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L’art Dogon à l’honneur au Quai Branly

Depuis les expéditions ethnographiques françaises du début du XXe siècle, l'art dogon n'a cessé de fasciner l'Occident. L'exposition parcourt l'histoire…

Depuis les expéditions ethnographiques françaises du début du XXe siècle, l’art dogon n’a cessé de fasciner l’Occident. L’exposition parcourt l’histoire du peuplement du pays dogon, territoire du centre-est du Mali bordé par la falaise de Bandiagara. A l’entrée de la Galerie Jardin du musée, une carte retrace ces vagues de migrations successives qui ont fait naà®tre un art sculptural aussi riche que multiple. Cette richesse éclate dès la première salle de l’exposition: 133 sculptures y sont réparties selon les peuples qui les ont forgées. A l’appui de la cartographie, un fléchage au sol permet de situer les pré-Dogon (Tombo, Niongom, Tellem), déjà  présents sur le plateau de Bandiagara au Xe siècle, les Dogon-Mandé venus du sud-ouest et les Djennenké arrivés de l’empire du Ghana, au nord-ouest, pour fuir l’islamisation. Puis viennent les pièces N’duleri, Tintam, Bombou-Toro, Kambari et Komakan. « Dans cette première salle se trouve la moitié de ce qui existe au monde en matière de chefs-d’oeuvre sculpturaux dogon », explique Stéphane Martin, le président du Musée du Quai Branly. « C’est l’exposition que tout commissaire rêve de faire », renchérit Hélène Joubert, responsable des collections africaines du musée. Pour la première fois, poursuit-elle, « ces pièces sont réunies par ensembles, et tout devient cohérent: on voit clairement l’évolution iconographique et la régionalisation des styles ». Parfois, aussi, « on sent le même sculpteur derrière certaines œuvres, et c’est très émouvant ». La plupart de ces sculptures sont datées entre le Xe et le XIXe siècle. Au style réaliste djennenké, illustré par cette figure hermaphrodite au bras levé qui clôt majestueusement l’exposition, succède au XVIe siècle l’élégance N’duleri. L’assimilation, dès le XVe siècle, des styles tellem et niongom donnera naissance au premier style vraiment dogon, celui des Mandé. D’une grande diversité stylistique, ces œuvres présentent aussi des caractéristiques communes: bras levés, hermaphrodisme, gémellité, zoomorphisme… Autant de rappels au mythe de la création dogon, qui veut qu’Amma, dieu créateur du monde, ait eu deux jumeaux. L’un d’eux, rebelle, sera changé en renard, l’autre se transformera en cheval. Au travers de ses œuvres, la civilisation dogon livre les secrets de sa cosmogonie. Mais percer ces mystères prend du temps, souligne la commissaire Hélène Leloup: »Pour comprendre la statuaire dogon, il faut aller sur place, parler aux gens. J’ai ainsi appris qu’un bras levé signifiait un appel au dieu et qu’une main fermée était un remerciement pour un don ». La deuxième partie de l’exposition revient sur la fascination des anthropologues français pour les Dogon. Dès 1904, Louis Desplagnes rapporte du village de Songo des peintures rupestres aujourd’hui exposées Quai Branly. Dans les années 1930, Marcel Griaule conduit la mission Dakar-Djibouti. Sa présentation de la cérémonie des masques à  l’exposition coloniale de 1931 connaà®tra un grand succès. Plusieurs masques de cette collection sont mis en scène. Souvent zoomorphes, ils représentent tantôt un singe, tantôt un oiseau, tantôt un cervidé. Des hommes les portaient à  l’occasion de cérémonies initiatiques, comme celle du « dama » (levée de deuil), dont un film de Jean Rouch et Germaine Dieterlen décrit le déroulement. La dernière section de « Dogon » présente 140 objets à  la fois quotidiens et sacrés (tabourets, portes de grenier, outils en fer et bronze, bijoux en forme de serpent), témoignant de l’inclination des sculpteurs à  évoquer le mythe originel dans leur travail. L’exposition se referme sur un « uldebe », linceul d’influence musulmane, et l’idée qu’en quelques décennie, l’islamisation du plateau de Bandiagara et l’augmentation des contacts avec l’Occident ont profondément transformé le mode de vie des Dogon. Après Paris, l’exposition se rendra à  Bonn, puis Milan. Verra-t-on un jour pareille rétrospective au Mali, et pourquoi pas au musée de Bandiagara qui se construit? Peu de chances, convient Hélène Leloup. « Depuis 50 ans, les populations se sont converties à  l’islam et il n’y a plus de pièces sur place… Il faudrait qu’un grand nombre de collectionneurs acceptent de prêter leurs objets ».