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La difficile équation de la couverture d’un Processus de Paix

Non, il ne s'agit pas d'un atelier de plus sur la paix et la réconciliation, mais d'une rencontre d'un autre…

Non, il ne s’agit pas d’un atelier de plus sur la paix et la réconciliation, mais d’une rencontre d’un autre genre. Celle de réunir la grande famille des médias maliens pour faire le point sur la couverture d’un processus de paix, en l’occurrence, celui inter-malien, qui se déroule dans un contexte de grande fragilité sécuritaire au Nord du Mali. Organisé par la Misahel(la mission de l’Union africaine au Sahel) et l’Organisation internationale de la francophonie(OIF), cet atelier de trois jours(du 5 au 7 novembre) sur le thème Médias et Processus de Paix, est une sorte d’arbre à  palabres instructif qui va décortiquer les idées reçues, poser les bases nouvelles d’une bonne couverture du processus de paix. Entre deux rounds de négociations à  Alger, il fallait réunir les hommes de médias et faire le bilan mais aussi l’autocritique. Pour le Dr Issiaka Souaré, conseiller spécial du chef de la Misahel , trois équations se posent aux journalistes maliens et africains par extension : d’abord, la qualité de l’info relayée, autrement dit la vérification des sources, cela relève de la déontologique de base du métier. Deuxième enjeu, le choix des mots, de la sémantique utlisée pour décrire un conflit ou une phase de pourparlers. Des termes comme « rebellion touarègue » ont mis toute une communauté dans le même sac. Des utilisations abusives du mot « djihadiste », crée la confusion dans les esprit. N’oublions l’amalgame constant entre « islamisme » et « terrorisme », bref autant de pièges dans lequel tombent en permanence les journalistes, sous la plume ou devant le micro. Enfin, précise Souaré, il convient aux journalistes d’interroger leur responsabilité personnelle sur le sens de la réconciliation et de la paix. Un enjeu pour chaque malien aujourd’hui, fut’il du Nord ou du Sud, de l’est ou de l’ouest et même d’ailleurs. De son côté, souligne Tidiane Dioh, responsable des Médias à  l’OIF, il y a clairement un problème de vocabulaire. Allant plus loin, Tidiane Dioh, qui est un ancien journaliste de l’hebdomadaire Jeune Afrique se demande s’il n’y a pas une crise du « vocabulaire » chez les médias de façon générale pour couvrir une crise ou un processus de normalisation. Pour y répondre, des voix se sont levées. Mais avant, le ministre de la communication, Mahamadou Camara, qui a ouvert l’atelier ce mercredi 5 novembre, rappelle le chemin parcouru par le Mali. Face à  ceux qu’il qualifie de grande famille des médias, il rappelle les accords passés après le coup d’Etat du 22 Mars 2012, ceux de Ouagadougou, les différentes phases du processus de paix, les élections de sortie de crise, les évènements malheureux de Kidal en Mai 2014, mais aussi les derniers rounds de pourparlers à  Alger qui devraient mener le Mali à  un accord durable de paix avec les groupes armés rebelles du Nord du Mali. A l’entendre, la dynamique est là , à  condition que les médias y mettent leur grain de sel, en toute déontologie et équité professionnelle. Débats vifs sur la couverture adéquate d’un processus de paix Il n’existe pas de formule magique, si ce n’est la volonté même du journaliste d’aller chercher l’information dans toutes ses facettes. Evidemment, l’accès à  information, aux interlocuteurs de poids pose problème et marginalise cette presse malienne, supplantée par la presse étrangère, qui opère une meilleur couverture de nos actualités brûlantes. A qui la faute ? Les explications divergent : problème de moyens, de motivation dans la recherche, de curiosité etc.. Pour Cheikh Diouara, qui a couvert le Nord, au moment fort de la crise, rien ne vaut la détermination. Les images de ce reporter de guerre ont fait le tour du monde, au moment notamment de la prise de Gao ou de la libération d’une otage suisse en plein désert kidalois. Du reste, précise Adam Thiam, éditorialiste au Républicain, si les médias internationaux ont fait une couverture plus large et plus vaste du conflit malien, c’est parce que certains sujets ayant trait, à  la rébellion, au narcotrafic ont plus d’attrait que d’autres. Il reste que les médias maliens doivent se distinguer. Faute d’accès aux interlocuteurs ou à  l’information que veut bien distiller le gouvernement à  coups de communiqués succincts, il leur reste cette question cruciale de l’indépendance éditoriale, celle qui évidemment passe par une indépendance financière mais aussi, par des ressources humaines de qualité pour faire la différence dans le traitement de l’info. « Qu’on l’admette ou pas, il faut féliciter la presse étrangère pour la couverture du conflit ou du processus inter-malien », estime Chahana Takiou du journal 22 septembre, qui déplore la faiblesse des moyens et sans lesquels, tous nous voyons obligés de reprendre les grandes agences de presse françaises ou même chinoises, telles Xinhua qui a près de 7000 correspondants dans le monde aujourd’hui. En outre, Chahana Takiou s’insurge contre les tabous dans le vocabulaire, « car n’ayons pas peur de le dire, martèle t’il, le conflit au nord du Mali, est bien « ethnique, communautaire, régionaliste », des termes qui iront certainement à  l’encontre du message de paix et de réconciliation prôné par les autorités dans les pourparlers de paix en cours. L’arbre à  palabre continue ses discussions pendant trois jours, animé par de grands experts comme Eugeny Aw, ancienne directrice du Cesti de Dakar, Zeini Moulaye, de l’équipe des négociateurs maliens à  Alger, Hamadoun Touré, ancien ministre de la communication du Mali, Dr Anasser Ag Rhissa, expert NTIC etc.. Et pour finir cet atelier en beauté, pas comme les autres, les journalistes auront droit à  une session de consolidation d’équipe, ou comment peindre, conter et photographier la Paix avec des couleurs… Rien que ça !