le client joue à  qui perd gagne. Car, ces produits sont moins coûteux que les premiers. L’achat se fait aux risques et périls du consommateur. Si l’objet fonctionne, tant mieux. Dans le cas contraire, il s’attachera les services d’un réparateur. Kadi Diawara est vendeuse de jus de bissap et gingembre. Elle a acheté récemment un frigidaire dont elle n’est plus du tout satisfaite. « Quand J’achetais mon frigo, il donnait la glace à  hauteur de souhait, mais actuellement à  peine qu’il forme l’eau en glace. Pire, toute mon économie est volatilisée dans les frais de réparation ». Sur la qualité des produits, les vendeurs se veulent rassurants. « Nous avons des produits originaux. Aujourd’hui, c’est abusivement qu’on parle de seconde main. Nous n’avons pas que de vieux appareils. Il y a des anciens stocks d’appareils de première main que nous recevons ». Les clients semblent de cet avis. Salimata S. qui est venue acheter un fer à  repasser nous confie qu’elle s’est entièrement équipée chez son vendeur habituel, derrière le « malimag » à  Bamako. « Tout ce qu’il vend ici, C’’est de la bonne qualité. Avant J’achetais du neuf, mais au bout de deux mois, ça se gâte et tu ne peux même pas réparer. Alors qu’avec ce que Guindo propose, tu l’utilise des années, juste des petites réparations de temps en temps ». Confirmation de V. T., vendeuse: « c’est souvent des appareils neufs avec des noms qui s’apparentent aux marques classiques et connues. Au regard, on peut bien s’en rendre compte ». Dans les magasins du neuf, les patrons ne manifestent pas d’inquiétude majeure. Ils pensent que la population a le sens du discernement. C’est un choix à  faire. « Ou bien vous voulez acheter un peu cher et avoir de la qualité. Ou bien vous prenez une marchandise d’occasion, qui a déjà  une histoire, avec les risques de vous rendre régulièrement chez le réparateur », analyse un responsable de magasin, sous le couvert de l’anonymat. Selon certains frigoristes, l’utilisation de ces appareils cause une double dépense chez les utilisateurs. Mahamane Maiga est frigoriste à  Fadjiguila suggère à  la population d’acheter des nouveaux appareils électroménagers plutôt que dilapider l’argent dans les ajoute-t-il. Mais ces arguments sont bien sûr loin de convaincre les clients qui voient d’abord et surtout la grosse économie réalisée. Le revers de la médaille, C’’est que ces appareils ne sont pas toujours aux normes. En ces temps d’économie en tout genre et d’énergie en particulier, l’électroménager de seconde main qui arrive chez nous est bien souvent décommandé dans les pays d’origine. Les pannes fréquentes, la consommation abusive d’électricité sont entre autres des difficultés auxquelles les utilisateurs sont confrontés. En ce qui concerne les réfrigérateurs par exemple, jusque dans un passé très récent, ils fonctionnaient au fréon, un gaz à  effet de serre. Les consommateurs européens se sont débarrassés des leurs car ce gaz était interdit d’utilisation chez eux. Ces appareils se sont retrouvés en Afrique avec leur gaz toxique dans des familles qui n’en connaissaient pas les dangers. Les produits informatiques sont encore plus dangereux. De nombreuses organisations de la société civile, preuve à  l’appui, accusent les sociétés informatiques d’avoir trouvé un moyen détourné de faire disparaà®tre les stocks désuets de leurs usines, pour en constituer d’autres plus performants pour faire face aux exigences du marché. Des millions d’ordinateurs sont de ce fait recueillis dans nos écoles, entreprises et même familles qui deviennent des “dépotoirs” pour les pays du Nord. Et comme ils n’arrivent pas tous en bon état, une grande partie se retrouve sur les décharges, libérant des substances toxiques comme le plomb, l’arsenic qui contaminent des populations et en particulier les chiffonniers qui les manipulent sans aucune précaution. Kalifa Doumbia, est un jeune commerçant au grand marché, vient d’acheter un congélateur d’occasion. Mais il ignorait que le gaz réfrigérant de son appareil est interdit au Mali. « Je n’étais pas informé que l’importation de ces appareils est interdite. J’ai entendu parler du réchauffement climatique, mais je ne sais pas ce que cela signifie véritablement », confie-t-il.