ÉconomieAgriculture & Élevage




Industrie agro-alimentaire : le paradoxe malien

Alors qu’il a l’ambition affichée d’être le grenier de l’Afrique de l’Ouest, le Mali peine à ajouter de la valeur…

Alors qu’il a l’ambition affichée d’être le grenier de l’Afrique de l’Ouest, le Mali peine à ajouter de la valeur à ses produits agricoles. Des facteurs de production onéreux, une concurrence féroce venue de l’étranger et une très timide volonté politique ne concourent pas à l’émergence d’agro-industries fortes et concurrentielles.

Ils sont une petite poignée à maintenir aujourd’hui leurs unités industrielles à flot, et ce « au prix de beaucoup de sacrifice », confie l’un d’eux. Les agro-industriels maliens, qu’ils soient dans la transformation de céréales, dans la confiserie ou encore les produits laitiers, ont du mal à tenir face à des produits qui viennent « des pays côtiers, qui ne paient pratiquement pas de frais de douane, quand ils en paient ! », s’insurge notre industriel sous couvert d’anonymat. Ce ne sont pourtant pas les lois qui manquent pour encadrer les importations, mais elles peinent à être appliquées quand elles ne sont pas sciemment ignorées, corruption oblige. « J’ai moi-même porté maintes fois plainte contre des gens qui font rentrer frauduleusement les produits, mais il n’en est jamais rien sorti. Que voulez-vous qu’on fasse ? », s’interroge notre interlocuteur.

Ce n’est pourtant pas le potentiel qui manque. L’Organisation patronale des industriels (OPI) a, dans son livre blanc, déterminé pas moins de 24 filières, toutes potentiellement à très fort revenu si elles sont mise en valeur. Il s’agit entre autres du riz, de la mangue, de la pomme de terre, de l’échalote, de la gomme arabique, du karité, du bétail-viande, pour ne citer que celles-la. Hormis quelques structures aux installations encore artisanales, il n’existe quasiment pas d’unités modernes capables de transformer ces matières premières, qui sont donc exportées de manière brute, avant de revenir dans les rayons des supermarchés à des prix souvent inaccessibles pour le Malien moyen. C’est là tout le paradoxe malien.

« Pourquoi les riches commerçants qui importent ces produits n’investissent-ils pas pour les fabriquer sur-place ? Au moins nous aurions du travail dans les usines », s’interroge fort judicieusement Bouba, juriste chômeur. Selon les industriels, plusieurs facteurs peuvent expliquer la tiédeur des investisseurs à se lancer dans l’agro-industrie. Ces contraintes sont communes à tout le secteur et ont pour noms : coût élevé de l’énergie, fiscalité élevée, mais aussi la fraude qui impose une concurrence « intenable » aux produits locaux. « Il faut aussi que nos industriels nous donnent envie d’acheter leur produit ! L’emballage est souvent rébarbatif, ça nous pousse vers les produits étrangers », explique pour sa part Aminata, cadre de banque. Les  défis sont donc nombreux mais les ambitions sont là. La dernière-née des grosses structures, Laham Industries, s’est investie sur la filière bétail-viande avec un abattoir moderne installé à Kayes et une unité de vente à Bamako.