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FEMAFOOT : le football malien pris en otage

Cela fait plus de deux ans que le Mali est englué dans la plus grande crise de l’histoire de son…

Cela fait plus de deux ans que le Mali est englué dans la plus grande crise de l’histoire de son football. Deux camps se confrontent depuis 2015. D’un côté, le Collectif des ligues et clubs majoritaires (CLCM), de l’autre le comité exécutif de la Fédération. Après plusieurs tentatives de négociation qui se sont avérées vaines, et alors que s’est tenue le 29 novembre une nouvelle Assemblée générale extraordinaire de la FEMAFOOT, le scénario de sortie de crise qui semble se profiler pourrait avoir des conséquences irrémédiables pour le football malien.

« Notre football se redressera et se projettera vers l’avenir à partir d’un mouvement de conscience et de volonté de ses dirigeants », déclarait le 10 janvier 2015, à l’ouverture de la 43ème Assemblée générale ordinaire (AGO) de la Fédération malienne de football (FEMAFOOT), le général Boubacar Baba Diarra, son président. Élu à la tête du football malien en octobre 2013 pour un mandat de quatre ans avec un comité exécutif composé de vingt et un membres, celui-ci n’imaginait certainement pas que ce présage contraire serait le point de départ d’une crise aux lendemains mouvementés et interminables. C’est du moins l’avis de ce responsable au sein de la fédération : « il adore le football et ferait tout pour que les choses s’arrangent », estime-t-il. Une opinion que ne partage pas Moussa Konaté, président du Club Olympique de Bamako (COB), qui considère que la crise actuelle tire sa source de la mauvaise gouvernance, la malversation financière et la violation des textes de la fédération par Boubacar Baba Diarra.

Flash back Suspendu à la suite d’une réunion extraordinaire en 2014, après avoir demandé plus de transparence financière dans la gestion de la fédération, Yéli Sissoko, alors président de la Commission centrale des finances de la FEMAFOOT, fut convoqué par la fédération, conformément à ses statuts, pour venir s’expliquer au cours de la 43ème AGO. Selon ses dires, il a répondu à la convocation mais a été empêché d’accéder à la salle où se tenait l’AGO. « C’est après l’expulsion du délégué du Djoliba AC, Bassafilou Sylla, pour avoir réclamé notre présence, que 29 délégués sur les 55 présents ont, par solidarité, décidé de quitter la salle de réunion », explique-t-il. Dès lors, se sont mis en place deux fronts antagonistes : d’un côté le Collectif des ligues et clubs majoritaires (CLCM) regroupant les clubs contestataires (Djoliba AC, COB, Centre Salif Keïta (CSK) et l’Avenir Club de Tombouctou), piloté par Mamadou Dipa Fané, président de l’Union des anciens footballeurs du Mali. De l’autre, le comité exécutif de la FEMAFOOT.

En août 2015, une assemblée générale dissidente, fut convoquée et décida de la révocation de Boubacar Baba Diarra. En réponse, le 31 octobre de la même année, la fédération tint à son tour une nouvelle assemblée générale au cours de laquelle la suspension des membres « frondeurs » fut décidée. Yéli Sissoko fut suspendu pour 10 ans de toutes activités liées au football, quand Mamadou Dipa Fané se vit signifier une exclusion à vie. Refusant de prendre part au championnat en protestation à ces décisions considérées comme arbitraires, les membres du CLCM furent rétrogradés en 2ème division, une sanction qui suscita une vive polémique et un fort désintérêt pour le championnat malien.

Tentatives de sortie de crise Après plusieurs médiations infructueuses, l’affaire fut finalement menée par Yéli Sissoko et le CLCM devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), instance juridictionnelle de dernier recours. Suite à l’audience du 2 juin 2016, où les protagonistes des deux parties et leurs avocats furent entendus à son siège de Lausanne (Suisse), le TAS a rendu sa sentence le 4 octobre 2016. Dans ses conclusions, il déclare que « l’Assemblée générale organisée le 31 octobre 2015 par la FEMAFOOT est nulle, ainsi que les décisions adoptées ». Et au TAS d’ordonner la convocation d’une autre Assemblée générale avec à l’ordre du jour la révocation de Yéli Sissoko et la suspension de toute autre personne physique au plus tard le 30 novembre 2016. « Cette décision du TAS est illégale. Nous pouvons décider de ne pas la respecter mais nous avons choisi d’organiser une AGE conformément à nos textes et statuts. Nous n’avons rien à perdre », affirmait Boubacar Baba Diarra lors d’une interview en octobre dernier. C’est donc pour répondre à cette injonction, que s’est tenue, le mardi 29 novembre à Sikasso, l’Assemblée générale extraordinaire de la FEMAFOOT à laquelle le CLCM n’a pas cependant pas pris part. « Cette AGE est une fuite en avant qui nous fait perdre plus de temps », estime Moussa Konaté, président du COB.

L’impossible réconciliation Tel un défit au TAS, l’Assemblée générale de Sikasso a confirmé la révocation de Yéli Sissoko, et seulement réduit la suspension de certains membres du CLCM. « C’est un non événement. C’est juste du folklore qui ne nous concerne pas » a commenté Mamadou Dipa Fané le lendemain mercredi 30 novembre. Les lignes ne bougent donc pas à l’issue de cette assemblée, qui ne semble pas faire évoluer cette crise complexe vers la réconciliation des protagonistes. Pour Mansour Lom, journaliste sportif à SFR Sport, Boubacar Baba Diarra a fait son temps : « il faut refonder la fédération, élaborer de nouveaux textes et organiser un nouveau scrutin transparent pour un nouveau départ ». Et à Abba Mahamane, secrétaire général du CLCM d’ajouter qu’il faut « révoquer Baba Diarra ainsi que l’ensemble du comité exécutif de la FEMAFOOT ». Convaincu que cette crise n’est que l’expression d’acteurs égocentriques ne défendant que des intérêts personnels, Moussa Kondo, journaliste sportif à L’Express de Bamako, estime que seule la justice peut et doit trancher.

Vers une suspension du Mali ? Solution extrême mais vers laquelle la fédération et les « frondeurs » semblent amener inexorablement le football national, la suspension du Mali permettrait sans nul doute d’assainir le milieu. Du côté de la FEMAFOOT ce n’est pas une alternative envisageable : « il n’y a aucune raison que le Mali soit suspendu et ça n’arrivera pas », estime un responsable dans les coulisses. De son côté, le CLCM dit avoir déposé une plainte devant la commission de discipline de la FIFA. « si elle se déclare compétente, la seule sanction prévue est la suspension de la FEMAFOOT, et donc du Mali, des compétitions de la FIFA », explique Yéli Sissoko. Dans le cas contraire, « nous retournerons devant le TAS en attaquant aussi l’Assemblée du 29 novembre. Cette fois-ci, nous demanderons la dissolution du comité exécutif, la suspension individuelle de tous ses membres, ainsi que de tous les membres de la fédération ayant participé à ladite assemblée », conclu-t-il.

Au regard des récents évènements qui rendent utopique une éventuelle entente à l’amiable entre les parties, deux cas de figure semblent s’imposer pour une sortie de crise. La première possibilité serait que le ministre des Sports, Housseini Amion Guindo, retire sa délégation de pouvoir au comité exécutif de la fédération, ce qui entrainerait automatiquement des sanctions de la FIFA, selon le sacrosaint principe de non-ingérence d’un tiers dans les affaires d’une fédération. Cela « obligerait la FIFA (…) à trouver une solution à très court terme avec la mise en place d’un comité de normalisation, comme cela a déjà été fait dans d’autres pays », affirme Yéli Sissoko. La seconde option serait celle offerte par le TAS qui, conformément à ses statuts, pourrait sans nul doute prendre une décision radicale de suspension de plus longue durée, et dont les conséquences seraient dramatiques pour le football malien, surtout à un mois du début de la Coupe d’Afrique des nations 2017…