Quand Kidal se négocie à Niamey et à … Bamako

Les divergences entre les deux mouvements majeurs de la ville de Kidal, le GATIA et le HCUA, sont au menu…

Les divergences entre les deux mouvements majeurs de la ville de Kidal, le GATIA et le HCUA, sont au menu de la réunion de médiation qui se tient à Niamey, pour tenter d’apaiser les tensions. Mais cette tentative de médiation peut-elle réussir, alors qu’une guerre d’influence se joue à Bamako ?

À Kidal, la tension vive entre GATIA, majoritairement composé de la tribu Imghad, et membre de la Plateforme, et le HCUA composé d’Ifoghas, l’un des 3 acteurs de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), peut s’apprécier au nombre de combattants lourdement armés positionnés en ville. La non-concrétisation de l’accord d’Anéfis, spécifiant que « les deux communautés s’accordent sur la gestion concertée et inclusive des problèmes politiques sur la base du partage équitable des pouvoirs », semble être l’élément qui a mis le feu aux poudres. «  Des accords on en a signé, mais sur le terrain les choses sont souvent très différentes », déclare ce cadre de la Plateforme.

Points de discorde Les relations de « bon voisinage » et de « fraternité », prônée par l’accord, sont maintenant révolues entre les deux mouvements et leurs signataires : le général El hadj Gamou pour le GATIA, en froid avec les autorités de Bamako, et Alghabass Ag  Intallah pour la CMA, actuellement dans les bonnes grâces du gouvernement. Les points de discorde entre eux sont nombreux : partage équitable du pouvoir entre les commissions qui gèrent la vie socio-économique de la ville, mainmise de la CMA sur les check-points stratégiques, nomination d’un gouverneur à Kidal notoirement très proche du HCUA et enfin, le poste de président du conseil régional, dans le viseur des deux mouvements. « Gamou n’était même pas disposé à rencontrer les chefs de la CMA. Il estimait qu’ils ont trahi sa confiance, puis il a accepté à condition que Mahamadou Diagouraga, Haut représentant du président de la République pour la mise en œuvre de l’accord, soit présent pour garantir les décisions qui seront prises. La CMA, de son côté, voulait rencontrer les chefs de la Plateforme et Gamou en tête à tête sans d’autres parties. Les faire venir à Niamey n’a pas été aisé », explique un officiel proche du dossier.

 Le puissant lobby du HCUA Dans cet optique, c’est en coulisses à Bamako, que depuis des semaines, des jeux d’influence ont lieu, pilotés par le HCUA, dont le lobbying est considérable dans la capitale, s’appuyant sur des députés de l’Assemblée nationale, le ministre de le Réforme de l’État, Mohamed Ag Erlaf, jusqu’aux milieux intellectuels touareg. « Ils ont le bras plus long à Bamako que le GATIA et les forces pro-gouvernementales. Ça va jusqu’aux plus hautes sphères du pouvoir », révèle une source bien informée. « Les lobbyistes du HCUA ont mené beaucoup de tractations pour essayer d’écarter Gamou, puis le GATIA, ce qui a considérablement renforcé les tensions », ajoute cette même source. Pour y parvenir, ils ont pu convaincre Bilal Ag Chérif, chef du MNLA (CMA), de faire le déplacement à Bamako pour l’anniversaire de l’Accord, et la récompense aurait été l’aval du gouvernement pour écarter le GATIA. « Il y a eu des deals secrets car ils veulent s’assurer la gestion totale de la ville, tous les pouvoirs. Le HCUA connait beaucoup d’hommes politiques. Ces derniers ont d’autres calculs, un autre agenda », indique ce proche des mouvements. « Il y a aussi le fait qu’une partie du gouvernement est très loin de la réalité d’ici », indique pour sa part un sympathisant de la Plateforme.

À Kidal, la population est très préoccupée par l’imminence d’un affrontement et espère que la réunion de Niamey pourra régler la situation. Là-bas, ces jeux de pouvoirs fatiguent. « Pour la présidence du conseil régional, ils n’ont qu’à organiser des élections ! », lâche excédé cet habitant, joint par téléphone ce mardi. Comme pour lui répondre, retentissent dans la ville des tirs d’armes lourdes devenus récurrents ces dernières semaines.