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Guinée : la justice à petits pas

Alors qu'au Mali le gouvernement porte toujours l'empreinte de l'ex-junte (4 militaires sont ministres), la Guinée prend le chemin inverse,…

Alors qu’au Mali le gouvernement porte toujours l’empreinte de l’ex-junte (4 militaires sont ministres), la Guinée prend le chemin inverse, trois ans après le massacre de plus de 150 personnes dans un stade de Conakry après une marche de l’opposition le 28 septembre 2009. Le 5 octobre le président de la République Alpha Condé, élu en décembre 2010, a procédé à  un remaniement ministériel. Des départements ont été fusionnés et onze ministres sont partis. A commencer par trois généraux issus de l’ex-junte militaire du Comité national pour la démocratie et le développement (CNDD) dirigé par Moussa Dadis Camara, avant que celui-ci de ne soit blessé par balles et accueilli au Burkina Faso par Blaise Compaoré. Un ministre possiblement impliqué dans le massacre passe à  la trappe Il s’agit du ministre de la Sécurité, le général Mamadouba Toto Camara, du ministre de l’Elevage, le général Mamadou Korka Diallo, et de celui de l’Urbanisme et de l’habitat, le général Mathurin Bangoura. Mamadouba Toto Camara n’est pas n’importe qui. Il est cité dans le rapport de la commission d’enquête internationale chargée d’établir dans quelles circonstances ont été tuées les victimes du 28 septembre. « Son implication présumée dans les événements [le] désigne comme devant faire l’objet d’une enquête plus approfondie », estime le rapport. En 2009 la Cour pénale internationale avait annoncé que la situation en Guinée faisait l’objet d’une enquête préléminaire. Trois ans d’impunité En février 2010, un comité national de juges a été nommé pour enquêter sur les crimes du 28 septembre. Le comité a fait d’importants progrès dans le cadre de l’enquête, notamment en interrogeant plus de 200 victimes, a expliqué Human Rights Watch. Des poursuites ont été engagées contre au moins sept personnes en lien avec les crimes: il s’agit, entre autres, de Moussa Tiégboro Camara, le ministre guinéen actuel en charge de la Lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé et, plus récemment, du colonel Abdoulaye Cherif Diaby, qui était ministre de la Santé de Guinée à  l’époque des faits. Mais les principaux suspects n’ont pas été démis de leurs fonctions: «La Guinée envoie un terrible message aux victimes en permettant aux principaux suspects de rester en fonction au gouvernement d’o๠ils peuvent influencer l’enquête», a précisé Elise Keppler, de Human Rights Watch. «Alors que les juges d’instruction ont fait quelques progrès dans l’enquête, ils doivent être davantage soutenus par le gouvernement guinéen afin de mettre un terme au cycle d’abus et d’instaurer le respect de la règle de droit en Guinée.» Beaucoup d’attentes Dans ce nouveau gouvernement dirigé par le même Premier ministre, Mohamed Said Fofana, Alpha Condé a nommé deux ministres d’Etat : celui de la Justice et celui de l’économie et des finances. Le nouveau département chargé des Droits de l’Homme et des libertés publiques a été confié à  Kalifa Diaby Gassama, reconnu pour ses critiques objectives et sans langue de bois. Avant son entrée au gouvernement il avait à  plusieurs reprises demandé au président de faire respecter les droits de l’homme et d’asseoir les bases démocratiques pour une gestion transparente de la chose publique. Le nouveau ministre des Affaires étrangère est l’ancien conseiller à  la présidence, FRançois Louceny Fall. Quant à  la star du football guinéen, Aboubacar Titi Camara, il quitte le ministère des Sports, devenu après fusion le ministère de la Jeunesse, de l’Emploi des Jeunes et des Sports. Ce remaniement tant attendu par les populations semble ne pas séduire tout le monde. Les Guinéens disent accorder le bénéfice du doute au président Alpha Condé, le temps de voir l’efficacité de ce nouveau gouvernement.