Économie




Hamidou Dicko : « l’entreprenariat informel limite l’épanouissement des entreprises »

Hamidou Dicko, cadre financier, est responsable du département Partenariat et stratégies du Fonds de garantie pour le secteur privé au Mali (FGSP), qu’il a rejoint…

Hamidou Dicko, cadre financier, est responsable du département Partenariat et stratégies du Fonds de garantie pour le secteur privé au Mali (FGSP), qu’il a rejoint 2018 en tant que responsable Études et financements. Dans son livre « Entrepreneuriat au Mali : ce qu’il faut savoir pour réussir  », dont le second volume est en préparation, il entend vulgariser les informations indispensables pour entreprendre et réussir.

Quels constats vous ont amené à écrire ce livre ?

Un certain nombre. D’abord, mon métier, où je suis amené à accompagner les chefs d’entreprises, les porteurs de projets qui ont besoin de financements. On se rend compte que lorsqu’elles fonctionnent les entreprises qui nous approchent ont certaines lacunes et souffrent d’une absence de bonnes pratiques. Lorsqu’il s’agit des chefs d’entreprises, ils ignorent beaucoup de choses en termes de dispositifs, de structures institutionnelles, de textes qui encadrent l’entrepreneuriat. Parfois, ce sont des dispositifs allant dans le sens de la promotion de l’entrepreneuriat ou la facilitation du financement. Donc le livre est un bon moyen de toucher le maximum de personnes et de vulgariser l’information lorsque l’on est dans l’entrepreneuriat ou que l’on s’y intéresse.

Il faut reconnaître que l’accès à l’information est relativement difficile et que les informations sont éparpillées. Il faut fournir beaucoup d’efforts pour avoir des informations pertinentes.

Le titre du livre signifie-t-il que si l’on entreprend un certain nombre de démarches on peut réussir ?

Exactement. C’est « Ce qu’il faut savoir pour réussir ». Dans cette première édition, j’ai essayé de résumer d’abord ce qu’il faut savoir sur l’écosystème de façon générale. L’environnement économique, les secteurs d’activités, la configuration démographique, le Code des investissements, le Code des impôts, la loi sur le partenariat public privé, l’environnement du financement, etc. Tous ces dispositifs doivent être connus des chefs d’entreprise. Leurs rôles doivent être connus. La seconde partie évoque ce qu’il faut savoir pour les entreprises maliennes. Elles ont leurs propres caractéristiques, parmi lesquelles il y a de bonnes pratiques à encourager mais aussi d’autres à améliorer, qui ne vont pas dans le sens du développement. L’entrepreneuriat est dominé par le secteur informel, que je considère comme l’entrepreneuriat précaire. Il ne profite ni au propriétaire, ni à l’Etat. Il limite les possibilités d’épanouissement de l’entreprise.

La plupart des acteurs évoluent dans ce secteur. Comment les convaincre de se formaliser ?

À travers des conseils, parce que lorsque l’on s’intéresse au financement on se rend compte qu’on a du mal à y accéder parce que la banque ne fait pas confiance à une démarche asymétrique. Elle a besoin de se baser sur des documents, des faits réels, pour pouvoir apprécier la crédibilité de l’entreprise. Beaucoup d’entreprises ont du mal à accéder au financement parce qu’elles ne réunissent pas les conditions de transparence financière et commerciale. Le fait de pouvoir accéder à un financement pour développer ses activités est une opportunité non négligeable. Il y a aussi d’autres opportunités auxquelles on ne peut accéder que lorsque l’on remplit un certain nombre de conditions de transparence dans la gestion de l’entreprise. Il y a aussi des critères de responsabilité sociale que certains programmes intègrent dans les conditions d’obtention de financements à des conditions très raisonnables de taux et de garantie financière.

Le financement est l’un des problèmes empêchant les entreprises d’évoluer. Y en a-t-il d’autres ?

En fait, le financement est un problème, c’est vrai. Mais il a une cause. La difficulté d’accès au financement est la conséquence. La cause est l’asymétrie d’informations, la non transparence. Lorsque les affaires se font dans ce contexte, il y a méfiance dans l’environnement et entre tous les acteurs. Je pense que le fonds du problème est que l’informel domine parce que les gens n’ont pas une bonne perception du formel. Ils pensent que cela va augmenter leurs charges. Il suffit de regarder de près pour savoir que les avantages l’emportent. Ce qu’il faut, c’est un mouvement d’ensemble vers le formel. Parce que celui qui est dans le formel ne peut pas vendre au même prix que le concurrent qui évolue dans l’informel, avec des coûts moindres.

L’État doit-il prendre des mesures pour assurer cette mutation ?

L’État peut et doit jouer un grand rôle dans ce mouvement, faire en sorte que notre économie évolue vers le formel. Parce que l’État gagnera en termes de recettes, de capacités à définir la politique du secteur privé et à réduire le taux de chômage. Il faut communiquer pour démystifier le paiement de l’impôt. C’est comme un investissement pour l’État : laisser grandir les entreprises avant de percevoir des retombées. Il doit aussi jouer son rôle contre la concurrence déloyale et encourager la consommation des produits locaux.

Au-delà des dispositifs de financement, l’État doit améliorer davantage les facteurs de production, faciliter l’accès au foncier et jouer son rôle dans la disponibilité des matières premières, surtout locales.

Propos recueillis par Fatoumata Maguiraga