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Gouvernement de transition : les jeux sont faits, rien ne va plus!

Les Maliens attendaient un gouvernement de combat resserré autour de 15-20 membres maximum. C'’est finalement une équipe de 24 ministres,…

Les Maliens attendaient un gouvernement de combat resserré autour de 15-20 membres maximum. C’’est finalement une équipe de 24 ministres, contre 29 dans l’équipe sortante, qui a été annoncée. La nomination une semaine plus tôt de Cheikh Modibo Diarra à  la Primature avait déjà  suscité quelques émois, non pas à  cause de son profil, mais plutôt du procédé. Aucune concertation de la classe politique ni de la société civile n’avait eu lieu au préalable, donnant l’impression d’un choix imposé par la junte et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La classe politique, grande perdante Une semaine plus tard, les forces vives de la nation ont une nouvelle fois été mises devant le fait accompli. C’’est un gouvernement de technocrates qui a été nommé, au grand dam d’une classe politique qui n’y compte aucun représentant. Sans aller jusqu’à  intégrer des politiciens dans le nouveau gouvernement, le Premier ministre aurait été mieux inspiré de consulter toutes les forces vives, dont il aura forcément besoin pour relayer sa politique auprès des populations. Des découpages discutables Alors que le président renversé, Amadou Toumani Touré (ATT), avait découpé certains grands ministères uniquement pour satisfaire ses amis politiques, le nouveau gouvernement retrouve une architecture plus traditionnelle à  travers le regroupement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, mais aussi de la communication et des nouvelles technologies, du tourisme et de la culture. Il est néanmoins regrettable que le grand ministère de l’Education nationale reste divisé, de même que celui des Affaires étrangères, toujours indépendant de celui des Maliens de l’extérieur. Plus surprenant encore, le ministère de la Jeunesse et des sports a été éclaté. En ces temps de guerre, de crise alimentaire et de ralentissement économique, le Mali peut-il se payer ce luxe ? Avantage à  Blaise Compaoré et au CNRDRE Depuis l’éclatement de la crise politico-militaire le 22 mars dernier, beaucoup craignaient que le Mali ne soit mis sous la tutelle du Burkina Faso. C’’est aujourd’hui chose faite. Après l’humiliation de la rencontre de Ouagadougou, les 14 et 15 avril, o๠quasiment toute la classe politique malienne s’était déportée pour une réunion qui n’a servi à  rien, le président Blaise Compaoré a obtenu la nomination de son conseiller spécial Sadio Lamine Sow au poste stratégique de ministre des Affaires étrangères du Mali. Ce dernier saura t’il s’émanciper de son ancien maà®tre qu’il a servi pendant plus de 20 ans? Difficile à  croire quand on sait que le médiateur désigné par la CEDEAO n’est autre que le président burkinabé… Les militaires à  la tête de ministères clés Un mois après son coup d’Etat du 22 mars, le Comité national de redressement de la démocratie et de restauration de l’Etat (CNRDRE) reste au centre du jeu. Bien que la junte ait concédé un semblant de retour à  l’ordre constitutionnel à  travers la désignation de Dioncounda Traoré comme président par intérim, elle garde la main sur les principaux leviers du pouvoir, comme l’atteste la présence de trois de ses membres à  la tête de ministères clés. Le colonel major Yamoussa Camara, qui connaà®t bien le Nord Mali, le Général Tiéfing Konaté, et le Colonel Moussa Sinko Coulibaly obtiennent respectivement la défense, la sécurité, et l’administration territoriale. Ce dernier, diplômé de la prestigieuse école militaire française St Cyr, est le directeur de cabinet du chef de la junte, le capitaine Amadou Haya Sanogo. Le message est donc clair : les anciens putschistes vont contrôler le processus électoral. Mais au profit de qui ? Le Général Moussa Traoré est de retour l’autre grand gagnant de ce casting gouvernemental est l’ancien président, le général Moussa Traoré, victime d’un putsch le 26 mars 1991 à  l’instigation d’un certain ATT. La nomination de son gendre à  la Primature était déjà  un premier signal, qu’est venu renforcer la désignation de certains de ses proches, tels que son ancien ministre Tienan Coulibaly, jusqu’ici PDG de la Compagnie malienne de développement des textiles (CMDT), ou encore Léo Sidibé nommé à  l’agriculture. Un gouvernement d’union nationale ? Si le Premier ministre avait voulu donner un signal fort en direction des populations du Nord qui sont dans leur grande majorité hostiles à  la partition du Mali, il aurait nommé des ministres issus des communautés blanches, arabes et touarègues. Or, il n’en est rien. La nomination de Madame Alwata Ichata Sahi, une touarègue noire, est un cache misère qui ne fait que verser de l’eau au moulin du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). Ce dernier qui occupe avec ses alliés tout le Nord Mali a proclamé l’indépendance du «Â territoire de l’Azawad », le 6 avril 2012, prétextant leur exclusion par le pouvoir de Bamako. Dans le contexte actuel, Cheick Modibo Diarra et ses parrains ont donc commis une faute morale et une faute politique. Au lieu d’annoncer un véritable gouvernement d’union nationale qui réunisse toutes les composantes de l’ensemble national, ils ont choisi de prendre acte de la partition effective du grand Mali.