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Emplois ruraux, pour que les jeunes ne partent plus

Loin de nier l'apport des Maliens de l'extérieur, ceux-ci envoyant dans le pays une manne supérieure à  la totalité de…

Loin de nier l’apport des Maliens de l’extérieur, ceux-ci envoyant dans le pays une manne supérieure à  la totalité de l’aide financière internationale, le gouvernement malien souhaite endiguer ou au moins réduire la migration clandestine. Le ministre des Maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine, Badra Macalou, le déclarait,en visite à  Gao dans le cadre de la toute première campagne d’information sur la migration clandestine, en 2008 : « Le pays voue respect et considération à  ses fils à  l’étranger parce qu’ils présentent trois caractéristiques essentielles : leur attachement viscéral au pays; le souci de leurs parents, parce qu’ils laissent derrière eux de nombreuses familles qui doivent leurs existences souvent à  la part de revenu que, régulièrement, ils leur font parvenir. Ce sont des pans entiers de notre société qui ont une existence décente parce que le Mali a à  sa disposition des émigrés conscients de leurs devoirs; et enfin, l’idée que nourrissent nos compatriotes de retourner un jour au pays. » Cette campagne d’information sur les risques et les dangers de la migration clandestine, conduit désormais chaque année le ministre dans toutes les régions du pays, à  la rencontre des jeunes, principaux candidats au « départ coûte que coûte ». Partir ou…et mourir ! Ils sont des milliers à  quitter chaque année leur famille, leur village, leur pays pour tenter la grande aventure. Autrefois, les jeunes « saisonniers » migraient dans les centres urbains pendant quelques mois. En général, C’’est la saison sèche qui est mise à  profit pour venir gagner quelques sous en ville et préparer le prochain hivernage en achetant du matériel, ou pour préparer les noces. Aujourd’hui, l’exode rural déverse son flot de travailleurs non qualifiés, analphabètes pour la plupart, à  Bamako et dans les capitales régionales. Ils viennent grossir le lot de chômeurs et de «petits boulots». Jeunes et moins jeunes considèrent de plus en plus la capitale comme une transition sur le chemin d’un rêve plus lointain : l’Europe… Rien ne semble inverser la tendance : ni les centaines de morts et de disparitions dans le désert ou les eaux de la Méditerranée ni les aveux d’échec de ceux qui reviennent, d’eux-mêmes ou expulsés, et encore moins les différentes campagnes d’information et de sensibilisation organisées par les autorités. « s’il faut passer cinq ans à  tenter d’arriver (en Europe) moi, je vais tenter. Sauf si je meurs, je vais aller en Europe », confie Ibrahim Bathily, jeune homme issu de la région de Kayes o๠la grande majorité des 20- 40 ans se trouvent à  l’extérieur. Ibrahim Bathily s’est déjà  fait expulser de France puis de Libye, lors d’une tentative de retour en France. « Revenir à  la terre» Dans son Programme pour le développement économique et social, Amadou Toumani Touré, président de la République, annonçait, début 2007, son intention de mettre les jeunes et les femmes au centre du développement et de la lutte contre la pauvreté. Depuis 2007 donc, les autorités mettent un accent particulier auprès des jeunes pour « le retour à  la terre ». Au Mali, il existe une conjonction de facteurs qui, en principe, devraient favoriser l’expansion de l’entrepreneuriat agricole jeune : un potentiel agricole inexploité, des besoins alimentaires de plus en plus importants et parfois insuffisamment couverts, et une multitude de bras non utilisés. Mais le manque d’information des jeunes demandeurs d’emploi sur les opportunités agricoles, l’absence de cadre attractif pour les jeunes en milieu rural, le sous-équipement des systèmes de production primaire et les problèmes de financement des projets des jeunes promoteurs font pencher la balance du mauvais côté. C’’est ainsi qu’il a été décidé qu’au moins 10 % de l’ensemble des surfaces aménagées seront réservés aux jeunes. Afin qu’ils « comprennent qu’il est plus intéressant de travailler à  la campagne en gagnant sa vie que de chômer dans les centres urbains à  la recherche d’un hypothétique emploi », selon le chef de l’état. La volonté politique étant ainsi affichée, reste à  la mettre en œuvre et surtout à  convaincre les premiers concernés, les jeunes, de renoncer à  l’exil. Ainsi, tout en continuant à  informer les jeunes sur les risques de la migration, surtout irrégulière (campagne d’information, conférences, création d’un Centre d’information de gestion des migrations appelé Cigem), les autorités ont pris différentes initiatives pour promouvoir l’emploi rural auprès des jeunes. D’abord, au sein de l’Apej, l’Agence pour l’emploi des jeunes, une part importante est faite à  l’installation des jeunes en milieu rural, et ce, à  travers la valorisation de l’emploi rural. Plusieurs filières ont été recensées comme réservoirs d’emplois pour les jeunes entrepreneurs agricoles, notamment les fruits et légumes, le riz, l’arachide et le coton. Ensuite, différentes opérations ponctuelles sont lancées pour appuyer les efforts déjà  entrepris en faveur des jeunes sans emploi. Au nombre de celles-ci, la dotation de 100 jeunes en équipements agricoles, la Marche vers l’emploi agricole et la Bourse de l’emploi organisée aux mois de juin et juillet 2008 à  Bamako. Lors de cette marche, ils étaient 400 jeunes à  quitter Bamako pour Mbewani, zone de culture sise dans l’office du Niger, dans la région de Ségou. D’autres groupes de jeunes les ont rejoints en chemin. Ensemble, ils ont visité d’autres jeunes déjà  installés, une ferme agropastorale multifonctionnelle à  Ségou et d’autres aménagements agricoles dans la zone. Nombre de ces jeunes ont ensuite été les bénéficiaires des kits pour l’emploi distribués quelques semaines plus tard, lors de la Bourse pour l’emploi, o๠le nombre d’emplois directs créés est estimé à  1 500. Reste à  relever le défi Mettre en œuvre une véritable politique d’installation de jeunes ruraux, au-delà  des déclarations d’intention ou d’actions ponctuelles, reste le véritable défi. La proportion de jeunes bénéficiant des différentes initiatives reste encore minime face à  l’ampleur de la demande. Et les jeunes, quand ils finissent par se laisser convaincre attendent encore beaucoup des pouvoirs publics. l’accès aux équipements est encore marginal et les intrants agricoles font l’objet de spéculation. La non-intégration des jeunes installés dans un terroir o๠ils sont perçus comme des étrangers, voire comme des spoliateurs, est un autre obstacle à  la pérennisation de ces exploitations. Le fait que l’agriculture reste soumise aux aléas climatiques est une source d’incertitude pour les jeunes entrepreneurs agricoles. Le suivi des jeunes installés est problématique aujourd’hui. Ne voit-on pas des jeunes revendre ou louer leur parcelle et revenir en ville, ou pire, reprendre le chemin de l’extérieur avec le fruit de la transaction de sacs d’intrants revendus aussitôt alors qu’ils sont nécessaires pour une production rentable ? Entre sirène de l’exil et retour à  la terre, la jeunesse malienne a peine à  choisir. Les diplômés rêvent d’emploi bien payés à  l’abri de la prise de risque et il est difficile pour eux de s’imaginer échangeant le costume contre la « daba » (houe traditionnelle en milieu bambara). Les « success stories » en milieu rural sont encore trop peu nombreuses pour les pousser à  enterrer le désir de partir voir ailleurs. Même les jeunes ruraux sans qualification semblent réticents à  faire confiance à  la terre. Mais l’espoir est permis de voir l’état s’engager plus fermement aux côtés de ceux qui veulent s’investir dans leur avenir et de voir les jeunes Maliennes et Maliens se donner les moyens de réussir la nouvelle aventure, en gardant à  l’esprit que, quand on lui donne ses efforts, « la terre nourrit son homme »Â