PersonnalitésParcours, Personnalités




IBK : un long chemin vers la conquête du pouvoir…

D'emblée, Ibrahim Boubacar Keita renvoie à  l'autorité. Il aura connu tous les grands postes de l'administration. Ministre, Premier ministre et…

D’emblée, Ibrahim Boubacar Keita renvoie à  l’autorité. Il aura connu tous les grands postes de l’administration. Ministre, Premier ministre et Président de l’Assemblée nationale, sous la férule d’Alpha Oumar Konaré. Son élection à  la tête du Mali est le couronnement d’un long parcours politique débuté dans les années 90. Né à  Koutiala le 29 janvier 1945, IBK qui a fêté ses 68 ans en début d’année est un animal politique incontestable. Il fait des études de Sciences politiques, d’histoire et de relations internationales en France, en passant par les grandes universités françaises comme la Sorbonne, ce qui fait de lui un latiniste convaincu et amateur de belles lettres. On lui connaà®t l’expressions favorite « Dura lex sed lex  » et qui fait déjà  légion dans les grins de la capitale. « C’est un homme attachant et plein de conviction », affirme un proche, membre de son staff de campagne. « IBK, c’est un bon vivant, un homme plein d’humour. Il est aussi capable de tacler ses adversaires verbalement mais il est sans rancune », précise un ancien ministre, qui a ses habitudes à  son domicile de Sébénicoro. Mais, l’homme qui cristallise les espoirs des Maliens incarne avant tout l’autorité d’Etat et pour qui l’honneur du Mali passe avant tout, thème phare de sa campagne. Membre de l’internationale socialiste, c’est aussi un homme de réseaux qui a des amitiés en France et ailleurs en Afrique. Il fut proche de feu Oumar Bongo ou encore du Président déchu Laurent Gbagbo. On le dit également ami de Laurent Fabius, le ministre français des Affaires étrangères. IBK, le candidat de la France ? La question a fait débat pendant toute la campagne électorale. Vie politique Après ses études dans les années 80, Ibrahim Boubacar Keita, devient Conseiller du Fonds européen de développement (FED). C’est véritablement en 1990 qu’il entre dans la vie politique en devenant proche de l’ancien président Alpha Oumar Konaré. Après la chute du régime de Moussa Traoré, ce dernier en fait son Directeur adjoint de campagne et le nommera Ambassadeur en Côte d’Ivoire. En 1993, IBK entre au gouvernement comme ministre des Affaires étrangères. Sa carrière politique est lancée. Elle ira crescendo puisqu’ Alpha dès le 4 février 1994 le propulse Premier ministre. A cette époque, la crise de l’école fait rage et les grèves syndicales se multiplient, une recrudescence de l’insécurité est perceptible dans tout le pays et plus particulièrement dans le nord. « La restauration de l’autorité de l’Etat, déclarait-il, était un préalable à  la réalisation de l’Etat de droit et nul n’est et ne sera au-dessus de la loi », déclarait-il à  l’époque. IBK sera reconduit au poste de Premier ministre en février 1997 et traversera la grave crise qui a secoué le pays lors des élections présidentielle et législatives de 1998. Il démissionnera de son poste de Premier ministre le 13 février 2000, tout en gardant la présidence du Comité exécutif du parti au pouvoir, l’Adéma-PASJ (Alliance pour la démocratie au Mali– Parti Africain pour la Solidarité et la Justice). IBK pense que son avenir est tout tracé. Il se considère comme le candidat naturel de l’Adema et « dauphin » du président Alpha Konaré. C’était mal connaà®tre les ambitions des uns et des autres… Et notamment d’un certain Soumaila Cissé, lui aussi aspirant à  la magistrature suprême. De l’Adema au RPM Ibrahim Boubacar Keita a, comme la plupart des hommes politiques maliens, commencé sa carrière politique dans des associations démocratiques. Aussi, c’est tout naturellement que lors du premier congrès constitutif de l’Adema, les 25 et 26 mai 1991, il est élu Secrétaire aux relations africaines et internationales du parti. Puis il monte en grade. Au premier congrès ordinaire de l’Adema, en septembre 1994, il est élu président du Comité exécutif, en somme le « président » du parti. Il est réélu à  ce poste au congrès d’octobre 1999. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pour IBK. Mais il a pris des coups lors de la crise politique de 1998. S’il veut être président de la République, il lui faut se mettre au vert, prendre ses distances avec les affaires courantes. Aussi démissionne-t-il de son poste de Premier ministre en février 2000. IBK, candidat naturel de l’Adema à  la présidentielle de 2002 ? Ses camarades ne l’entendent pas ainsi. Un courant dit de « rénovateurs » voit le jour au sein de l’Adema, guidé en sous-main par d’autres prétendants à  la présidence de la République dont trois ministres, Ousmane Sy (Administration territoriale), Soumeylou Boubeye Maà¯ga (Défense) et Soumaà¯la Cissé (Equipement). Tous trois avaient été écartés de la direction du parti lors du congrès d’octobre 1999. Ce nouveau courant qui revendique la majorité des députés et « une bonne partie » des membres du Comité exécutif de l’ADEMA préconise pendant des mois des « primaires » pour désigner le candidat du parti à  la présidentielle de 2002. De facto, IBK est relégué à  la tête du courant dit des « conservateurs ». Cette période sera des plus ravageuses pour le parti. On se déchire à  coups de presse interposée, de déclarations incendiaires. Les sections de base s’en mêlent pour réclamer un congrès extraordinaire qui aura finalement lieu en octobre 2000. C’est une défaite politique pour IBK, d’autant que son « ami », le président Konaré ne dit mot et laisse le parti se déchirer. La presse malienne fait ses choux gras de ce remue-ménage « dans la ruche », l’abeille étant l’emblème de l’Adema. Las, IBK jette l’éponge et démissionne de la présidence du parti en octobre 2000 et s’en va jouer sa propre partition. Il téléguide la création, en février 2001, d’un mouvement dénommé « Alternative-2002 », o๠se retrouvent des hauts cadres et des députés de l’ADEMA. Alternative 2002 n’est en fait que la prémisse de la création en juin 2001 de son propre parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM). Il emmène alors avec lui 37 députés démissionnaires de l’Adema. Quand arrive l’échéance de l’élection présidentielle en avril 2002, IBK se porte tout naturellement candidat. Mais il a réussi à  faire naà®tre une coalition, dénommée cette fois « Espoir 2002 », et qui regroupe une quinzaine de partis, dont les principaux sont outre le RPM d’IBK, le CNID de Me Mountaga Tall et le MPR de Choguel Maà¯ga, qui revendique lui l’héritage de l’ancien président destitué en 1991, Moussa Traoré. Si ces trois personnalités vont en ordre dispersé à  la présidentielle, tous se sont engagés dans cette alliance pour soutenir celui d’entre eux qui parviendra éventuellement au deuxième tour. Pas de chance : au premier tour de cette présidentielle, disputée le 28 avril 2002, c’est le général Toumani Touré, dit « ATT », qui arrive en tête avec 28,7 % des voix suivi du candidat de l’ADEMA, Soumaà¯la Cissé (21,32 %). « IBK », très colère à  l’époque, n’est crédité que de la troisième place avec seulement 21 % des suffrages. Il a perdu une bataille mais pas la guerre. L’occasion d’une belle revanche lui sera donnée lors de législatives qui vont suivre, en juillet de cette même année 2002. Là , son parti, le RPM fait carton plein, en raflant 46 sièges de députés, et la coalition « Espoir 2002 » totalise 63 sièges. C’est une belle revanche pour IBK qui dans la foulée se fait élire président de l’Assemblée nationale en obtenant les suffrages de 115 députés sur 138 votants (l’assemblée compte 147 députés). Président de l’Assemblée nationale Pendant cette période à  l’Assemblée, IBK joue le jeu et tisse ses réseaux jusqu’à  la future échéance présidentielle de 2007, o๠il ambitionne une nouvelle fois d’être élu président. Mais le temps aidant, la coalition Espoir 2002 a explosé. Pire, son parti, le RPM, subit à  son tour des défections, certains de ses membres retournant même dans leur famille maternelle, l’Adema. IBK n’est plus un rassembleur, mais plutôt source de problèmes. En février 2007, il forge une nouvelle alliance dans la perspective des échéances électorales à  venir : le FDR (Front pour la Démocratie et la République), qui regroupe 16 partis et associations politiques. Aussi, IBK, redevenu dans l’opposition, se porte donc une nouvelle fois candidat à  la présidence lors du scrutin d’avril 2007, mais, alors que d’autres hommes politiques ont bien compris que ce n’était pas la peine de tenter d’affronter le président sortant ATT. Cette fois c’est la douche froide pour IBK. ATT est élu dès le premier tour, avec 68,31 % des suffrages, Ibrahim Boubacar Keita est deuxième, mais loin derrière, avec seulement 18,59 % des voix. Son parti subira alors le contrecoup de cet échec. Lors des législatives qui suivent, en juillet 2007, son parti, le RPM, n’obtient que onze députés. Plus dure encore pour IBK, l’Adema reprend des couleurs et redevient la première force politique du pays avec 51 députés, suivie de l’URD de Soumaà¯la Cissé, autre transfuge de l’Adema qui obtient 34 sièges. Un nouveau pas vers la victoire Ayant tiré les leçons des échecs successifs, IBK se lance à  nouveau pour la présidentielle de 2012. Agé de 67 ans, il base sa campagne sur l’autorité d’état, Un Mali fort et Uni o๠l’égalité des chances serait le crédo. Face au contexte d’insécurité au Nord, IBK est perçu comme l’homme de la situation. Une bonne frange de la diaspora malienne à  l’étranger semble acquis à  la cause de celui qu’on surnomme « Kankelentigui ». Mais le coup d’Etat du 22 Mars ralentit ses ambitions et celle de bon nombre de candidats puisque c’est Dioncounda Traoré qui deviendra Président par intérim du Mali après la chute d’Amdou Toumani Touré en Avril 2012… Accusé de soutenir l’ex junte au pouvoir, IBK est resté souvent silencieux durant toute la transition, se contentant de condamner le coup, tout en appelant au calme et au rassemblement.  » Je suis profondément meurtri par cette crise qui frappe le Mali et aucun d’entre nous n’aurait pu imaginer vivre cela un jour et voir notre pays, notre patrimoine culturel et les mausolées de Tombouctou livrés aux mains des assaillants », déclarait-il lors d’une conférence de presse en Juin 2012. Il ne sera pas non plus membre du FDR, le front anti putsch qui va se créer au lendemain du coup d’Etat et préférera cette fois attendre son heure dans l’ombre. Ce calcul politicien aura été le bon. Pour la présidentielle de Juillet 2013, et entouré d’une équipe dynamique, IBK qui a conscience des aspirations du peuple malien, base sa campagne sur  » L’honneur du Mali », un slogan qui fait mouche. Les rues de Bamako sont placardées d’affiches à  son effigie, chacun de ses meetings crée la liesse et le candidat du RPM promet de restaurer l’autorité d’Etat, en créant les conditions du bonheur des Maliens. Vaste chantier. Avec le soutien des religieux et des militaires, il est donné favori et devance Soumaà¯la Cissé (19,70%) son challenger au premier tour avec 39,79% des voix, sur 27 candidats déclarés. IBK manque de peu le « Takokélen » pour lequel ses militants l’avaient déjà  fêté au soir du 28 juillet. Le second tour est fixé au 11 Août 2013 sous l’œil vigilant des observateurs nationaux et internationaux. A l’issue du scrutin, IBK a gagne largement avec 77,62 % contre 22,38%. Il recevra les félicitations de son rival Soumaila Cissé, qui reconnaà®tra sa défaite bien avant proclamation des résultats officiels. Un bon père de famille Marié à  Aminata Maiga, Présidente de la fondation « Agir », qui œuvre dans l’environnement, IBK a quatre fils et est un grand père heureux. On le dit sociable mais capable de piquer de grandes colères. Celui qu’on surnomme « Ladji Bourama », depuis son retour de la Mecque a troqué le costume contre le boubou en bon Père de la nation malienne. Kankélentigui, l’homme d’une seule parole, vient de remporter son ultime combat, celui d’accéder à  la plus haute fonction. Le chemin aura été long et IBK savoure sans doute une victoire, qui par deux fois, lui a échappée. Dès son installation dans le fauteuil présidentiel, IBK devra s’atteler à  la question du Nord, à  la réconciliation nationale ébranlée par l’occupation des djihadistes pendant 8 mois. Pour commencer, le Président IBK bénéficiera d’une enveloppe de 50 millions de dollars émise par la Banque mondiale. Sans oublier, la promesse de dons portant sur 3,5 milliards de dollars émise par la communauté internationale à  la conférence des donateurs de Bruxelles.