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Kidal : calme relatif et négociations au point mort

Un calme précaire règne sur Kidal alors que les négociations ont repris entre les chefs de la Plateforme et de…

Un calme précaire règne sur Kidal alors que les négociations ont repris entre les chefs de la Plateforme et de la CMA pour tenter d’établir un cessez-le-feu et une paix durable entre les deux groupes armés, touaregs, lancés dans une guerre fratricide.

Les négociations pour une sortie de crise entre la Plateforme et la CMA avaient été stoppés net lors du second affrontement entre les deux groupes armés à Tassik, samedi dernier. Pour l’heure, elles ont repris pour tenter de réinstaurer un dialogue entre les deux camps. Le général Gamou est toujours à Bamako mais aucun terrain d’entente n’a pu être trouvé. La CMA a estimé hier que la situation sur le terrain, qui s’est soldée, au cours des deux affrontements, par des dizaines de morts, dont deux proches de Bilal Ag Achérif, le chef du MNLA, a « dépassé les petits arrangements locaux » et que la résolution de cette crise doit désormais être traitée par les mécanismes prévus à cet effet dans l’Accord de paix et de réconciliation d’Alger. De son côté, la Plateforme reste sur sa position et ne voit comme issue à la guerre qui l’oppose à la CMA, qu’une gestion partagée de la ville de Kidal, dont la population et les principaux représentants politiques sont issus de la tribu Imghad.

À Kidal, si le calme est revenu depuis le second affrontement entre groupes armés, la raison en incombe aux forces de la CMA positionnées en majeure partie à quelques kilomètres de la ville, pour prévenir toute tentative d’approche des colonnes de la Plateforme, à la force Barkhane qui a augmenté ces patrouilles dans la zone et qui survole fréquemment avec ses hélicoptères et ses avions l’espace aérien de la ville. La Minusma aurait de plus mis en place un « dispositif sécuritaire » aux principales entrées de Kidal et effectue des patrouilles pour prévenir toute reprise des hostilités. « On entend que la Minusma sécurise les alentours de la ville, mais je ne sais pas, nous ne sortons pas beaucoup, on va au marché puis on rentre se terrer chez nous, il y a des véhicules de la Minusma qui vont vers le côté où il y a le Gatia, mais on dirait que c’est plus une ligne rouge à ne pas franchir qui a été indiqué par la Minusma au GATIA, explique cet habitant joint au téléphone.

La vie a repris malgré tout dans un climat mêlant fatalisme et incertitude quant aux jours à venir. « En ville, quand ils sortent, le gens ne s’attardent pas, l’ambiance est un peu spéciale car beaucoup de gens pro-Gatia ou Imghad ont quitté la ville. Depuis quelques jours, les chefs de la CMA ont fait passer à la radio des messages pour appeler la population à ne pas déserter Kidal », indique ce commerçant sous anonymat. Cependant, des arrestations de civils soupçonnés de complicités avec le GATIA ont rendu le climat délétère pour les partisans de la Plateforme ou pour ceux, ni-Gatia, ni-CMA, qui craignent l’instabilité dans la zone et veulent rejoindre la ville de Gao, jugée plus sûre.

Les drapeaux du MNLA et du HCUA flottent, en ville, les couleurs et les noms de ces mouvements ainsi que le terme « Azawad » s’affichent sur les graffitis un peu partout sur les murs. L’appartenance à ces groupes armés, mise en avant, semble dominer par rapport au conflit ancien entre touarègues de la tribu Ifoghas et Imghad qui bien qu’important, doit être relativisée. « Il y a beaucoup d’Imghad au sein du HCUA et de la CMA. C’est ce qui fait la force des Ifoghas, ils sont une minorité comparée au Imghad mais ils arrivent à dominer, à faire en sorte que les autres s’allient à eux », explique cette source. Le général Gamou qui revendique un partage équitable de la ville, comme entériné par les accords d’Anéfis et la déclaration de Niamey, n’est pas originaire de la région de Kidal, mais du cercle de Ménaka dans la région de Gao, où les Imghad dominent. « La CMA utilise cet argument pour dire que c’est Gamou, qui vient de loin, qui monte les uns contre les autres, il veut diriger alors que les Imghads et les Ifoghas sont de Kidal ou de sa région, et qu’ils ont grandi ensemble. Ils ont avec eux l’argent et le pouvoir, ça aide beaucoup à convaincre », ajoute cette même source. Ils y auraient des centaines d’Imghads au MNLA et au HCUA. « Il y a même des officiers supérieurs et des colonels. Lorque la situation devient intense dans les rapports entre ces deux clans et que le doute peut faire hésiter les combattants Imghads, ils sont toujours arrivés à les canaliser, à leur dire que ce n’est pas une guerre tribale mais plus une guerre entre mouvements. Le rapport entre nobles (Ifoghas) à vassaux (Imghad) intervient faiblement dans cet état de fait », conclut-il.

Sur place, en ce début de week-end, on craint que le bruit des armes trouble à nouveau la tranquillité du désert, dans des combats dont personne ne peut dire formellement quelle sera la finalité.