C’est peu dire que le coronavirus a ébranlé le monde et bouleversé les habitudes. Souvent aussi dures que les conséquences de la maladie, les mesures destinées à s’en protéger frappent durement les plus faibles. C’est ce qu’a découvert le photographe Moussa John Kalapo, invité pour une double résidence en France début 2020, à Nîmes, par la Galerie Negpos.
Obligé de prolonger son séjour en France en confinement, il est interpellé par le sort de ceux qui vivent dans la rue, condamnés à être confinés comme tout le monde.
Comment être confiné quand on vit dans la rue ? C’est l’intrigante question que se pose le photographe. Il se lance dans une nouvelle aventure, aller à la rencontre de ces « Oubliés du Confinement ». Ne pouvant plus faire le travail pour lequel il était en résidence, il décide de se « réinventer ». Attiré par un SDF qui lui demande quelques pièces, dans une contexte presque de psychose où plus personne ne pense à ces gens, il se sent interpellé. Comment demander quelque chose quand « les rues sont vides » ?
Son constat est que les mesures prises par les autorités ont omis les sans abris. L’artiste décide donc de raconter leur histoire et commence à les côtoyer malgré les difficultés, car il est censé être en confinement. Ce qui l’oblige à élire domicile avec eux, pour « passer inaperçu », mieux les connaître et gagner leur confiance pour faire un documentaire.
Histoires humaines
Il y arrive après un mois de travail et des kilomètres à pieds. Au final, une cinquantaine de photographies racontent des histoires bouleversantes, « qui font mal » parfois, ajoute le photographe. Les « liens tissés » permettent à l’artiste de mettre en lumière ces histoires humaines et cette « misère » qui nous éloigne tellement de nous-mêmes. Les visages, quoique marqués par les épreuves, affichent quelquefois un sourire et même la « joie ».
En partageant ces histoires et « en donnant un peu d’espoir », l’artiste veut aussi sensibiliser. À ceux qui sont tentés par l’émigration et pensent que l’Eldorado est « en France », il montre que la misère existe partout et a plusieurs visages.
En attendant les Rencontres de Bamako, qu’il prépare, le comptable passionné de photo sillonne le monde depuis une dizaine d’années qu’il exerce. Même s’il a des projets de résidence, mis en berne parce qu’il redoute un nouveau confinement, il poursuit ses expositions en Afrique, au Mali, au Congo et au Burkina Faso.
Fatoumata Maguiraga