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Exclusif: Au Mali, dans la maison du djihadiste Mokhtar Belmokhtar

C'est une villa jaune, quelconque, entourée d'un muret, dans le quartier de Bourgoundjé, à  Gao, dans l'est du Mali. Mokhtar…

C’est une villa jaune, quelconque, entourée d’un muret, dans le quartier de Bourgoundjé, à  Gao, dans l’est du Mali. Mokhtar Belmokhtar et ses hommes y ont passé leurs dernières heures avant de quitter précipitamment les lieux, le 19 ou le 20 janvier, lors des premiers bombardements français sur la ville. Depuis le début du conflit, selon les habitants de Gao, la présence d’un des fondateurs du Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) n’a jamais été mise en doute, mais elle s’apparente à  celle d’un fantôme. Une des dépendances de la petite villa est remplie de grenades, de boà®tes de munitions, et d’engins explosifs artisanaux. Dans le bâtiment principal, pillé par la population, il reste seulement quelques documents sur le sol. Parmi eux, les pages du Coran, des manuels de propagande djihadiste, un dossier complet sur la conduite à  tenir pour communiquer secrètement par Internet. Sur des cahiers d’écolier, écrites à  la main et en arabe, des listes de noms auxquels sont liées d’importantes sommes d’argent. Ce dernier refuge mis à  part, l’Algérien a passé ces derniers mois à  Gao dans au moins deux autres demeures. Dans la première, o๠il a vécu un mois entre avril et juin 2012, il était accompagné de son épouse malienne. Selon des témoins anonymes, des membres du Mujao ont pris sa suite dans la villa, o๠ils fumaient cigarettes et marijuana – deux plaisirs interdits à  la population locale. Une ex-clinique de la Croix Rouge a été la seconde maison de Mokhtar Belmokhtar, entre juin 2012 et janvier 2013. Il ne sortait que la nuit Pendant ces mois passés à  Gao, Mokhtar Belmokhtar s’est très peu montré. « Il semblait toujours fâché », raconte Ibrahim, jeune habitant voisin de la clinique. « Les rares fois o๠je l’ai aperçu, il était entouré de 30 ou 40 hommes costauds, enturbannés et bien armés. » Des témoins ont vu son enfant, âgé de 10 ans, tenir tête aux représentants du Mouvement Indépendantiste Touareg (MNLA), en avril dernier, Kalachnikov à  la main, lors des affrontements entre factions rivales. Le visage entouré d’un turban beige, Belaghouar (« Le Borgne »), sortait uniquement la nuit. Seuls ses amis proches, au demeurant, pouvaient le surnommer de la sorte, car l’agressivité que l’homme a pu manifester lors de ses rares échanges avec la population semble constituer une de ses caractéristiques.  » Il disait seulement :  »Salam alekoum ». Il était très intimidant « , raconte Mohamed, qui, pour 2000 francs CFA par jour (2,90 euros), lavait son linge. Ibrahim, comme d’autres jeunes du quartier, passait régulièrement à  son domicile, afin d’y récupérer du carburant pour les motos, des puces de téléphones, des cartes mémoires. Il prépare sa revanche La vie de Mokhtar bel Mokhtar à  Gao, selon les témoins, semblait réglée comme une horloge. Chaque soir, il partait à  20 heures dormir dans le désert, et revenait le lendemain au lever du soleil. S’il quittait la ville pour une de ses missions « extérieures », à  bord d’un Land Cruiser blanc, sans plaque d’immatriculation, il revenait toujours à  Gao pour la grande prière du vendredi. Dans les jours qui suivent les bombardements, on perd sa trace. La dernière vidéo de lui, au cours de laquelle il a revendiqué la prise d’otages d’In Amenas, montre un homme qui s’est défait de son éternel turban – le symbole, chez les djihadistes, qu’il est désormais prêt au martyr. Selon des sources sécuritaires, il pourrait se trouver à  80 kilomètres de Gao, dans la brousse, à  proximité du village de Téméra. L' »émir du Sahel » préparerait sa revanche. L’attaque suicide à  Gao, le vendredi 8 février au matin revendiquée par le Mujao, les missiles envoyés en direction de Gao ces derniers jours, et les mines antichars qui ont explosé sur les routes menant à  la ville, constitueraient les premières preuves de cette promesse.