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Kadhafi : Dans le nord du Mali, le coeur balance entre le bon et la brute

Pour d'autres dont des Africains récemment rentrés de Libye, C'’est un «méchant», un «dictateur» à  chasser du pouvoir. A Gao,…

Pour d’autres dont des Africains récemment rentrés de Libye, C’’est un «méchant», un «dictateur» à  chasser du pouvoir. A Gao, à  plus de 1.200 km au nord de Bamako, comme dans plusieurs localités du nord du Mali, la situation en Libye passionne. On suit sur les télévisions et radios internationales «la guerre en direct», selon le mot d’un habitant, en référence aux frappes de la coalition internationale visant des objectifs militaires libyens. «Kadhafi ne mérite pas les bombes, C’’est un panafricaniste», estime Ina, un jeune enseignant, assis sous un arbre à  l’abri de la canicule. «Moi, je ne vois pas pourquoi on peut bombarder comme ça un pays. C’’est la loi du plus fort. La France, les Etats-Unis vont payer ça cher. Je soutiens Kadhafi à  mort. Kadhafi aime les Africains», clame Thierno Maà¯ga, gérant de cybercafé. Un fonctionnaire au service des impôts de Gao le trouve «généreux», avançant: «il partage ses revenus pétroliers avec les pauvres d’Afrique». Pour Edmond Sassé, Malien d’origine togolaise, il fait «la fierté de l’Afrique». D’autres trouvent qu’il est aussi fier du continent, à  le voir arborer souvent à  la poitrine un pin’s représentant l’Afrique. Dans le quartier Château d’eau de Gao o๠s’entassent des Maliens ayant vécu en Libye, C’’est un autre son de cloche. Entre samedi et dimanche, plus de 400 Africains -des Maliens, pour leur écrasante majorité- sont arrivés dans la ville par la route, via l’Algérie, après avoir fui la Libye en proie depuis mi-février à  une insurrection populaire. Cela portait leur nombre à  un millier en moins de dix jours et les autorités maliennes s’attendent à  d’autres afflux. Kadhafi? «Ce n’est pas un homme bien. Il parle beaucoup pour rien», affirme Simon Dounté, relevant que le dirigeant libyen ne fait rien pour mettre fin à  l’exploitation et aux mauvais traitements subis par les émigrés africains dans son pays. Selon un autre Malien arrivé de Libye s’exprimant anonymement, les Subsahariens y sont traités de «sales Noirs» ou «sales moustiques». «Je travaillais dans une ferme non loin de Tripoli. Quand tu fais six mois sans être payé, quand tu demandes ton argent, on t’amène au commissariat», poursuit-il. «Moi, je travaillais pour un riche Libyen qui a des bateaux», témoigne Abéota, un Ghanéen, fringant trentenaire qui parvenait à  s’en sortir jusqu’à  l’éclatement de la révolte, ce qui n’était pas le cas «d’autres Africains, surtout ceux qui ne parlent pas anglais», raconte-t-il. Et d’ajouter: «Kadhafi n’a pas construit un Etat, il a construit un système. Le système le dépasse aujourd’hui. Il ne partira que dans le sang. Ce n’est pas un président. C’’est un roi» et il est «mégalomane». «Kadhafi doit partir. C’’est un dictateur. Son peuple a besoin de démocratie», lâche Anankia, originaire de Ségou (centre du Mali), qui envisage de retourner en Libye «si un président démocratique» succède à  Kadhafi. Anankia en a gros sur le coeur. Après cinq ans en Libye et plusieurs boulots sans salaire fixe, il a ramené au Mali 280.000 FCFA (427 euros) pour toute économie. Ses différents patrons lui doivent «3 millions de FCFA» (plus de 4.500 euros) et il leur souhaite un «châtiment divin».