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Le spectre du coup d’Etat a-t-il définitivement disparu du ciel malien ?

22 mars 2012 – 22 mars 2014. Il y a deux ans de cela, une mutinerie de sous-officiers du camp…

22 mars 2012 – 22 mars 2014. Il y a deux ans de cela, une mutinerie de sous-officiers du camp Soundiata de Kati a débouché sur un coup d’Etat militaire qui a dépossédé du pouvoir Amadou Toumani Touré, à  quelques semaines seulement de la fin de son mandat. Alors qu’au nord du pays, la rébellion MNLA, ayant charrié la horde de barbares d’AQMI, du MUJAO et d’ANSARDINE, battait son plein. Le Mali a donc été projeté au beau milieu d’une crise sécuritaire et institutionnelle dont il n’est pas sorti indemne : chaos politique, armée tombée en lambeaux et divisée, une partie du pays a échappé au contrôle du pouvoir central, un gouvernement de transition secoué par des évènements fort malheureux comme l’agression du président Dioncounda Traoré a mis à  mal des institutions jugées fragiles, en dépit de l’exemple démocratique que constituait le Mali dans la sous région… Coup d’Etat, C’’est fini ? Une élection présidentielle ayant conduit au pouvoir Ibrahim Boubacar Keà¯ta, et la tenue des législatives ont permis un retour à  l’ordre constitutionnel. Le Mali tente de redécoller économiquement, de remonter la pente creusée par le putsch et la rébellion armée du MNLA, de tourner une page des plus tristes de son histoire politique. Il s’agit surtout de reconstruire et rendre solide l’Etat de droit en renforçant les institutions. Comme le disait Barack Obama lors du discours d’Accra. « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes ». Deux ans après, les Maliens se souviennent encore, le 22 mars bouillonne dans la mémoire collective. Mais, deux ans après, il est difficile de balayer cette (fâcheuse) question : le Mali est-il à  l’abri d’un nouveau coup d’Etat, militaire ou civil ? Cette question est importante, la poser ne fait de personne un partisan à  tous crins des putschs. Avant d’aller loin, il serait intéressant de relever que le putsch du 22 mars est venu s’ajouter à  une longue liste de coups d’Etat que le Mali a connu : Celui du 19 novembre 1968 qui renversa Modibo Keà¯ta, celui du 26 mars 1991 qui déposa Moussa Traoré et celui du 22 mars 2012. Le constat est simple : tous ceux qui ont renversé ont été renversés ! La leçon doit être tirée par d’éventuels prétendants au putsch… Contexte socio-politique On le sait, comme tout coup d’Etat, celui du 22 mars 2012 est intervenu dans un contexte sociopolitique très tendu : projets de grève générale de l’UNTM, les mobilisations de la CSTM, des syndicats d’enseignants et policiers à  couteaux tirés, la journée ville morte des commerçants et transporteurs des 19 et 20 décembre 2011, la cherté de la vie dans un pays classé en 2011, 175e pays le plus pauvre du monde sur 177 dans l’Indice du Développement humain (DH) du PNUD. Encore plus important, C’’est que la corruption, l’impunité, la mauvaise gouvernance, le pillage organisé des deniers publics, étaient érigées en mode de gestion, créant des frustrations dans les couches défavorisées des populations. Chaque jour qui passe mettait au grand jour la faiblesse, l’effritement graduel de l’Etat. Au point que nombre d’observateurs locaux voire étrangers étaient parvenus au constat que tous les ingrédients d’un soulèvement populaire étaient réunis, mais tardaient à  éclater. Et les sous-officiers du camp Soundiata, menés par Amadou Haya Sanogo et sa bande, sont venus « couper l’herbe sous les pieds » du peuple. Dresser le bilan Deux ans après le 22 mars, il est en tous cas difficile de dresser un bilan pour savoir si la situation a connu une embellie totale. Mais, il est une analyse qui revient en permanence à  propos des leçons à  tirer des coups d’Etat que le Mali a connus. Une analyse selon laquelle, depuis le coup d’Etat du 26 mars 1991, ce sont les mêmes revendications sociales qui demeurent : manque d’amélioration des conditions de vie des populations, d’accès à  une éducation de qualité, aux soins de santé, pauvreté extrême, insécurité alimentaire, faiblesse du pouvoir central. Et il est clair que ces problèmes ne sont pas fortuits, mais sont plutôt engendrés par la négligence des secteurs prioritaires que sont l’éducation, la santé, l’économie. Or, pour qui s’est intéressé à  la vaste contestation populaire qui a secoué nombre de pays du monde Arabe, Tunisie, Egypte, Bahreà¯n…, les populations se sont révoltées à  cause de leur dignité offensée, du mauvais partage des richesses, mais aussi le manque de libertés politique et individuelle. Et puis, le plus saisissant C’’est que ces révoltes sont parties des couches les plus démunies de ces sociétés dirigés par des autocrates tombés comme Ben Ali, Hosni Moubarak… Comme indiqué plus haut, un coup d’Etat n’est pas que civil mais aussi militaire. Comme ceux que le Mali a connus par le passé. On le sait, l’institution militaire n’est pas encore sortie et saine et sauve du putsch du 22 mars, car une division a pris forme en son sein. Des bérets rouges ont été victimes de chasse à  l’homme, et dans le régiment des bérets verts les colonels étaient sous le commandement des subalternes, ce qui est insensé dans la hiérarchie militaire. C’’est connu, dans l’armée, on assiste à  un retour à  la normale, avec une hiérarchie qui se reconstitue, des hommes formés par l’Union Européenne. A la question de savoir si le Mali est encore sous la menace d’un coup d’Etat, une chroniqueuse, qui connait très bien ce pays, écrit : « qui dit potentiel renversement d’un pouvoir ne doit pas oublier que le Mali est « sous occupation » militaire internationale, et qu’il y a peu de chances qu’un tentative de mouvement déterminé puisse aboutir, car il serait anéanti dans l’œuf, que ce soit au Sud comme au Nord. ».