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Industrie : des espoirs à la chaîne

« La relance de l’industrie au Mali ne doit pas être un vœu pieu ». Par ces mots, le président de l’Organisation…

« La relance de l’industrie au Mali ne doit pas être un vœu pieu ». Par ces mots, le président de l’Organisation patronale des industriels du Mali (OPI) et directeur général d’une des plus importantes sociétés industrielles du pays, pose la problématique de l’industrie malienne : beaucoup de déclarations d’intentions mais très peu de résultats concrets. Du moins pour l’instant. Car, les choses bougent. Après deux décennies de marasme, l’heure semble à un renouveau de l’action, tant au niveau des acteurs du secteur que des autorités en charge de ces questions. La création d’un ministère dédié y est pour beaucoup. Mais, la bataille est loin d’être gagnée et il faudra une volonté politique ambitieuse et des efforts constants pour amener l’industrie malienne à jouer le rôle qui doit être le sien dans l’économie du pays.

Amener la contribution de l’industrie malienne au PIB national des 5% actuels à 11%, qui correspondent à la moyenne dans la zone UEMOA. Un rêve utopique ? Bien sûr que non, répondent les industriels maliens qui estiment que cet objectif peut même être dépassé si les conditions sont réunies. Ces dernières sont connues. Elles font l’objet depuis 2013 d’un document émis par l’organisation professionnelle sous l’appellation de « Livre blanc ». Pour valoriser les ressources naturelles, qu’elles soient minérales ou agricoles, l’OPI Mali a 24 solutions, qu’elle a présenté dans le tome 2 du Livre blanc et qui, comme lors de la première édition, ont reçu un accueil très favorable du côté des autorités, ministère du Développement industriel en tête.

Marché commun « Quand vous mettez un boxeur de 100 kilos sur le ring avec un autre de 50kg, ce match vous parait-il équitable ? C’est exactement la même chose qu’ont fait les règles communes de l’Union économique et monétaire ouest africaine. Elles ont mis en concurrence des pays côtiers, qui disposent d’avantages évidents, avec ceux de l’Hinterland, largement défavorisés par leur positionnement. Comment voulez-vous que les industries de ces pays puissent rivaliser ? » L’explication de cet acteur du secteur illustre à souhait la situation des industriels maliens face à leurs homologues ivoiriens ou sénégalais, par exemple. Selon notre interlocuteur, le marché commun et surtout les règles qui y garantissent un accès égal à tous les produits manufacturés de la sous-région, plombent les efforts des investisseurs maliens. « Aujourd’hui, j’ai plus intérêt à faire venir des produits finis de Côte d’Ivoire et les revendre ici, que de produire sur place », s’indigne Khalil Rani, directeur général d’Afriplastic qui produit des nattes et des bouilloires dans la zone industrielle de Bamako. « Et que deviendraient alors nos 250 employés ? », s’interroge-t-il. Les quelques 800 entreprises du secteur industriel malien sont le premier employeur du pays, bien loin devant l’État. Pour sauvegarder les entreprises industrielles et leurs milliers d’emplois, mais au delà, pour relancer le secteur et redynamiser le secteur tout entier, les « solutions sont connues », serine-t-on à l’OPI. « Cela fait des années que nous avons déposé nos propositions sur la table. Le Mali s’est désindustrialisé ces quinze dernières années et la tendance à l’industrialisation est sans doute naissante ». Des nouvelles unités ont en effet vu le jour et les investissements dans le secteur vont en augmentant. Mais, l’arbre ne doit pas cacher la forêt, pourrait-on dire. Si l’industrie malienne veut atteindre les 11% régionaux, voire dépasser les 15% du Sénégal, les 19% de la Côte d’Ivoire et se hisser en tête de la zone UEMOA avec un taux d’environ 19-20%, c’est d’un traitement de choc qu’elle a besoin. Ce dernier passerait par des mesures volontaristes en faveur de l’investissement, à travers la suppression de certains impôts et taxes et la diminution d’autres comme la TVA sur les produits manufacturés locaux. Mais aussi, une réforme en profondeur des règles régionales afin de permettre aux pays de l’Hinterland de mieux produire voire exporter à armes égales sur le marché commun. « Les opérateurs économiques souhaitent ardemment l’élaboration d’un Small Business Act UEMOA » ajoute Issouf Traoré, directeur général de la Société nationale des tabacs et allumettes du Mali (SONATAM). À l’image d’autres initiatives de ce genre aux États-Unis et en Europe, il permettrait d’ « accélérer le développement du tissu économique local pour faire face aux défis de la réduction de la pauvreté et de la résorption du chômage dans la région ».

Volonté politique Celle-ci existe et a été matérialisée par la création en juillet 2016 d’un ministère en charge de l’industrie, plus précisément du « développement industriel ». Le choix sémantique est important, estime Mohamed Aly Ag Ibrahim, à la tête du département. « Il nous faut aller de l’avant, nous montrer plus dynamique et volontariste pour faire réellement de l’industrie un moteur de l’économie », explique le ministre. Un engagement salué par les professionnels qui se réjouissent d’avoir un « ministre qui est d’une grande écoute et qui a connaissance du Livre blanc et qui l’a salué. Et qui dit qu’aujourd’hui, il entend travailler main dans la main avec l’OPI pour essayer de transformer ce Livre blanc en réforme gouvernementale ». « Je sens que ça bouge, même si ça peut encore bouger plus », se réjouit le président du patronat des industries.

Mais le plaidoyer des industriels ne va pas seulement à l’endroit des dirigeants. Il s’adresse aussi aux autres opérateurs économiques maliens et aux partenaires techniques et financiers du pays. Aux premiers, il est présenté la liste des filières porteuses qui ont un fort potentiel à l’interne comme à l’export. Il s’agit essentiellement de la transformation agro-alimentaire, le Mali étant un grand producteur, grâce notamment aux efforts d’investissements faits ces dix dernières années. La grosse partie de ces productions (coton, riz, bétail, entre autres), sont exportées sans aucune plus value. Les bailleurs de fond sont quant à eux sollicités pour apporter l’expertise et les ressources pour financer de nouvelles industries maliennes. « Le mécanisme de la politique des 4P permettrait d’injecter dans le secteur des ressources productives en ce sens que les partenaires appuient aujourd’hui le Mali pour équilibrer son budget, à hauteur du tiers de celui-ci. Nous proposons de faire autant pour le secteur industriel en alliant le Public qui apporterait la terre et surtout la garantie du sérieux, le Privé qui porterait l’entreprise et les PTF pour l’assistance », peut-on lire dans le Livre Blanc.

Ce dernier sera largement présenté et discuté au cours de la célébration 2016 de la Journée de l’industrialisation de l’Afrique qui sera célébrée au Mali les 19 et 20 novembre au Parc des Expositions. Pour cette deuxième édition, les industriels maliens veulent en faire un espace où l’on peut découvrir et mieux comprendre le secteur, ses défis et ses perspectives, mais aussi les produits des unités maliennes. Un espace sera également dédié à des démonstrations sur le processus de l’industrialisation au Mali, explique Mme Benbaba  Jamila Ferdjani, présidente de la commission d’organisation.