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Entrepreneuriat : les Maliennes, ces femmes challengers

Pour entamer la semaine mondiale de l'entrepreneuriat qui se tient du 13 au 17 novembre 2017, l'incubateur Jokkolabs, basé à Bamako,…

Pour entamer la semaine mondiale de l’entrepreneuriat qui se tient du 13 au 17 novembre 2017, l’incubateur Jokkolabs, basé à Bamako, a mis à l’honneur les femmes dans ce secteur d’activité. Ce lundi, le Journal du Mali est allé à la rencontre de Maliennes ayant contracté le virus entrepreneurial.

L’entrepreneuriat féminin en Afrique, représente 25 % à l’échelle mondiale, ce qui le place en pôle position. Mais entreprendre, n’est pas une mince affaire. D’où la thématique retenue pour le lancement d’une série d’ateliers organisé par l’incubateur Jokkolabs, « Nouveaux défis de l’entrepreneuriat féminin au Mali ». À cet effet, un panel de femmes entrepreneuses s’est constitué afin de parler des enjeux liés à leurs activités. Trois défis sont revenus de façon récurrente.

Réseauter pour gagner en visibilité

Initier un certain public, voici l’un des défis Massira Touré, plasticienne et promotrice de la plateforme Agansi. « Il faut utiliser une autre méthode pour proposer nos créations à un public qui ne s’y connaît pas. Lorsque j’ai voulu créer ma plateforme, j’ai compris que le défi que je devais relever, c’est de trouver des gens qui comprennent ce que je veux faire. J’ai eu la chance d’être dans des communautés », précise la jeune femme. En effet, ces communautés lui ont permis de se faire voir et connaître, d’où sa présence en tant qu’intervenante à Jokkolabs. L’importance du réseau a également été soulignée par Mariam Inna Kanouté, à la tête de la start-up Potentiel, spécialisée dans le coaching personnel et professionnel. Et cela, est valable aussi bien pour le Malien que pour l’Africain, « notre milieu malien et africain a de nombreux défis dont le premier défi, c’est le réseautage que nous ne mettons pas suffisamment en avant », déplore-t-elle.

Face à ce constat, des initiatives sont menées pour offrir un cadre de rencontres et d’échanges entre entrepreneuses. « Il y a des difficulté dans l’entrepreneuriat, surtout quand on ne connaît personne. C’est pourquoi, j’ai initié « le brunch des entrepreneurs » dont le but est de parler, en plus de leur structure et projet(s), mais qui vont surtout parler des difficultés qu’ils rencontrent. C’est compliqué et on n’en parle pas souvent. Le second objectif, c’est le réseautage. Seul, on va vite, mais ensemble on va plus loin », estime Diénaba Traoré plus connue sous le nom de Gabougouni, lauréate du prix Orange Entrepreneur Social 2017.

Valoriser les produits locaux

« Avec Seynabou Dieng – autre membre du panel et fondatrice et directrice de Maya Marinades, NDLR – nous avons décidé d’organiser des concours de cuisine en mettant à disposition des produits locaux afin que les gens puissent connaître les produits et les utiliser dans les recettes », surenchérit Diénéba Traoré. En vantant les mérites des produits maliens, cela contribue à alimenter l’économie nationale. Ce qu’elle regrette, c’est le manque de moyens qui est une perte non négligeable et qui laisse le pays sur le pas de la porte. « Au Mali, cela me dérange vraiment de voir que le Burkina vient s’approvisionner en mange et le transforme au Burkina et revenir nous les revendre. Dans toute la chaîne agricole, on vient prendre nos produits, on va les transformer ailleurs et on vient nous les revendre à des prix excessifs ». Même observation pour Mariame Inna Kanouté, coach professionnelle et personnelle qui, en plus du réseautage comme premier défi, évoque ce manque de reconnaissance des produits made in Mali. « Un autre défi, c’est de mettre en valeur nos produits. Certains de nos produits plaisent à l’étranger, mais chez nous, ils ne suscitent pas d’intérêt. Le soucis, c’est que beaucoup de personnes n’ont pas accès aux personnes dont le dont le métier est de mettre en valeur les atouts d’un produit. »

Ce constat amer a été l’une des motivations pour Seynabou Dieng pour la création de sa structure. « 90 % de ce qu’on mange est importé. J’étais indignée en revenant au Mali de voir que le produit le plus consommé – le riz et le lait – est importé. La chapelure, ce n’est que du pain sec, pourquoi la chercher au Sénégal ou en France ? C’est à partir de là que j’ai compris qu’il y avait un réel besoin », affirme-t-elle.

Le financement, « le nerf de la guerre »

« Il y a plusieurs sortes de financements. D’abord, l’interne, c’est-à-dire, vous-même. Cela peut être des fonds personnels et/ou des fonds prêtés par la famille. Et le financement externe qui exige que des critères doivent être remplis pour avoir les fonds », déclare Bintou Camara, experte-comptable au sein de son cabinet, Maeco. Ayant plus de 30 ans d’expérience, elle n’hésite pas à dire que le financement est le « nerf de la guerre », d’autant plus que de nos jours, les conditions pour recourir à un prêt sont de plus en plus nombreux. D’après la Banque mondiale, l’aspect financier constitue l’un des principaux obstacles à l’entrepreneuriat féminin. Pourtant, le Fonds de développement pour les Nations unies pour les femmes (UNIFEM) a démontré que l’entrepreneuriat féminin a des répercussions positives sur la réduction de la pauvreté des ménages. Avec toutes ces difficultés, les micro-entreprises ont tendance à avoir recours au micro-crédit. Pourtant, rien ne dis que ce type de financement soit un outil d’émancipation.

En juillet dernier, lors du G20, la Banque mondiale a fait part de son intention de mobiliser un milliard de dollars, soit 876 millions d’euros, par le biais de son « Initiative de financement en faveur des femmes entrepreneurs ».

C’est dire à quel point l’institution bancaire est convaincue du pouvoir entrepreneurial des femmes. Madame Camara a baptisé de « queen boss », les entrepreneuses présente dans la salle. Fou rire et applaudissements sont venus faire écho à cette appellation empruntée d’une célèbre émission de télé-réalité américaine, sur l’entrepreneuriat, bien sûr.