Maison d’arrêt de Bamako: quel traitement pour les détenus?

Lundi matin. 09 heures trente minutes. Prison de Dravéla. Une porte en fer s'ouvre et des détenus sortent sous le…

Lundi matin. 09 heures trente minutes. Prison de Dravéla. Une porte en fer s’ouvre et des détenus sortent sous le contrôle de gardes pénitentiaires prêts à  dégainer à  la moindre indignation. Le bus immobilisé devant les imposants murs de la prison centrale appartient au ministère de la justice. Il absorbe une trentaine d’hommes privés de toute leur liberté depuis longtemps. Les visages défaits, la mine triste, les regards fuyants, les habits sales, les têtes mal peignées, ces hommes qui ont la chance de pouvoir faire face au juge ce lundi avancent en silence. Ils n’ont ni le droit de parler à  des proches venus les encourager ni le loisir de prendre une bouteille d’eau que tend un ami. Ils ressemblent à  des revenants sortis du néant. La lumière du soleil obstrue leur regard. Paradoxalement, les gardes pénitentiaires à  la mine patibulaire n’extériorisent aucun signe de compassion à  l’égard de ces détenus qui seront fixés sur leur sort avant la mi-journée. Un des gardes se défend en affirmant que « ces gaillards ne sont pas là  par hasard, ils pillent, volent, agressent, tuent froidement donc pourquoi ressentir de la pitié, nous faisons notre travail avec toute la rigueur requise d’autant que si l’un d’entre eux s’enfuit nous pourrons nous retrouver à  sa place, C’’est un travail à  risque, nous sommes trop exposés ». Enchainés deux par deux Votre serviteur adhère partiellement aux dires du garde tout en ne comprenant pas un fait qui rappelle la période esclavagiste. Les détenus sont enchainés deux par deux. Ils ne sont pas menottés. C’’est avec de grosses chaines rouillées, toutes noires, que l’administration pénitentiaire attache les détenus. Chaque prévenu est ligoté par un gros cadenas capable de sécuriser un magasin de Rail-Da. Le spectacle donne la chair de poule à  l’image de cet homme paralysé que porte sur le dos un jeune pour le faire monter dans le bus. Au départ du bus pour le tribunal, nous avons échangé avec des proches de détenus. « Monsieur, la prison est la pire des créations de l’homme. Mon jeune frère est emprisonné ici depuis huit mois, il n’est ni jugé ni libéré, on nous dit que l’instruction est en cours or il a juste acheté au marché noir un téléphone portable volé. Pourquoi les juges n’accélèrent pas les dossiers ? On dirait qu’ils ne travaillent pas. Chaque jour, nous lui apportons son repas et pour qu’il soit bien traité nous glissons des billets de banque aux surveillants ». Les rabatteurs cherchent leur part Une jeune dame, le foulard jeté sur la tête nous confie que son fiancé attend d’être jugé. « Il est là  depuis douze jours suite à  une altercation avec mon ex-petit ami qui est le fils d’un grand de ce pays. Son séjour dans cette prison coûte cher. A l’intérieur, la minute de communication est à  1000 francs, la cigarette y est vendue à  100 francs la mèche et le comble est que des rabatteurs viennent nous proposer les services d’avocats diligents qui pourront le faire sortir vite, naturellement ces rabatteurs ont des pourcentages sur les honoraires de ces avocats ». Interpellé un rabatteur avoue « faire son travail, les avocats n’ont pas le temps de se promener ici alors nous sommes leurs commerciaux et certains d’entre eux ont des connexions qui leur permettent d’accélérer les dossiers pour soit une liberté provisoire soit un élargissement express ». Comme quoi, les larmes des uns arrosent le jardin des autres. Triste business.