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France-Afrique : la rupture ?

La présence du chef de l'Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, en France le jour de l'élection présidentielle, le 6 mai…

La présence du chef de l’Etat ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, en France le jour de l’élection présidentielle, le 6 mai dernier, pour une visite d’Etat et celle du candidat socialiste sénégalais au siège du Parti Socialiste le soir de la victoire de François Hollande, témoignent de la nature des rapports entre la France et les pays africains, notamment ses ex-colonies. Battu ce soir du 6 mai, le président sortant Nicolas Sarkozy était le candidat mal-aimé des Africains. Cependant, faut-il se réjouir de ce retour de la gauche au pouvoir? Aucun changement fondamental ! Pour Dr Etienne Oumar Sissoko, la réponse C’’est oui, si on est homme de gauche. Pour ce professeur d’économie à  l’Université internationale « Sup-Management » de Bamako, la nouvelle fait plaisir, car il consacre « la fin d’une politique catastrophique qui a régné pendant cinq ans ». Cependant, prévient l’universitaire, il ne faut pas céder à  l’euphorie. Car, dit-il, pour l’Afrique, un Français en vaut un autre, et sera préoccupé par la sauvegarde des intérêts français en Afrique. « Que les Africains ne se fassent pas d’illusions, cette politique ne changera absolument rien aux politiques françaises en Afrique et ne contribuera nullement à  améliorer les conditions de vie des Africains, ni même amorcer un processus de développement », nous déclare le Dr Sissoko. « Il ne sera donc pas étonnant de voir que la libération des Français détenus au nord Mali soit plus au centre des débats, coté français, que la libération du nord de notre pays et le recouvrement de notre souveraineté », tranche l’économiste qui ajoute que les Africains, surtout de l’Afrique subsaharienne, doivent être très attentifs aux orientations que le nouveau Président donnera à  sa politique vis-à -vis des pays africains. « Hollande est élu pour les Français, et non pour les Africains ! » Beaucoup d’Africains reprochent à  Sarkozy son comportement vis-à -vis du continent. Et le tollé suscité par les déclarations de Dakar, faisant croire que « l’Afrique n’a pas d’histoire » a ajouté à  la colère des ex-colonies. Pour d’autres, C’’est la pilule du durcissement des conditions d’immigration qui ne passe pas. En général, C’’est surtout « le style Sarkozy agace. Et si Hollande veut se démarquer, il doit d’abord supprimer la cellule Afrique de l’Elysée. On doit refonder les relations entre l’Afrique et la France. Le problème sous Sarkozy C’’est une politique à  géométrie variable. Et cela a été perceptible au Niger avec Tandia, au Cameroun avec Paul Biya, en République démocratique du Congo avec la réélection de Joseph Kabila, en Libye sous Kadhafi, etc. », analyse un conseiller d’un ministère sous le couvert de l’anonymat. Mais notre interlocuteur est formel : « Hollande est élu par et pour le français et non pour les Maliens ». Un visage humain à  l’immigration Si cet avis est largement partagé par de nombreux observateurs, ils attendent du nouveau président français « une coopération normale entre la France et l’Afrique basée sur le principe de respect des Droits de l’homme ». En ce sens, expliquent-ils, il doit donner un visage humain à  notre coopération notamment dans le domaine de l’immigration en renonçant à  la politique d’ « immigration choisie » de son successeur. « Le tout nouveau président a bien les moyens de le faire, car l’Afrique compte pour lui et il comptera pour l’Afrique s’il parvient à  recoller un continent divisé et déstabilisé par Sarkozy », martèle un ancien expulsé de France, aujourd’hui militant de l’Association malienne des expulsés (AME). La fin du supposé soutien français au MNLA Adama Coulibaly, spécialiste en sciences politiques (ancien étudiant de la Sorbonne à  Paris), s’attarde lui sur l’implication de la France dans la crise au nord du Mali. Selon lui, parmi les aspects de la coopération Afrique–France qui vont changer, il y aura la fin du «soutien au Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) dont les responsables ont été reçus en grande pompe par Sarkozy ». Ce qui va aussi changer, ce sont les conditionnalités démocratiques dans les Etats africains. « Hollande, comme l’a fait Mitterrand, va sans doute se montrer plus exigeant envers les démocraties africaines avant de les soutenir », analyse-t-il. Pour cet assistant parlementaire à  l’Assemblé nationale, « l’Aide publique au développement allouée par la France, devrait augmenter, notamment en direction du Mali, dans le cadre du programme socialiste de lutte contre l’immigration. « Je crois que Hollande va mettre l’accent les aspects du développement local. Car cela va constituer une réponse à  l’immigration, en permettant de fixer le potentiel migratoire », conclut notre interlocuteur.