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Intervention militaire au Mali : « l’Onu redoute un éventuel échec », selon un universitaire

Ouestafnews- Aujourd'hui l'idée de l'intervention militaire étrangère au Nord mali fait l'objet d'un consensus au sein de la Cedeao, quelles…

Ouestafnews- Aujourd’hui l’idée de l’intervention militaire étrangère au Nord mali fait l’objet d’un consensus au sein de la Cedeao, quelles pourraient être les dangers d’une telle entreprise ? Bakary Sambe – Il y a quelques semaines, le Secrétaire Général de l’ONU Ban Ki-Moon avertissait déjà  en ouvrant la réunion de haut niveau sur le Sahel en marge de l’Assemblée Générale des Nations-Unies que « toute solution militaire pourrait avoir de graves conséquences humanitaire ». Mais la Cedeao et le Gouvernement malien se sont, toutefois, accordés sur les grandes lignes d’une intervention au Nord du Mali, dont les troupes seraient ouest-africaines mais bénéficieraient d’un soutien logistique d’autres pays. On parle d’une force de 3.000 soldats de la Cedeao « n’incluant pas d’étrangers » qu’il faudrait déployer, un noyau de cette force s’entraà®ne déjà  non loin de Dakar, depuis quelques semaines. Il y a, quand même, quelques éléments de consensus international pour légitimer une intervention armée : les germes d’une guerre civile, de graves violations des droits de l’homme voire des crimes de guerre (des amputations, des exécutions sommaires et des lapidations à  mort), des forces islamistes ont finalement chassé les Touaregs du MNLA des villes de Tombouctou, Gao et Kidal. Elles ont instauré, à  leur manière, ce qu’elles appellent « charia » et détruit un nombre de mausolées de saints musulmans. Néanmoins, il y a des réserves légitimes à  l’intervention. Certains font valoir que si la Cedeao est une force sur le papier, elle n’a pas assez de troupes à  fournir, ni même la volonté de participer, pour des pays comme la Mauritanie ou le Sénégal dont la position a beaucoup évolué. Il y a aussi un autre fait non négligeable : le Gouvernement malien actuel ne contrôle pas une grande part du Mali, ni n’est en mesure de le faire. Le Nord-Mali, qui couvre une région aussi vaste que la France, est contrôlé par trois différents groupes radicaux islamiques : Ansar Dine , le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et Al-Qaà¯da au Maghreb islamique (Aqmi). Aqmi se finance au moyen de prise d’otages occidentaux et est soupçonné de recevoir un appui financier de certains pays arabes. Les dirigeants de l’armée malienne semblent aussi avoir perdu le contrôle de leurs forces armées. Pour illustrer ce fait : l’assassinat par balle par des soldats insurgés de seize prédicateurs islamistes à  15 kilomètres de Diaboli, en défiant l’ordre donné, indique que les structures de commandement sont en train de se désagréger. Ouestafnews- Que vous inspirent les hésitations de l’Onu concernant ce projet? B.S – Les hésitations de l’Onu cachent à  mon avis la crainte d’un éventuel échec, l’extension et l’enlisement du conflit dans la sous-région. C’’est-à -dire que la communauté internationale veut se donner toutes les garanties de réussite d’une telle opération avant de s’y engager. C’’est le même état d’esprit qui sous-tend les positions américaines sur la question. Les déclarations prêtées, depuis Alger, au général Carter Ham, chef du chef du commandement américain pour l’Afrique (Africom) ont dû surprendre nombre de diplomates, Carter Ham semblait insister sur position américaine privilégiant « une solution diplomatique et politique à  la crise malienne ». Il semblerait que Washington opte pour une maà®trise de tous les enjeux avant un positionnement définitif ; ce qui expliquerait ses récentes investigations menées sur les différents acteurs (MNLA, Mujao, Ansar Dine) afin de mesurer les divers degrés d’implication mais aussi le rapport de force devant déterminer sa stratégie. On peut se demander si ces déclarations expriment, réellement, un positionnement définitif ou cachent une certaine précaution motivée par la hantise d’un échec au cas o๠deux acteurs majeurs de cette crise ne s’engageaient pas dans une éventuelle intervention : la Mauritanie et surtout l’Algérie qui n’est pas en faveur de l’option militaire. Carter Ham, renforcé par Carlson, a été catégorique aussi bien à  Alger qu’à  Rabat : «Aucune intervention militaire n’est envisageable dans cette région ni dans le nord du Mali», ajoutant que « le déploiement de forces militaires ne fera que compliquer la situation en ce moment ». Inspirant pour les « colombes » onusiennes ? Ouestafnews- Justement, peut-on véritablement venir à  bout de ces groupes armés sans une implication active de pays frontaliers que sont l’Algérie et la Mauritanie? B.S – Les positions algériennes et mauritaniennes sont paradoxales comme l’était celle du Sénégal il y a quelques jours. On sait qu’Aqmi est un phénomène algérien. Tous les chefs de Katiba (Abû Zayd, Mokhtar Bel Mokhtar etc.) sont des algériens. La Mauritanie a du mal à  contrôler sa vaste frontière avec le Mali et son territoire est une zone de repli stratégique. Craint-elle peut-être une extension du conflit et ses éventuelles répercussions sur sa sécurité intérieure ? Mais, pour les convaincre d’une coopération ne serait-ce que minimaliste, la solution pourrait être américaine. Carter Ham était à  Alger il y à  peine quelques jours. l’énorme influence dont jouissent actuellement les Etats-Unis, notamment au Maghreb, pourrait, peut-être, aider à  résoudre l’équation algérienne si pesante sur l’issue du conflit, l’Algérie étant le seul pays pouvant aider à  déloger les éléments d’Aqmi du Nord Mali, comme elle avait, du reste, pendant des années, empêché Khadhafi de s’y installer. Hélas, pour l’heure, l’Algérie n’y a aucun intérêt immédiat et semble bien confortable dans sa posture actuelle d’un pays qui s’est débarrassé du djihadisme à  l’intérieur de ses frontières. De plus Alger a envie de tout sauf de s’encombrer d’un nouveau front touareg ou berbère. Mais, les USA qui hésitent encore devraient travailler sur plusieurs hypothèses y compris celle qui verrait réussir une intervention militaire de la Cedeao. La France est plus décidée pour les raisons que l’on sait : intérêt stratégiques et économiques importants et des otages encore entre les mains d’Aqmi. Malgré la diversité des positions et des intentions, tout le monde en est conscient : quelle que soit l’issue de cette crise, aucune puissance ne pourra se permettre une auto-exclusion du processus de reconstruction et, surtout, d’un indispensable et ambitieux plan de l’ONU comprenant un pan économique important pour pacifier, à  long terme, la région du Sahel.