L’autre facette de la jacinthe

Wilfried Nwafor est dans son atelier à  Osu dans le quartier des affaires d'Accra, la capitale ghanéenne. Il y vend…

Wilfried Nwafor est dans son atelier à  Osu dans le quartier des affaires d’Accra, la capitale ghanéenne. Il y vend des articles de récupération et de la vannerie. Veilleuses, meubles, attirent l’attention et l’artiste est satisfait de son effet. Il nous apprend que ce sont des pièces réalisées avec de la jacinthe d’eau ! Plus exactement de la racine de jacinthe d’eau, séchée, effilée et tissée. Alors que chez nous, on ne sait qu’en faire, à  part quelques tentatives pour en fabriquer du compost, je découvre que la jacinthe d’eau peut servie à  faire de jolies choses et rapporter de l’argent. Petit rappel Qu’est-ce que C’’est que la jacinthe d’eau ? Cette plante ornementale dont une rumeur attribue l’introduction au Mali à  un expatrier camerounais dans les années 90 s’appelle eichornia crassipes, de son nom savant. Elle est un signe de la pollution des eaux. Il s’agit d’une espèce exotique envahissante qui pose aujourd’hui d’énormes problèmes environnementaux. Selon le ministère de l’environnement et de l’assainissement du Mali, il existe dans le pays, plusieurs espèces de plantes aquatiques nuisibles. Il s’agit de la laitue d’eau (Pistia stratiotes L.), la massette (Typha australis), la fougère d’eau (Salvinia molesta), et d’autres plantes submergées telles Ceratophyllum demersum ou Moriophyllum sp, Echinochloa stagnina, Mimosa pigra, dont la prolifération entravent la pêche, la navigation, le bon fonctionnement des aménagements hydro-agricoles et hydroélectriques. Elles constituent un milieu préférentiel de multiplication des vecteurs des maladies hydriques comme le paludisme. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé de les éliminer. Arrachage manuel par de pêcheurs, puis mécanique avec une machine venue en 2009 de la Mauritanie, rien n’y a fait. Le gros problème est surtout le recyclage des plants arrachés. Il faut souligner que la jacinthe, C’’est un petit bulbe, des feuilles grasses et une jolie fleur violacée, en hauteur. Mais sous l’eau, C’’est une véritable forêt de racines entrelacées(jusqu’à  trois mètres de profondeur !) qui rendent très difficiles les opérations d’enlèvement. Cela constitue ensuite une énorme masse de déchets dont il faut se débarrasser. Qu’en faire alors ? Les usages possibles pour la tueuse des eaux On a utilisé, dans certains pays développés ou en Asie l’eichhornia crassipes pour sa capacité à  extraire certains éléments nutritifs et métaux lourds des boues, dans des bassins de décantation de traitement des eaux usées. Au Kenya, la jacinthe d’eau a été utilisée expérimentalement comme engrais organique, mais il y a quelques controverses comme les effets sur les sols dû au pH très alcalin (valeur > 9). L’utilisation de la fleur a aussi été expérimentée en alimentation animale. l’usage de la jacinthe d’eau comme matière première pour la confection de meubles et d’objets d’art de qualité vient de l’Asie. En Birmanie, Thaà¯lande et au Vietnam, la plante est largement récoltée. Ses racines, bouillies et séchées, sont assemblées en cordelettes puis tressées autour d’une armature en bambou. C’’est ce même procédé qu’utilise Wilfried pour fabriquer ses produits. Aujourd’hui, il vit de ce métier après des années de chômage, diplôme en poche. Cet artisanat a un double avantage, il permet un ralentissement visible de l’invasion de la plante et dynamise sensiblement l’activité économique locale. Comme l’ont montré, selon le PNUD, plusieurs projets d’exploitation de cette ressource dans des localités au Niger, par exemple. Une activité qui mérite donc l’intérêt des pouvoir public mais aussi et surtout des jeunes qui pourraient y trouver une source de revenus conséquente.Gagner de l’argent en protégeant la nature, une piste qui mérite d’être creusée.