Huilerie cotonnière du Mali (HUICOMA) : les effets pervers de la privatisation

Le projet de plan social HUICOMA ignoré Avec la protection des droits des travailleurs licenciés, le projet de plan social,…

Le projet de plan social HUICOMA ignoré Avec la protection des droits des travailleurs licenciés, le projet de plan social, HUICOMA, a été élaboré (avant la cession) par le gouvernement, le syndicat des travailleurs de HUICOMA et la société HUICOMA-SA. Mais, il a été tout simplement jeté à  l’eau, malgré le fait qu’il garantissait des mesures d’accompagnement,d’indemnisation et de réinsertion socio-économique des travailleurs licenciés. En effet, ledit projet de plan social prévoyait explicitement que « l’acquéreur s’oblige à  mettre en place, dans un délai de soixante jours, à  compter de la date de transfert, un plan social négocié avec les travailleurs et acceptable pour le cédant. Ce plan social sera pris en charge par HUICOMA. Plus loin, le même projet de plan social stipule que l’Etat et la société HUICOMA-SA s’engagent à  effectuer le paiement intégral des montants dus à  tous les agents concernés en une seule tranche et au moment de leur licenciement. « Mais, force est de constater, qu’en dépit des dispositions du projet de plan social, depuis la cession de HUICOMA au groupe TOMOTA en juin 2005, aucun plan social en faveur des travailleurs n’a été mis en place jusqu’à  ce jour. l’engagement de maintien de la totalité du personnel par l’acquéreur n’est pas respecté ; encore moins son engagement à  poursuivre la réalisation de l’objet social de l’HUICOMA, en maintenant les 3 usines (Koutiala, Koulikoro et Kita) pendant une durée minimum de 5 ans. Une vie socio-économique en lambeaux La crise qui a engendrée la privatisation de l’HUICOMA a donné lieu au licenciement de plus de 395 travailleurs. La situation précaire des travailleurs licenciés à  Koulikoro (par exemple) a fini par causer d’énormes troubles sociaux. Au plan socio-économique, la baisse vertigineuse du revenu des ménages, s’est fait cruellement ressentir, causant une dégradation du tissu social. Ainsi, nous assure le greffe du Tribunal de Première Instance de Koulikoro : « une soixantaine de foyers ont vu leur union conjugale, partir en fumée. Cela était bien prévisible dans la mesure oà¹, la plupart des chefs de famille (ne travaillant plus), ne pouvaient faire face aux charges familiales. Il faut aussi ajouter certains cas de décès, une vague de déguerpissement dans des maisons louées… Aussi, certains parmi ces licenciés, pour échapper à  la stigmatisation, se sont convertis dans le métier d’extraction de sable(dans le fleuve) en attendant des lendemains meilleurs ». La mauvaise foi des autorités Le premier rôle qui revenait à  l’Etat, était de veiller strictement à  l’application du plan social, deux mois après la cession de l’HUICOMA au Groupe TOMOTA. Ce qui n’a point été fait. Selon le porte-parole du collectif des licenciés, M. Ibrahim Diarra, « à€ aucun moment, nos gouvernants ne se sont souciés de la mise en place d’un plan social au profit des travailleurs qui sont au nombre de 900. Les autorités ne se sont pas préoccupées de la violation de tous les textes en matière du travail et de sécurité sociale (code du travail et code de prévoyance sociale). Pourtant, le droit réclamé par les travailleurs licenciés, ne sauraient être de trop pour l’Etat qui a empoché 9 milliards, suite à  la cession de ses 84,13 % d’actions ». Une gestion défaillante Pendant ce temps, l’HUICOMA, depuis sa cession, subit une véritable descente aux enfers par sa calamiteuse gestion. Aux dires du président du collectif des travailleurs licenciés, Boubacar Samaké, la société se portait économiquement très bien avant la privatisation, contrairement à  ce que nos autorités ont laissé croire. Et mieux, poursuit-il, l’Etat n’a jamais eu la clairvoyance de l’accompagner financièrement. « Aujourd’hui, il est très regrettable de constater que l’HUICOMA coule progressivement vers un avenir incertain », a-t-il déploré. Au grand dam des dispositions prévues dans le protocole, le repreneur (le Groupe TOMOTA) quant à  lui, a bénéficié de la part de l’Etat, d’avantages exceptionnels. Les effets pervers de la privatisation Il s’agit notamment de la diminution du prix de la graine de coton : de 47 500 Fcfa TTC prix HUICOMA avant cession à  12 500 Fcfa TTC, après cession au groupe TOMOTA ; l’exonération sur une période de huit (8) ans…Mais, le constat est aujourd’hui amer puisque : l’HUICOMA est pratiquement à  l’arrêt, après seulement trois années de gestion. Sur le marché, aucun produit de la société n’est présent (huile, savon, aliment bétail et crème karité) et tous les prix ont doublé avec l’arrivée massive de produits étrangers. Les villes industrielles de Koutiala, Koulikoro et Kita sont aujourd’hui des villes mortes, les retombées indirectes de ces unités sur les activités connexes (transports, commerce, location, restauration) étant estompées. Des travailleurs, déterminés à  se faire entendre « Un droit ne se donne pas, mais s’arrache », cet adage semble inspirer la démarche entreprise par le collectif des travailleurs licenciés de l’HUICOMA des suites de sa privatisation. En effet, le collectif s’est plus que jamais assigné le devoir de prendre ses destinées en mains (en restant solidaire), nonobstant les méfaits du grotesque coup bas que lui a infligé le bradage de l’HUICOMA. Ainsi, le collectif des travailleurs licenciés a saisi toutes les autorités administratives du pays impliquées dans la gestion du dossier, et a même adressé une lettre, ouverte au Président de la République (lequel, en son temps, avait donné l’assurance que la privatisation n’interviendrait que lorsqu’un plan social consensuel aura été mis en place) pour lui manifester leur indignation et leur colère. Pour sortir la société HUICOMA de l’ornière, l’Etat devra donc relancer dans le cadre d’une délégation de gestion et mettre les travailleurs licenciés dans tous leurs droits.