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Grèves en Afrique du Sud : le jeu dangereux des syndicats

La grève dans le service public est devenue une norme en Afrique du Sud. Nous sommes au milieu de la…

La grève dans le service public est devenue une norme en Afrique du Sud. Nous sommes au milieu de la saison de grève et l’actualité est une fois de plus dominée par les masses de fonctionnaires grévistes brandissant des pancartes o๠l’on peut lire : « Nous disons non à  des salaires de misère » et « Nous disons non à  6% d’augmentation ». Mais quelles sont les conséquences des grèves ? Outre les effets immédiats – les perturbations dans les services publics – il y a des effets à  long terme plus coûteux qui doivent être reconnus. Les syndicats ignorent souvent le fait que la productivité des travailleurs est le principal déterminant du niveau de salaire que les employeurs sont disposés à  payer et une augmentation législative du prix du travail n’augmente pas la productivité des travailleurs. Entre 1990 et 2000, selon les recherches effectuées par Adcorp, la productivité du travail a augmenté de 3,3 % par an, et la rémunération réelle a augmenté proportionnellement de 1,9 % par an. En revanche, entre 2001 et 2010, la productivité du travail a diminué de 2 % par an, tandis que la rémunération réelle a augmenté de près de 3 % par an. à€ l’heure actuelle, la rémunération réelle augmente à  un taux de 13,8 points de pourcentage au-dessus du niveau qui peut être justifié par l’inflation et la croissance de la productivité du travail. De toute évidence, cela démontre qu’au cours de la dernière décennie, les syndicats ont bénéficié d’un pouvoir excessif : quand ils voulaient une augmentation, ils l’ont obtenu. Ce qui est souvent négligé est que l’augmentation des niveaux de salaires affecte directement les opportunités d’emploi et le taux de chômage. Selon les dernières données de Stats SA, 4,3 millions de personnes étaient au chômage au premier trimestre de 2010, soit un taux de chômage de 25,2 %. Ajoutez les demandeurs d’emploi, ceux qui ont renoncé à  chercher du travail tout simplement parce qu’ils croient qu’il n’y en a aucun de disponible, et vous obtiendrez 1,8 millions de chômeurs supplémentaires. Au final, le nombre total de chômeurs s’élève à  6,1 millions et le taux de chômage effectif est de 32,4 %. Par rapport à  l’an dernier, environ 750.000 autres emplois ont été perdus. Comment les syndicats ont-ils atteint ce niveau sans précédent de pouvoir ? Il faut reconnaà®tre qu’en Afrique du Sud les syndicats du travail ont joué un rôle économique, politique et social dans la transition de l’apartheid à  la démocratie. Lorsque les sud-africains noirs étaient exclus de la participation politique pendant les années d’apartheid, les syndicats sont devenus effectivement leur porte-parole. Il était donc naturel que la COSATU, la plus grande Fédération des syndicats depuis 1994, devienne une composante essentielle de ce qui est maintenant l’alliance tripartite. Avec des syndicats formant une partie intégrante de notre société, on peut facilement perdre de vue leur rôle de premier plan – augmenter les salaires et améliorer les conditions de travail de leurs membres par rapport aux autres travailleurs à  productivité égale – une tâche qu’ils accomplissent avec beaucoup d’habileté. Dans ce processus, ils constituent inévitablement un obstacle à  la concurrence potentielle – en général d’individus peu qualifiés prêts à  accepter des salaires plus bas plutôt que d’affronter le chômage et la conséquence de la faim pour eux-mêmes et leurs familles. Les travailleurs dans le secteur syndiqué sont protégés. Mais, en général, les inégalités se creusent car bien que certaines personnes gagnent de l’argent, des millions d’autres sont effectivement empêchées d’intégrer le marché du travail. Il est donc intéressant de savoir pourquoi dans l’après-apartheid en Afrique du Sud, le parti au pouvoir poursuit sa relation avec un syndicat. L’ANC avait besoin des syndicats dans les années 1980 et 1990 mais aujourd’hui il a créé un monstre économique. Le gouvernement doit commencer à  penser aux pauvres sud-africains ordinaires – noirs et blancs. Il aura besoin de peser les risques de protéger les droits acquis contre les risques d’augmenter les troubles et l’inquiétude parmi les pauvres chômeurs africains du Sud. Ce dernier groupe est plus instable et imprévisible – la politique juste et intelligente à  suivre est de maximiser les opportunités pour les pauvres chômeurs avant que l’agitation civile n’éclate. Les alliés politiques au pouvoir font face à  des choix peu enviables, mais nécessaires ; s’ils ne font rien, ils risquent des troubles civils comme avec les protestations contres la piètre qualité des services municipaux, protestations qui semblent en grande partie menées par des chômeurs ; s’ils tentent d’acheter la paix sur une longue période avec l’argent des contribuables, ils risquent de nuire à  l’économie et de détruire des emplois syndiqués, et s’ils veulent ouvrir les portes aux chômeurs pour intégrer le marché de travail, les syndicats s’y opposeront. Le gouvernement doit se décider quant à  savoir si dans la lutte contre le chômage, il faut regarder le tableau d’ensemble qui inclut les chômeurs ou répondre aux intérêts des travailleurs déjà  en place. L’avenir du pays en dépend. Jasson Urbach est analyste à  la Free Market Foundation en Afrique du Sud.