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Environnement : Réponse locale à un problème mondial

« La protection de l’environnement constitue aussi un défi majeur ». Ces mots du Premier ministre, prononcés lors de sa Déclaration de…

« La protection de l’environnement constitue aussi un défi majeur ». Ces mots du Premier ministre, prononcés lors de sa Déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale le lundi 12 juin, traduisent l’importance accordée par les autorités maliennes à la question. L’avancée du désert et la déforestation, les effets négatifs des changements climatiques, la dégradation des terres et des eaux, la perte de la biodiversité, et leurs conséquences sur les conditions de vie et de production des populations sont des enjeux qui mobilisent les acteurs depuis des années. Journal du Mali consacre un dossier à ces enjeux mais aussi aux acteurs qui s’en occupent, alors que se tient la 18ème édition de la Quinzaine de l’environnement, grand-messe de la communication sur ces questions.

Le Mali fait partie des premiers pays à avoir pris conscience de la menace de son environnement et d’y avoir opposé une politique afin de protéger la nature et les hommes. Situé en plein Sahel avec 2/3 de sa superficie située en zone désertique, la question de la protection des ressources naturelles et de leur meilleure exploitation par l’homme est pour lui une question de survie. La vie quotidienne comme les activités économiques dominées par l’agriculture, sont rythmées par les aléas naturels et ceux-ci ont fortement évolué au cours des quarante dernières années. Baisse de la pluviométrie provoquant la sècheresse récurrente dans certaines zones du pays, dégradation des terres et des eaux, autant de conséquences des changements climatiques qui frappent le Mali. Pionnier dans la réponse à ces effets néfastes mais aussi et surtout en termes d’adaptation, il a repensé sa politique de développement en tenant compte de cette nouvelle donne. Les programmes agraires comme ceux qui concernent les infrastructures, plus rien n’échappe à l’œil des environnementalistes. Sur le terrain, les organisations se sont multipliées qui ont pour objectif commun la sauvegarde de la biodiversité et la promotion de meilleures pratiques d’utilisation des ressources naturelles disponibles, sur lesquelles la pression humaine s’accroît de manière exponentielle.

Depuis le mois de mars 2017, voire quelques semaines avant, les éleveurs des régions du centre du pays vivent le pire scénario : la mort de leurs bêtes par manque d’eau et de pâturages. Déjà objet de confrontations de plus en plus violentes entre éleveurs et agriculteurs, l’accès à l’eau et aux terres qui abritent les pâturages est de plus en plus difficile, à cause des changements climatiques. Les populations qui vivent de l’agriculture ne sont pas épargnées par la situation. Les organisations humanitaires alertent sur l’insécurité alimentaire qui en découle et ses conséquences actuelles que sont la vulnérabilité, en particulier des jeunes, face à l’exode, mais surtout les activités criminelles comme le terrorisme.

« La question climatique est un problème mondial à laquelle nous sommes appelés tous à donner une réponse locale », aime à déclarer un acteur de l’environnement. Cette maxime, que ne démentent pas les engagements pris lors des grand-messes internationales comme les COP sur le climat, dont la dernière s’est déroulée à Marrakech au Maroc en 2016, interpelle chaque pays sur les actions à mener sur le plan national. Le Mali qui ne figure pas parmi les pays pollueurs, même si ses émissions de gaz à effet de serre gagneraient à être réduites, s’est engagé il y a une dizaine d’années dans le processus qui a mené à l’élaboration d’une politique de lutte contre les changements climatiques et d’un Plan national d’adaptation, le PANA, qui fait partie des documents de travail des acteurs du secteur. Y sont explicités les axes stratégiques d’actions et les ressources nécessaires pour les mettre en œuvre. Salué sur la scène internationale, l’engagement du Mali s’est traduit par sa place de leader dans les négociations sur le climat et au sein des instances internationales en charge des questions climatiques. Outre la présence d’experts maliens au sein du Groupe international d’experts sur le climat (GIEC), le pays s’enorgueillit d’être le porte-parole des négociateurs africains, en la personne de l’Ambassadeur Seyni Nafo, conseiller spécial du président de la République en charge du climat.

Du concret Sur le terrain, les acteurs qui se comptent par centaines évoluent dans un concert d’actions pas toujours harmonieux. L’État, d’une part, à travers les différents services nationaux en charge des questions environnementales (il y en a une demi-douzaine) qui se marchent souvent sur les pieds. « Pour le financement des projets d’adaptation dans les énergies renouvelables, notamment les centrales solaires comme celle de Pelengana (Ségou) qui est en train d’être construite, dans l’agriculture et sa résilience vis-à-vis des changements climatiques, on est dans du concret et ce sont au moins 50 millions de dollars américains qui sont mobilisés chaque année auprès des partenaires pour financer nos actions », explique Seyni Nafo. On peut citer en exemple, dans le cadre de la fourniture d’énergie verte, le « Projet d’électrification rurale par systèmes hybrides de 30 villages du Mali », qui bénéficie d’un financement des Émirats arabes unis d’un montant de 33 057 000 dirhams soit environ 5,280 milliards de francs CFA. Ce qui représente 50% du coût total du projet d’une durée de deux ans, préparé par l’AMADER en collaboration avec l’ONG Malifolkcenter. Cette organisation, l’une des pionnières sur le terrain environnemental au Mali, fait partie du Réso-Climat, qui réunit une trentaine d’acteurs de la lutte contre les effets négatifs des changements climatiques. Justement, du côté de la société civile, les ONG qui se disputent les financements destinés au Mali pour la mise en œuvre de projets d’atténuation et d’adaptation aux effets des changements climatiques, tentent de créer une synergie pour plus de portée. La sauvegarde du fleuve Niger, la restauration des terres agricoles et la promotion des bonnes pratiques culturales, la lutte contre l’érosion éolienne et hydrique, la promotion des énergies vertes et renouvelables sont autant de champs d’action dans lesquels elles interviennent, le plus souvent avec l’appui de partenaires techniques et financiers étrangers.

Investir dans l’assainissement C’est la grosse épine sur laquelle achoppent les pouvoirs publics et les acteurs du secteur. Si les initiatives ne manquent pas pour assainir le cadre de vie des Maliens, elles se heurtent à un programme crucial : le comportement des premiers concernés qui peinent à abandonner des habitudes de consommation et de vie, aux conséquences pourtant visiblement négatives sur leur confort et leur qualité de vie. La gestion des eaux usées et des ordures ménagères demeure un casse-tête malgré des investissements colossaux pour construire et entretenir des infrastructures de collecte et de traitement. « On dirait que les gens ne voient pas la saleté. Il est inconcevable de voir des caniveaux que tout le monde sait vecteur de maladies, des rues malsaines où stagnent des flaques putrides où on vend et joue… Le tableau de l’assainissement est terrible, et les exceptions ne font que rendre encore plus criards nos comportements », se lamente Aboubacrine Diallo, enseignant. Même si les investissements dans la capitale commencent à avoir des résultats, avec comme illustration la plus récente l’annonce de Premier ministre de la construction et la mise en exploitation de stations d’épuration et de traitement des eaux usées et de boues de vidange, ainsi que la mise en exploitation et l’extension de la décharge contrôlée et compactée (DCC) de Noumoubougou, les efforts en terme de communication et de sensibilisation portent des fruits encore timides.

 Éduquer et changer La Quinzaine de l’environnement, dont l’édition 2017, la 18ème, est actuellement en cours avec comme ville d’accueil Mopti en 5ème région. Initiée par le ministère de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable, cet évènement a fédéré au fil des ans tous les acteurs et leurs partenaires, en particulier les médias, pour faire connaitre les réalités environnementales maliennes, leurs causes et conséquences et ce qui est fait et doit être fait pour changer la donne. La quinzaine a pour objectif de faire de la population des agents actifs du développement durable et équitable, explique Mme Kéïta Aïda Mbo, ministre de l’Environnement, de l’Assainissement et du Développement durable. S’approprier les actions positives en faveur de l’environnement et en faire un outil de développement, c’est d’ailleurs le sens d’un concours lancé dans le cadre de cette quinzaine, pour stimuler les « initiatives vertes ». Les projets et actions innovants en faveur du développement durable et de l’adaptation aux changements climatiques seront mis en lumière et les trois meilleurs projets seront primés lors d’une soirée.