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Le journalisme américain à l’épreuve du patriotisme

Après s'être frotté à  la pratique du journalisme américain en visitant certaines rédactions (VOA, CNN, Atlanta Journal Constitution…), le groupe…

Après s’être frotté à  la pratique du journalisme américain en visitant certaines rédactions (VOA, CNN, Atlanta Journal Constitution…), le groupe francophone du «Programme Edward R. Murrow pour les Journalistes» a fait un séjour (du 3 au 6 novembre 2013) fort intéressant à  Athens (Géorgie) qui abrite l’Université de Géorgie. Pendant deux jours (du 4 au 5 novembre 2013), nous avons appris l’histoire de cette université et côtoyé des étudiants en journalisme ainsi que des professeurs expérimentés du métier. «J’ai opté pour le journalisme parce que je veux être une voix pour les autres»Â ! C’’est la confidence qu’une jeune étudiante du «Grady College», l’école de journalisme de l’université de Géorgie, nous a dit lors de nos échanges. Une responsabilité qu’elle se dit prête à  assumer quels que soient le prix à  payer et les risques à  courir. Comme, C’’est le cas dans la plupart des cas dans nos pays, le journalisme est avant tout un idéal pour celles ou ceux qui choisissent ce métier aux Etats-Unis. Un idéal de liberté et de justice qui se traduit dans la réalité par la lutte contre la corruption, l’injustice, l’imposture, l’oppression… Dans le fonds, le journalisme dit «américain» n’est pas aussi différend de ce qui est enseigné en Afrique. Seulement nos confrères des USA bénéficient, en plus du confort (meilleures conditions de travail) et d’une certaine sécurité sociale (assurance, plan de carrière, etc.), de plus de liberté afin de pleinement jouer leur rôle de pilier de la démocratie, de 4e pouvoir, de conscience du peuple. Le journaliste américain est surprotégé par le Premier Amendement qui sacralise les libertés individuelles, notamment d’expression et de presse. Et cela parce que les Pères fondateurs des Etats-Unis étaient convaincus que la liberté est un atout indispensable pour bâtir de grandes démocraties comme celle dont ils rêvaient pour leur jeune nation. Mais, à  la différence de ce que nous voyons souvent dans nos Etats, la presse américaine use de cette liberté avec plus de responsabilité. Même si des dérapages ne manquent pas souvent mettant en péril la crédibilité de ce journalisme. Cela s’explique surtout par ce que des experts qualifient de «journalisme lié à  rentabilité» ! Il s’agit d’un environnement concurrentiel qui pousse toujours les médias à  vouloir mieux informer et avant les autres. Ainsi, dans la plupart des rédactions visitées (Voix de l’Amérique, Atlanta Journal Constitution, CNN…), on accorde une importance capitale aux sources de l’information, donc à  son recoupement avec la plus grande précaution et rigueur. l’autre atteinte à  la crédibilité des médias aux Etats-Unis, C’’est souvent ce sentiment exacerbé de ce patriotisme américain. Cela peut souvent contraindre des journalistes à  traiter certaines informations avec moins d’objectivité quand cela peut toucher l’image ou les intérêts de leur pays. Ainsi, selon des entretiens avec certains journalistes et responsables de CNN, la chaà®ne internationale a été confrontée à  cette situation pendant la première guerre du Golfe (1990-1991) o๠certains téléspectateurs ne pouvaient comprendre que ses journalistes fassent certaines révélations touchant l’armée américaine. Heureusement, que la chaà®ne a résisté et n’a pas changé sa ligne de couverture. Un métier menacé par les TICS et les disparités salariales Aujourd’hui, comme en Afrique et dans le reste du monde, la presse américaine cherche à  s’adapter à  l’évolution technologique. Celle-ci a deux impacts sur les médias dans l’immense pays de l’Oncle Sam. D’abord, les réseaux sociaux réduisent le lectorat, l’auditoire et le public. Et, par ricochet, ces nouveaux médias prennent désormais une part non négligeable de la publicité à  ceux dits traditionnels, donc les privent de ressources vitales.Dans la pratique, la presse américaine et africaine, notamment malienne, sont confrontées à  une menace réelle : les disparités salariales entre le public et le privé, entre l’institutionnel et l’informel. Selon des spécialistes des médias du Grady College, un journaliste américain touche en moyenne 32 000 dollars par an (près de 16 000 000 F CFA) dans les médias privés. Ce qui est en deçà  de ce que gagnent ceux qui ont les mêmes équivalences dans l’administration ou d’autres secteurs du privé. Cette situation fait que, une fois leurs diplômes en poches, beaucoup de jeunes journalistes se spécialisent en relations publiques, en communication institutionnelles voire dans la diplomatie qui sont mieux rémunérés. Une situation identique à  ce que nous connaissons depuis quelques années au Mali o๠des journalistes chevronnés abandonnent de plus en plus les sales de rédaction au profit des consultations en communication ou d’autres responsabilités dans des départements ministériels ou des organisations internationales. l’autre menace, souligne Dr Ann Hollifield (chef du Département de l’audiovisuel de l’école de journalisme à  Athens), «C’’est l’arrogance vis-à -vis du publiC’… Les journalistes sont entourés de gens qui ont des connaissances de leurs métiers, mais qu’ils rejettent comme experts. Dans ce métier, il est judicieux de traiter tous les citoyens comme des experts dans leurs domaines». Un défi que nous devons également relever en Afrique pour plus de crédibilité et surtout mieux nous rapprocher des réelles préoccupations de nos lecteurs, auditeurs et téléspectateurs. Et comme le si bien Jon Ralston, chroniqueur politique influent et respecté de la chaà®ne Canal 3 de Las Vegas, dans ce métier l’essentiel C’’est de croire en ce que l’on fait, d’avoir la passion et la rigueur morale de le faire. Et le plus important, C’’est de se réveiller avec la même passion tous les matins sans craindre de pouvoir se regarder dans un miroir !