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Lettre ouverte au Premier ministre Cheik Modibo Diarra

Monsieur le Premier Ministre, Cette lettre ouverte est l'écho des sans voix qui désespèrent de vous voir à  l'œuvre ; l'œuvre…

Monsieur le Premier Ministre, Cette lettre ouverte est l’écho des sans voix qui désespèrent de vous voir à  l’œuvre ; l’œuvre salvatrice et restauratrice de notre dignité sérieusement mise à  mal par votre gestion frileuse des événements douloureux qui frappent notre pays. Monsieur le Premier Ministre, le Mali s’interroge. Jamais dans l’histoire de l’humanité, un à‰tat souverain n’a subi, de la part d’une organisation sous-régionale à  caractère essentiellement économique et social, les affronts que la Cédéao inflige à  notre pays. Même un élève de 10ème de l’école sinistrée d’ATT peut comprendre aisément, que par son intrusion étouffante dans la politique intérieure et dans les relations internationales du Mali cette organisation sort de son rôle. Le Mercosur, organisation sud-américaine similaire, vient de donner l’exemple de ce que la Cédéao devrait se contenter de faire. Condamnant, comme la Cédéao, toute rupture de l’ordre constitutionnel, elle a seulement exclu le Paraguay dont le Président a été destitué par le parlement de son pays. Le Mercosur n’a envisagé aucune intervention militaire et les sanctions économiques qu’elle brandit n’ont aucune chance de passer, dénoncées qu’elles sont par d’autres pays membres, dont le Brésil et l’Argentine. La gestion et la prévention des conflits, dont la Cédéao est également en charge, dans son espace géographique, reconnaissent-elles à  son syndicat de chefs d’à‰tat la prérogative de placer notre pays sous sa tutelle ? Sûrement pas. Cependant, la Cédéao s’accorde le droit d’imposer au Mali le Président et le gouvernement qui doivent le diriger, la durée et les conditions d’exercice de leurs mandants. La Cédéao conjugue au temps et au mode de son bon vouloir, le terme médiation qui doit faire appel à  l’intervention d’un acteur neutre en vue de rapprocher les positions antagoniques de deux ou plusieurs parties. Hier, elle s’est substituée aux partis politiques et à  la société civile du pays pour négocier seule à  seul avec le Cnrdre. Aujourd’hui, elle ajoute une couche supplémentaire à  notre humiliation en convoquant à  Ouagadougou les autorités légales, les partis politiques et la société civile malienne pour leur donner des directives en vue de la formation d’un gouvernement inclusif, défaisant, sans état d’âme, la précédente équipe dont elle a pourtant cautionné la composition. En effet, elle vous a autorisé à  ignorer totalement les recommandations du point d de l’article 6 de l’Accord Cadre qui prévoit l’implication de toutes les parties prenantes dans l’élaboration d’une feuille de route pour la transition. Vous avez formé votre gouvernement seulement avec, d’une part, le Cnrdre, qui vous a imposé ses hommes aux trois ministères de son choix et, d’autre part, la Cédéao qui vous a pris en tenaille entre les deux siens aux ministères de l’information et des Affaires à‰trangères. Le choix des autres membres du gouvernement, laissé à  votre discrétion, a été pour vous une affaire de famille et de proches. En acceptant de vous plier à  cet autre diktat qui oblige toutes les forces vives du pays à  se transporter à  Ouagadougou, vous subissez une nouvelle mesure vexatoire puisque vous vous conformez à  l’esprit de ce même Accord Cadre, que la Cédéao vient de sortir de la poubelle aux fins de dépoussiérage sous la pression de la Communauté internationale. à€ quoi les pleins pouvoirs que vous détenez vous servent-ils ? En êtes-vous réellement investi ? Monsieur le Premier Ministre, le Mali s’interroge. Sur la scène internationale, la Cédéao occupe ostensiblement la place des autorités légales de notre pays par ses prises de contact isolées avec l’Onu, la France, les partenaires techniques et financiers dans la perspectives d’une intervention armée de ses troupes sur notre sol. Pour ne pas avoir associé nos militaires dans la préparation de son dossier, elle a montré ses lacunes mises à  nu par le Conseil de Sécurité de l’Onu qui conditionne son accord éventuel à  la présentation d’un dossier mieux élaboré comprenant notamment la nature et les modalités de l’intervention. Pire, la Cédéao reçoit, dans la même capitale boukinabé, et rencontre en territoire occupé, à  Kidal notamment, les envahisseurs pour traiter avec eux de ce dont vous ignorez tout. Et la Cédéao s’accroche encore et toujours à  son désir insultant, récemment renouvelé par le chef des armées ivoiriennes, de consolider et de sécuriser les institutions de la transition par ses propres troupes ? Les villes d’Abidjan, de Lagos, d’Abuja, de Freetown, de Cotonou, de Ouagadougou, … sont-elle plus sécurisées que Bamako ? Certainement pas ! Le langage méprisant de ce syndicat de chefs d’à‰tat est d’une telle clarté que même le citoyen lambda le comprend aisément. Pour les trois chefs de guerre de cette organisation en campagne guerrière contre le Mali, Alassane Ouattara, Blaise Compaoré et Yayi Boni, notre armée nationale ne serait pas digne de son nom ; n’ayant pas été capable, avec sa pléthore de 51 généraux de refouler ou tout au moins de stopper des envahisseurs, elle serait inapte à  accomplir la mission de sécurisation de nos institutions. Du fait de votre gestion sans relief des affaires du pays, vous donnez la nette impression de chercher à  gagner du temps ; votre véritable intention n’étant pas d’équiper l’armée malienne mais, plutôt, de préparer l’arrivée des troupes de la Cédéao. Auriez-vous, vous aussi, une aussi piètre opinion de notre armée nationale pour la juger inapte à  l’accomplissement de sa mission ? Mais avez-vous idée des énormes dégâts collatéraux imputables à  l’Ecomog, forces armées de la Cédéao, partout o๠il passe ? La Cédéao a fait intervenir l’Ecomog, son bras armé, au Libéria en 1990 et en Sierra Léone en 1997. Voici ce que Gorée Institute dit de ces conflits «Â Dans les cas du Libéria et de la Sierra Leone, certaines atrocités commises sur les civils innocents, ont rangé ces conflits parmi les plus brutaux de l’histoire contemporaine ». Et la responsabilité de l’Ecomog ne souffre pas l’ombre d’un doute ; à  ce point que l’Onu a estimé qu’en Sierra Léone, cette force d’intervention africaine a été «Â une des factions combattantes ». Au Mali, o๠les soldats de cette armée n’ont aucun parent proche ou lointain, aucun intérêt propre à  notre pays à  défendre, quelle fibre patriotique les empêchera de commettre les mêmes atrocités ? Par ailleurs, il est de notoriété publique que l’armée ivoirienne ne voulant pas intégrer en son sein les rebelles qui ont contribué à  porter Alassane Ouattara au pouvoir, ce dernier cherche à  les recycler quelques part. Devant ce danger qui ne devrait échapper à  aucune personne ni à  aucune structure bien informées, ce qui doit être le cas pour votre équipe, vous continuez de garder le silence. Pourtant, dans votre première adresse à  la nation, vous avez inscrit la libération du nord du pays en tête de la liste de vos priorités. Au camp militaire de Ségou o๠vous vous êtes rendu le 1er juin 2012, vous avez renouvelé cette promesse en termes martiaux rassurants. Vous avez fait renaà®tre l’espoir au sein de notre armée convaincue de recevoir rapidement les armes nécessaires afin d’accomplir son devoir de libérer elle-même notre pays. Mais, récemment, vous avez fortement nuancé vos propos et douché fraà®chement l’enthousiasme de nos forces armées. Vous avez déclaré haut et fort que nous n’avez ni peur ni honte de négocier, sous-entendu même en position de faiblesse, car les assaillants sont nos frères. Avant d’essayer de nous faire partager cette allégation, avez-vous seulement vérifié leurs extraits de naissance et/ou leurs pièces d’identité, sachant que les uns sont nés en Libye, les autres y ont grandi et que tous ont servi sous le drapeau libyen ? Tirant profit de votre attentisme inqualifiable et inacceptable de plus de deux mois, les envahisseurs ont le temps et les moyens de conforter leur domination et, en toute impunité, de violer les filles et les femmes, de profaner et de saccager les lieux sacrés de nos compatriotes du nord. Il est grand, Monsieur le Premier Ministre, de prouver que vous détenez véritablement les pleins pouvoir en vous soustrayant définitivement de l’influence hautement négative de la Cédéao, qui jette la honte sur notre pays. à€ l’arrogance et au mépris de cette perfide organisation à  votre endroit et à  l’endroit du pays, l’honneur vous commande de lui intimer l’ordre de se mêler de ce qui la regarde. Monsieur le Premier Ministre, le Mali s’interroge. Dans votre intervention à  la télévision du 02 avril 2012 à  13 heures, soit deux jours après le contre coup d’à‰tat avorté du 30 mars 2012, vous avez avoué votre intention première d’avoir voulu attendre le retour définitif du calme avant de vous adresser à  la nation ; comme si les événements n’avaient pas le moindre caractère alarmant. D’ailleurs vous ne les avez pas condamnés énergiquement et vous n’avez pas pris l’engagement ferme que leurs auteurs, en particulier leurs complices locaux, seront démasqués et poursuivis en justice. En revanche, vous n’avez pas différé votre apparition à  l’Ortm après l’agression déplorable du 21 mai 2012 sur le Président par intérim. Le soir même, vous avez pris à  témoin l’opinion publique nationale et internationale sur votre ferme volonté de faire identifier et traduire devant la justice les responsables de cet acte répréhensible. La vie d’un chef d’à‰tat est-elle plus précieuse que celle d’un(e) autre de ses compatriotes et au-delà  que celles des dizaines de victimes du contre coup d’à‰tat avorté ? l’agression, si blâmable soit-elle sur un chef d’à‰tat, est-elle plus condamnable que celle perpétrée contre une nation tout entière à  travers un contre putsch ? Monsieur le Premier Ministre, le Mali vous observe. Les spécialistes de la désinformation et semeurs de frayeur qui, durant vingt ans ont privé de lait le nouveau-né du voisin impuissant, pour construire leurs fortunes illégales dans le sang et la chair de leur propre peuple, versent aujourd’hui des larmes de crocodile sur le sort de ce même peuple pénalisé, disent-ils, par la suspension de l’aide internationale. Du haut de leur arrogance, ils prennent tous leurs compatriotes pour des élèves de l’école sinistrée d’ATT donc incapables de comprendre que C’’est justement la diplomatie de mendicité des deux derniers régimes qui a fait d’eux des fonctionnaires millionnaires et milliardaires par le biais des détournements et de la corruption sous toutes ses formes. à€ l’évidence, ils sont les véritables victimes de la fermeture du robinet financier international dont les flots abondants, qui ont si longtemps arrosé le pays, n’ont jamais, ou presque, rafraà®chi le peuple et soulagé sa soif de bien-être. Par ailleurs, antipatriotes irréductibles, plutôt que d’investir sur place et créer ainsi des emplois pour la population, ils ont préféré la sécurité des placements dans les banques occidentales qui s’empressent d’injecter cette fortune dans l’économie de leurs pays, confortant, de la sorte, la domination de celle-ci sur la nôtre. Le Mali attend de vous une enquête rigoureuse et rapide sur la fortune de ces prédateurs et une détermination ferme à  récupérer aussi rapidement l’argent qu’ils ont volé à  notre peuple condamné à  payer les emprunts dont il provient pour partie. Monsieur le Premier Ministre, le Mali vous observe. l’Ortm est resté «Â la voix et l’œil de son maà®tre » tel que l’a modelé l’ancien régime d’ATT. Il ne diffuse que les images et les propos choisis par le gouvernement et fait l’impasse sur tout le reste. Ce qui est souvent improductif. Sur la situation du nord, par exemple, les images et les commentaires retransmis à  longueur de journaux télévisés et portant uniquement sur les collectes de dons ont fini par convaincre nos compatriotes du nord qu’ils ont été installés dans un statut de mendiants. Il en est de même du traitement de la Convention Nationale Souveraine des 21 et 22 mais 2012. Tandis que l’Ortm choisit de faire l’impasse sur l’événement, Afrikable, France 24 et Tv5 l’ont largement diffusé, contribuant, de façon significative et sans doute involontaire, à  alerter l’opinion publique internationale sur certaines réalités jusque là  déformées par une campagne médiatique tendancieuse. Comme sous l’ancien régime, l’Ortm n’organise aucune table ronde, aucun débat contradictoire aux fins d’informations objectives et d’éveil de la conscience historique, culturelle et politique des citoyens. à€ plus de deux mois de votre investiture des pleins pouvoirs et si cela est une vérité, il est temps que vous fassiez sauter le carcan de l’Ortm pour qu’il devienne, enfin, «Â la voix et l’œil du peuple ». Doumbi-Fakoly, écrivain.