Le véritable rôle du griot dans la société malienne

Sociologie d'un groupe endogame Les griots politiques appartenant à  une caste sont socialement autorisés à  interpréter en public un répertoire…

Sociologie d’un groupe endogame Les griots politiques appartenant à  une caste sont socialement autorisés à  interpréter en public un répertoire d’épopées et de poèmes de louanges. Souvent, ils sont également la mémoire généalogique des familles importantes selon les aires culturelles. On peut citer le plus célèbre d’entre eux, l’illustre Balla Fasséké Kouyaté, griot de l’empereur Soundjata Keita. Dans ces aires culturelles différentes, le plus grand groupe endogame auquel appartiennent les griots est désigné par le terme de . Parmi les , les diverses activités économiques ne se chevauchent pas. Par exemple, le forgeron (numu) travaille le métal et sculpte le bois, tandis qu’un maroquinier (garangè) ne travaille que le cuir. Un funè ou fina est mime et poète de louanges musulmans. Le griot est un artisan de la parole impliqué dans la médiation et la communication, à  la fois entre les individus et les groupes entre les personnes de l’ici-bas et celles de l’au-delà . Familles de griots De nombreuses familles exercent le métier de griot, dont les . Tous les membres d’une famille de griots ne font pas de représentations publiques, n’ayant pas le même talent ni les mêmes aptitudes Une formation longue Comme les familles de griots sont endogames, de nombreux griots ont grandi en écoutant les représentations de leurs parents ou de griots en visite. Au Mali, les enfants sont autorisés à  assister aux représentations publiques, et s’ils montrent un quelconque talent pour jouer d’un instrument ou pour chanter de la poésie, leurs familles les encouragent à  développer ce potentiel. Un jeune homme peut commencer à  jouer d’un instrument de musique tel le ngà²ni, sorte de banjo à  quatre cordes, ou bien le balan, un xylophone fait main, et s’il est talentueux, il peut devenir l’apprenti d’un parent en dehors de sa famille directe. Trois modes d’expression Les griots peuvent utiliser trois modes d’expression dans le cadre d’une représentation : la narration, la chanson et l’accompagnement musical. Un homme seul peut se vanter d’exercer les trois talents, déclamer, chanter et jouer mais un maà®tre chanteur peut aussi se contenter de déclamer la narration et interpréter éventuellement certaines des chansons comprises dans l’épopée. Les griots femmes (jeli-musu), qui habituellement ne narrent jamais les récits, peuvent chanter les chansons d’une épopée en solo ou en chœur avec d’autres femmes lorsqu’elles s’intercalent entre les phrases narrées par le maà®tre chanteur. Les rôles traditionnels du griot Comme tous les nyamakalaw, les griots participent aussi bien de la sphère sociale que de la sphère économique. Dans le système de croyances mandingue, la parole du griot est censée avoir non seulement un pouvoir de persuasion mais aussi un pouvoir occulte (nyama). C’est pourquoi une formule sera toujours récitée lorsqu’on gratifie le griot après sa performance : (éloigne le pouvoir occulte !). La gratification du griot est donc perçue comme nécessaire pour neutraliser le nyama. Ce processus donne au griot professionnel un moyen de subsistance. Le rôle traditionnel dévolu au griot implique sa maà®trise de la parole. En tant qu’artisan de la parole, il est un arbitre du passé et du présent, remplissant les fonctions d’historien et d’interprète/analyste de l’histoire de la nation, du groupe économique, du village et/ou de la famille  » hôte « , en fonction de ses propres rattachements. Une autre mission du griot consiste en la négociation et la préservation de coutumes et de valeurs sociales. Parce que les griots appartiennent à  une caste et parce toute fonction politique leur est interdite, ils sont libres d’exprimer publiquement leurs opinions sur les comportements sociaux sans pour autant avoir à  en subir de représailles. Rites et traditions Les griots interviennent également lors des principaux rites de passage mandingues, dans les mariages et dans les cérémonies islamiques d’attribution du nom. Ils y récitent des poèmes de louange et certains épisodes tirés de récits épiques. Ils ont un rôle important en tant que médiateurs officiels dans le cas de disputes entre groupes. En effet, ils arrivent à  établir une précieuse communication indirecte entre familles, entre personnes, ou entre des anciens qui se disputent au village. Ici aussi, puisqu’ils n’ont pas le droit d’occuper un poste politique, ils ont l’autorisation sociale de rendre un avis impartial sans être soupçonnés de le faire dans le but lucratif, même s’ils sont rémunérés pour leur peine. Cette médiation peut être indirecte dans le sens o๠tout au long des négociations, le griot rencontrera chaque groupe séparément, facilitant ainsi une résolution du conflit sans qu’il n’y ait de frictions inhérentes en face à  face. De nouveaux rôles, de nouvelles situations Le rôle des griots contemporains est complexes et parfois ambigu. Ils ont évolué avec la société. Des différences régionales existent par rapport à  ce que l’on attend des griots ou ce qui leur est permis. Depuis quelques années, les griots mandingues se produisent sur scène en Europe et aux à‰tats-Unis, chantant des compositions traditionnelles ou récentes et jouant de la kora, du ngà²ni et du balafon. Certains ont des résidences aussi bien en pays mandingue qu’en Europe ou aux Etats-Unis. Aujourd’hui avec l’avènement de la démocratie, les griots participent pleinement à  l’amélioration du paysage politique au Mali, une manière de consolider à  la cohésion sociale et la paix durable en tant membre de a société civile selon Monsieur Ben Sherif Diabaté.