M. Djibril Baba Tabouré : « Les affaires n’aiment pas les problèmes politiques « 

JournalduMali.com : Coup d'Etat, instabilité politique, occupation du nord du pays. Dans quelle mesure le secteur économique privé est affecté-t-il…

JournalduMali.com : Coup d’Etat, instabilité politique, occupation du nord du pays. Dans quelle mesure le secteur économique privé est affecté-t-il par la situation actuelle ? Djibril Baba Tabouré : Les pertes sont énormes. Je dirais plusieurs centaines de millions, mais nous n’avons pas fini d’inventorier toutes les entreprises qui ont subi des dégâts. Dès les premiers jours du coup d’Etat il y a eu des destructions d’outils de travail et de production. Nous sommes restés plusieurs jours sans travailler, ce qui a entraà®né des difficultés pour payer les salaires du mois de mars. Sans compter que l’Etat a été affecté dans sa mémoire, avec le pillage de la Cité administrative. Cela va amener des lourdeurs dans la gestion de tous les dossiers. La situation au Nord est encore plus critique. Les affaires sont à  l’arrêt et les travailleurs sont au chômage. Le pire est-il passé ? Tout le monde est dans l’attente, on ne sait pas comment les choses vont évoluer. Il n’y a rien de pire pour les affaires que cette indécision, cette incertitude dans laquelle nous nous trouvons. Entre acteurs économiques présents au Mali on peut s’en accommoder. Mais quand on travaille avec l’extérieur ce manque de visibilité tue la confiance. Concrètement comment cela impacte-t-il vos activités ? La cote que le Mali avait sur le marché international a complètement chuté. Dans mon activité de voyagiste, par exemple, certaines compagnies aériennes nous ont exclus du système international de réservation. Tout étant informatisé, plus moyen pour nous de travailler. Par ailleurs il n’est plus question aujourd’hui de faire des commandes à  crédit. Il faut payer « cash ». Or très peu d’entre nous avons les moyens de fonctionner ainsi. On assiste déjà  à  des fermetures d’entreprises… Oui, C’’est toujours l’incertitude qui en est la cause. Des sociétés étrangères sont en train de partir. Certains miniers, par exemple, ont annoncé qu’ils quittaient le Mali. Ces entreprises, comme elles n’ont pas de perspectives claires, préfèrent mettre leur personnel au chômage technique. Vous est-il possible d’avoir une aide de l’Etat ? Il ne faut même pas y penser, pour la simple raison que l’Etat lui-même, en tant que client, ne paye plus. Le Trésor ne paye plus les fournisseurs de l’Etat. Or dans nos pays l’Etat est le principal client des entreprises privées. Donc ci ce dernier ne paie pas les entreprises ne sont plus en mesure de tenir leurs engagements. Et le pire, C’’est qu’on ne voit pas la fin. On pensait que la signature de l’Accord cadre et la nomination du Premier Ministre allait permettre de décanter la situation, mais malheureusement ce n’est pas le cas. Mais à  la fin de la crise politique, votre situation va sans doute s’améliorer ? Quand tout ça va rentrer dans l’ordre, les rentrées d’argent pour l’Etat seront faibles, à  cause du ralentissement des activités et de la diminution des recettes douanières. Il ne lui restera plus pour se financer que les impôts. Et les impôts ce sont les entreprises qui les paient. Donc, on va nous tomber dessus alors même que nous sommes en grande difficulté. On va rentrer dans un processus de harcèlement fiscal. Un dialogue des acteurs économiques du secteur privé est-il possible avec le pouvoir actuel ? Il semble que ce ne soit la priorité de personne en ce moment. Pourtant la crise socio-économique aura encore plus de répercussions négatives que la crise politique. Il nous faut attendre la nomination d’un gouvernement à  qui on pourra dire : « Il faut aller vite ». Car ce n’est pas quand le pays aura besoin de ressources pour se relever, se rééquiper, se structurer et, il faut le dire, aller en guerre, qu’on pourra faire face à  une crise dont l’ampleur risque de dépasser ce que nous pouvons imaginer.