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Mali : ces nouvelles missions invisibles de l’armée française

Les photos exclusives que nous publions illustrent la guerre à  laquelle se préparaient les forces narco-djihadistes avant que les troupes…

Les photos exclusives que nous publions illustrent la guerre à  laquelle se préparaient les forces narco-djihadistes avant que les troupes françaises ne débarquent au Mali il y a six semaines. Ces clichés, pris à  Kona et à  Gao, ont permis aux services de renseignement de vérifier ce qu’ils savaient en partie. D’abord, que les djihadistes se préparaient à  des actions offensives sous la forme d’attentats pour accompagner ou conforter leur conquête du Sud malien. Mais également à  des actes de « résistance » en prévision d’une guerre asymétrique. Des explosifs en nombre (plus de 2 tonnes de matériel retrouvées à  Gao), des gilets pour kamikazes, des obus de 122 mm reliés entre eux pour exploser au passage d’un véhicule, des engins piégés de toutes sortes, dont un extincteur : « Nous avions là  des laboratoires de terrorisme, des écoles de guerre avec manuels d’apprentissage en arabe pour fabriquer des bombes, la preuve que les djihadistes voulaient bien transformer le pays en sanctuaire terroriste », confie une source au C’œur du dispositif de l’opération Serval. L’arsenal de guerre des djihadistes Est-ce à  dire que les Français vont devoir maintenant affronter une « afghanisation » de la guerre? Les moyens de l’ennemi y ressemblent, mais la grande différence tient au nombre et au terrain : en Afghanistan, les effectifs des groupes talibans et de leurs alliés djihadistes s’appuient sur une ethnie pachtoune fortement implantée dans l’est de l’Afghanistan et à  l’ouest du Pakistan. Au Mali, les « internationaux » des katibas islamistes n’ont jamais réussi à  « faire prendre la greffe » sur les populations locales, selon l’expression d’un diplomate au plus près du dossier sahélien. Quant aux Touareg, ils restent minoritaires au sein de la population du Nord. Orgues de Staline et signatures infrarouges D’après une carte de situation que le JDD a pu consulter, il n’en demeure pas moins que des poches de « résidus terroristes » subsistaient encore en fin de semaine dernière aux environs d’une dizaine de localités situées entre Tombouctou et Gao, notamment dans la région de Bourem. « Nos gars sont en chasse, dès qu’ils repèrent du mouvement ennemi, on leur tombe dessus de nuit ou à  l’aube », raconte une source bien placée. Selon nos informations, en périphérie de cette ville, les soldats français ont mis la main, vendredi soir, sur de l’armement lourd : une batterie d’orgues de Staline (lance-roquettes multiples) dont le véhicule de traction était déjà  reparti. « Ils communiquent très peu, bougent très peu, nos bombardements sur leurs bases logistiques arrière ont vraiment freiné leur mobilité », poursuit un officiel français. « Ils ont adopté les bonne vieilles techniques d’Al-Qaida sur la frontière pakistano-afghane », indique un spécialiste, comme de décaper les capots de leurs pickup ou poser des serviettes froides dessus pour limiter la signature infrarouge que captent les satellites. Les rares messages interceptés par les moyens du renseignement militaire français témoignent d’une volonté de « harceler » les troupes étrangères dans l’objectif de les « fixer ». « Lorsque l’un de nos avions ou de nos drones se fait entendre, ils coupent leurs radios HF », précise l’officiel français. Mais cette vigilante opération de sécurisation n’a pas empêché l’état-major des opérations de déployer environ un millier d’hommes plus au nord, dans une zone o๠se déroule une toute autre bataille. « Tourner autour pour aller les choper » Au nord de la ville de Kidal (15.000 habitants à  350 km au nord de Gao) et de deux autres localités (Tessalit et Aguelhok) les forces françaises et tchadiennes – près de 2.000 hommes en tout – ont entamé une opération de « ceinturage » du massif des Ifôghas. Dans cette zone montagneuse de plus de 250.000 km², les services de renseignement estiment qu’une partie des troupes d’Aqmi se sont repliées avec tout ou partie des 7 otages français. Les soldats veulent-ils pénétrer à  l’intérieur de cette zone au risque de s’y éparpiller? Ou bien empêcher les djihadistes de s’en échapper « On va aller voir à  quoi ça ressemble », confie l’une de nos sources. « l’idée est de tourner autour pour aller les choper », assure une autre. Au nord du massif se trouve la frontière algérienne. Selon nos informations, l’armée algérienne aurait massé d’importants moyens terrestres et aériens de surveillance entre ses postes frontières de In Khalil et de Tin Zaouatine distants de plus de 350 km. Les Algériens auraient même mené deux ou trois incursions en territoire malien. Pour la première fois depuis 1962, des lignes de contact ont été établies entre états-majors français et algérien pour s’échanger des informations sur toute activité mobile dans la région. Aux dires de certains responsables français, il est désormais acquis cependant qu’une partie des chefs d’Aqmi se soient d’ores et déjà  repliés dans le Sud libyen ou dans le désert tchadien. à€ Kidal, toujours tenu par le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), un diplomate français a commencé cette semaine une série d’entretiens avec des leaders locaux et des chefs de grandes tribus touareg. C’’est ce mouvement qui avait pourtant conquis le Nord-Mali au prix d’une alliance militaire avec les organisations islamistes armées d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Dine. Depuis, le MNLA s’est fait chasser par les djihadistes des grandes villes, s’est regroupé, a vu une partie de ses troupes rejoindre Ansar Dine, mais a gardé le contrôle de Kidal. Le diplomate Gilles Huberson travaillait à  Bamako depuis septembre dernier. Cet ancien gendarme saint-cyrien est un expert des questions de sécurité. Avec l’aide de la DGSE, son travail consiste à  favoriser le rapprochement entre le MNLA et le gouvernement malien. Premier succès : l’organisation touareg vient de publier un communiqué n° 52, daté du mercredi 13 février, qui renonce clairement à  ses revendications indépendantistes et réclame le retour des services publics maliens à  Kidal. « Le succès de nos opérations militaires dépend beaucoup d’une solution politique entre le Nord et le Sud », confie une source militaire de haut niveau. Le Premier ministre malien est attendu mardi à  Paris. Sous les lustres du Quai d’Orsay comme au fin fond du désert, se déroule une guerre invisible ou en coulisses prévue pour durer.