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Idriss Déby à la tête de l’Union africaine : une bonne idée ?

l'agenda d'Idriss Déby Into est chargé en ce début d'année. A peine la COP 21 derrière lui, avec le problème…

l’agenda d’Idriss Déby Into est chargé en ce début d’année. A peine la COP 21 derrière lui, avec le problème majeur de la désertification du territoire tchadien et l’assèchement programmée du lac Tchad en mire, le président n’aura pas eu beaucoup de temps pour reprendre son souffle. Déjà , il y a les affaires courantes : la crise chronique du pétrole (qui représente près de 80 % des exportations nationales), la diversification de l’économie, le bouillant dossier Boko Haram (nombre croissant d’attaques sur son territoire) ou encore les débats autour du tracé ferroviaire devant relier N’Gaoundéré, au nord du Cameroun, à  la capitale tchadienne, etc. Autant d’actualités qui l’ont gardé loin de l’œil médiatique. Idriss Déby n’est en effet apparu qu’une seule fois en publique depuis la Saint Sylvestre, le 8 janvier à  Cotonou, o๠il a pris part à  la clôture du sommet de l’UEMOA et au sommet de l’Autorité du bassin du Niger (ABN). Et l’avenir proche promet lui aussi d’être chargé : après avoir été investi par son parti, le Mouvement patriotique du salut (MPS), Déby se lancera dans la campagne présidentielle pour briguer un nouveau mandat à  la tête du Tchad le 6 février. A cela, il faut ajouter l’annonce qui fait du chef de l’Etat tchadien le prochain investi à  la présidence de l’Union africaine (UA). Selon une indiscrétion de La lettre du continent, Idriss Déby devrait en effet succéder au Zimbabwéen Robert Mugabe. Le 26ème sommet de l’UA va se dérouler les 30 et 31 janvier 2016 au siège de l’UA, à  Addis- Abeba, en Ethiopie. C’’est lors de ce rendez-vous continental que le flambeau devrait être remis au leader tchadien. Si la désignation de Robert Mugabe à  la tête de l’organisation avait été perçue comme « un mauvais signal » par les observateurs, la question se pose également pour cette dernière nomination. Déjà , l’année 2016 promet d’être éprouvante pour Idriss Déby, lui ajouter la charge de présidence de l’organisation d’à‰tats africains (mandat annuel) peut sembler démesuré. Aussi, la nomination d’Idriss Déby à  la tête de l’Union africaine est-elle une bonne idée ? Pour répondre à  cette question, il faut s’intéresser à  son bilan d’homme d’état et à  sa politique économique, ses actions en tant que chef de guerre et de diplomate, car la présidence de l’UA fait appel à  ces deux aspects. Les missions de l’Union sont en effet d’œuvrer à  la promotion de la démocratie et du développement à  travers l’Afrique, notamment par l’augmentation des investissements extérieurs. La gestion de l’économie du Tchad – l’un des pays historiquement les plus pauvres d’Afrique – lors des mandats de Déby a été universellement reconnue comme salutaire. Avec un baril de pétrole brut avoisinant les 30,72 dollars, alors qu’il était à  102 dollars début 2015, la plupart des économies exportatrices d’or noir du continent ont connu les fourches caudines, avec une croissance en berne, et des caisses vides. La situation au Tchad était d’autant plus difficile que le pays a été touché de plein fouet par la désertification. On note que le désert progresse d’un kilomètre par an sur des terres arables, et que le lac Tchad a perdu 90 % de son étendue en à  peine 50 ans. Ce phénomène a gravement impacté un pays largement agricole. A cela, il faut ajouter la crise d’importation du bétail que le pays traverse, depuis que l’expansion de Boko Haram a permis au groupe de menacer les routes commerciales principales du pays au Nord. Malgré ces sinistres augures, le pays a tenu bon. En 2014, après une année difficile, le taux de croissance de l’économie tchadienne est ressorti à  7,2 % et il continue de progresser. Cela vient du fait que la gouvernance du pays a su attirer les investissements étrangers. En réduisant le rôle économique de l’Etat, en libéralisant l’économie, en mettant l’accent sur la diversification dans un pays qui traditionnellement vivait de rente d’hydrocarbures, et en modernisant des infrastructures héritées du colonialisme, Déby a fait de son pays un pôle d’attractivité pour les investisseurs – un savoir-faire qui serait très utile à  l’échelle continentale, o๠le potentiel inexploité est criant. Au Tchad, dernièrement, le FMI a approuvé le déblocage de 28,7 millions de dollars d’aide au développement – en pleine période de crise. Et lorsque la région du lac Tchad a connu un déclin économique sévère, plutôt que d’attendre la montée du terrorisme chez les pêcheurs et agriculteurs désœuvrés, il a tout de suite débloqué 3 milliards de FCFA (4,57 millions d’euros) pour relancer l’activité. Ceci afin d’éviter une crise économique et humaine qui aurait durablement pénalisé la région. Cette anticipation des crises se retrouve dans d’autres aspects de sa gouvernance. Déby s’est par exemple largement concentré sur le maintien de la paix dans son pays, et ce malgré plusieurs tentatives de renversement (en 1999, 2005 et 2008). Il l’avait récupéré à  la sortie d’une crise profonde, qui est maintenant dépassée. De même, Idriss Déby a largement contribué à  la sécurisation de la région. Déjà  connu sous le surnom de « gendarme de l’Afrique centrale », sa nomination le met dans une position qu’il remplit de fait depuis plusieurs années. Le Tchad est en effet une véritable clé de voute dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. Engagée au Sahel (particulièrement au Mali) et à  la frontière nigériane, l’armée tchadienne a réussi à  contenir la montée du fondamentalisme, et empêcher la création d’un califat africain – à  l’image de Daesh au Proche Orient. Ses interventions ont permis de sécuriser la frontière du Cameroun, son voisin, menacé par Boko Haram il y a encore quelques mois, et a contribué à  la tenue d’élections sans heurts au Nigéria, malgré les menaces du groupe terroriste. à‡a n’est pas un hasard si la force multinationale qui combat la secte djihadiste s’est établie à  N’Djamena. A 63 ans, ce dirigent semble bien posséder toutes les cordes à  son arc pour occuper ce poste délicat. Sa nomination, dans les pas d’un dirigeant qui n’avait pas la même étoffe, présage sans doute des heures de lumière pour le continent africain.