Le coût d’une « identité » !

« Tout se monnaye dans ce pays, absolument tout et C'’est paradoxal au moment o๠le Premier ministre crie sur…

« Tout se monnaye dans ce pays, absolument tout et C’’est paradoxal au moment o๠le Premier ministre crie sur tous les toits que la corruption est fortement combattue au Mali ». Ces paroles sont de Alidji, jeune malien chômeur qui rêve d’une vie meilleure d’o๠sa décision de monter un dossier pour tenter une aventure en Europe. « Je me rends au commissariat de mon quartier dès cinq heures trente du matin pour faire le rang et déposer mes photos et mon extrait de naissance dans l’espoir d’avoir ma pièce d’identité nationale. J’ai déposé trois fois et à  trois reprises, les dossiers ont été rejetés. On me parle d’authentification et de dossiers incomplets, J’avais du mal à  comprendre mais à  l’arrivée un agent m’a expliqué qu’il fallait verser au moins trois mille francs » explique Alidji qui n’en revient pas. « Trois mille francs pour avoir un document administratif auquel J’ai entièrement droit, C’’est inimaginable » rue dans les brancards ce candidat à  l’émigration. Loin d’être un cas isolé, l’affaire des pièces d’identité prend de l’ampleur. Madame Kourékama, fonctionnaire, n’y va pas par quatre chemins « pour les pièces d’identité de mes enfants, je les accompagne moi-même à  la police, je paye 5000 francs et l’espace d’une matinée, le sésame est disponible. Le pays marche ainsi, les autorités ont beau dire mais sur le terrain seuls les relations et les billets de banque marchent ». Dans les commissariats des troisième, cinquième, neuvième et premier arrondissements, C’’est la loi de l’omerta. Personne ne se prononce sur le sujet et toute insistance est assimilée à  une injure « à  ce corps d’élite indispensable à  la quiétude des honnêtes gens » pour reprendre un commissaire adjoint qui nous a reçu entre un coup de fil et un verre de thé. Approché, un inspecteur de police dégage en touche « les officiers refusent de se prononcer puisqu’ils ignorent ces petites choses. Les commissaires se contentent de signer les pièces d’identité qui sont préparées par des subalternes selon des critères édictés mais il se trouve que certains citoyens pressés préfèrent mettre la main à  la poche pour accélérer les procédures et gentiment des agents empochent les sommes proposées. A la longue, le pourboire sera institutionnalisé et cela a même commencé sinon la police n’exige aucune contrepartie financière pour établir une pièce d’identité vu que le citoyen paye déjà  un timbre émis par la poste malienne ». Depuis 2002, le Mali s’est doté avec l’appui de l’Union européenne d’un commissariat au développement institutionnel chargé de réformer l’administration pour plus d’efficience. Ceci a engendré l’avènement des cartes d’identité numérisées familièrement dites « cartes NINA » mais « les policiers n’en veulent pas puisqu’ils ne pourront plus gruger les citoyens désireux d’obtenir une pièce d’identité » commente Cynthia, caissière dans une banque. Elle précise que « la nuit, les patrouilles de police demandent parfois la carte NINA en lieu et place de la carte traditionnelle pour apeurer les fêtards et leur soutirer de l’argent ». « La sécurité d’un pays commence par la fiabilité de son état civil et la dextérité de ses services de sûreté » disent les puristes. Si l’assertion est vraie, alors les conditions de délivrance des pièces d’identité nationale doivent être revues et corrigées afin que seuls les ayant-droit en jouissent et gratuitement.