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Immobilier : à l’heure de l’ambition

« Je vis dans un appartement que je loue 500 000 francs CFA par mois, ce n'est pas donné !…

« Je vis dans un appartement que je loue 500 000 francs CFA par mois, ce n’est pas donné ! », déplore ce chef de famille, locataire au quartier Baco Djicoroni ACI à  Bamako. Comme lui, nombreux sont les habitants de Bamako qui font face à  cette situation. Dans la capitale, si l’offre augmente, les loyers aussi. l’urbanisation galopante, la cherté des matériaux de constructions et des parcelles, l’absence d’une réglementation contraignante, sont les raisons qui expliquent cette envolée des prix. Avoir un « chez soi » est un droit, une nécessité vitale et une épargne plus que rentable. l’à‰tat, les entreprises privées et les particuliers l’ont compris et investissent dans « la pierre, valeur sûre ». Mais à  quel prix ? Se procurer une parcelle de terre à  Bamako relève du parcours du combattant, tant les prix restent hors de portée de toutes les bourses. Face à  cette situation, le citoyen lambda tente tant bien que mal de trouver le moyen d’acquérir un titre de propriété, gage d’une vie tranquille. Il pourra donc s’adresser aux nombreuses agences immobilières, intermédiaires entre acheteurs et vendeurs, et dont le marché connait une explosion. « Pas besoin de faire des études pour être un agent ou un promoteur immobilier, le plus important est d’avoir des contacts et des hectares de terrain pour commencer », explique Amadou Togora, propriétaire d’une agence immobilière. s’il est permis à  toute personne désireuse d’investir dans le secteur, la question de la réglementation se pose. Des besoins qui tardent à  être couverts Le secteur de l’immobilier est en effet régi par plusieurs lois en vigueur, notamment celle datant de la fin des années 90 sur la promotion du secteur immobilier et la politique dite « loyer plafond », qui définit et oriente les prix des loyers dans le District de Bamako. Depuis que l’à‰tat a légiféré sur le secteur, à  travers la loi N°99-040 du 10 août 1999, des conditions vraiment incitatives ont permis de propulser la profession, et « les prix du foncier au Mali seraient parmi les plus bas de la sous-région. Des dispositions nous permettent même d’acquérir par moment des parcelles à  des prix dérisoires », explique Mamadou Guediouma Coulibaly, président directeur général de la Société immobilière et foncière du Mali (SIFMA), l’un des promoteurs leaders sur le marché. Des exonérations douanières sont aussi faites sur les matériaux de construction de ces promoteurs, afin de faire baisser les prix de construction ou les loyers. Selon les études réalisées par la direction nationale de la statistique et de l’informatique, le taux d’urbanisation devrait continuer à  croà®tre très rapidement pour atteindre 47,5% en 2024. Alors que les besoins en logement étaient estimés en 2015 à  440 000 unités, la demande continue de grimper, malgré l’attribution des 1 552 logements à  N’Tabacoro en 2015 et le chantier de 20 000 logements à  Kati Kôkô Plateau. Ainsi, une quarantaine de promoteurs immobiliers comme la SEMA et l’ACI, toutes deux sociétés d’économie mixte, SIFMA, Ifa Baco, Somapim, pour les principaux, tentent de répondre aux besoins du marché en mettant en valeur des parcelles et en développant des programmes résidentiels. Des projets qui viennent compléter la volonté du chef de l’à‰tat, Ibrahim Boubacar Keà¯ta, de construire 50 000 logements sociaux en cinq ans. Des ambitions qui paraissent insuffisantes au regard des besoins actuels de logements. Accompagnement bancaire défaillant Pour les ménages maliens, une autre difficulté de trouve dans l’accès aux prêts immobiliers. Les institutions bancaires, censées faciliter l’accession à  la propriété, proposent des conditions d’obtention de crédits très strictes, et souvent hors de portée pour la plupart des Maliens, dans un pays o๠le salaire minimum (SMIG) est de 40 000 francs CFA par mois. Pour Seydou Doumbia, « les prêts bancaires sont faits pour une certaine catégorie de personnes. Seuls les riches peuvent bénéficier de prêts immobiliers, puisqu’il faut être en mesure de rembourser dans le délai imparti ! » Avec un taux de bancarisation estimé à  seulement 11 % de la population, les banques, qui proposent pourtant des offres dédiées, contribuent peu à  l’accès à  la propriété. Une situation que ce banquier justifie par le fait que les délais de remboursement sont trop courts et les revenus de la grande majorité de la population très bas. Bamako horizon 2030 Malgré ces contraintes, la capitale malienne veut regarder loin et adapter sa vision. Au début des années 2000, les documents-cadres en matière d’urbanisme ont été largement appuyés par la Banque mondiale, qui a recensé plusieurs interventions destinées à  pallier les manques de la planification urbaine au Mali. Depuis 2012, la politique de la mairie du District est axée sur le développement urbain en élaborant une vision politique de Bamako à  l’horizon 2030. En effet, le schéma directeur d’urbanisme (SDU) de Bamako et environs, datant de 1995, toujours en vigueur, est l’unique texte qui fixe les grandes orientations d’évolution de la capitale. Au niveau de la direction régionale de l’urbanisme et de l’habitat, on pense que ce schéma ne prend pas en compte les réalités actuelles. Pour ce responsable de la direction de l’urbanisme, il serait logique que la politique de la ville de Bamako soit plutôt élaborée sur la base de constructions en hauteur et non spatiale car explique-t-il, « il n’y a presque plus d’espace dans la capitale ». à€ l’heure actuelle, des experts sont en réflexion afin de proposer un nouveau schéma adapté aux réalités de chacune des villes du Mali. à€ en croire les convictions futuristes de Sébastien Philippe, architecte et cartographe, qui a conceptualisé le projet « Bamako horizon 2030 », l’objectif est de faire de la cité des trois caà¯mans, une ville carrefour o๠il fait bon vivre, et l’une des grandes mégalopoles d’Afrique de l’Ouest avec une croissance démographique en hausse et des extensions périurbaines. Selon des experts cela passe par la révision du SDU en vigueur, qui devrait prendre sérieusement en compte « l’étalement urbain » afin d’inciter à  la construction en hauteur. Alors même que le SDU ne se concrétise que partiellement sur le terrain, seul des fragments d’idées et de projets sont exécutés conformément aux documents de planification.