Politique




Le Mali, de bon élève de la démocratie à recordman des coups d’État

Comme en 2012 avec ATT, le régime d’IBK a pris fin par un coup d’État militaire le 18 août 2020,…

Comme en 2012 avec ATT, le régime d’IBK a pris fin par un coup d’État militaire le 18 août 2020, suivi de la démission contrainte du désormais ex Président de la République. Le Mali, en l’espace de huit ans, aura connu deux renversements de pouvoirs démocratiquement établis avant l’échéance constitutionnelle. Deux coups de force militaires qui font régresser la démocratie malienne, jadis citée en Afrique de l’ouest en exemple. Pour certains, ce mal récurrent est la grave conséquence d’une gouvernance largement en deçà des aspirations profondes du peuple malien.

« Je voudrais en ce moment précis, tout en remerciant le peuple malien pour son accompagnement le long de ces longues années, la chaleur de son affection, vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions, à partir de ce moment, et avec toutes les conséquences de droit, la dissolution de l’Assemblée nationale et celle du gouvernement », a déclaré Ibrahim Boubacar Keita le 19 août 2020, après avoir été arrêté quelques heures plutôt par des militaires à la suite d’une mutinerie.

Ainsi se terminaient des mois de turbulences et de manifestations enclenchées par le M5-RFP pour réclamer la démission du Président de la République. Mais, contre les aspirations des leaders de ce mouvement, et comme en 2012, ce sont les militaires qui ont pris les devants par un coup d’État contre le régime d’IBK, même si, dans la forme, ils ont pu obtenir que le Président de la République sortant annonce lui-même qu’il rendait son tablier.

« Regrettables » mais « compréhensibles »

L’histoire semble se répéter au Mali et, pour certains observateurs, les causes de cette répétition sont légitimes, même si aucun n’applaudit l’interruption anticonstitutionnelle du processus démocratique dans le pays.

Khalid Dembélé, analyste politique au CRAPES, pense que le contexte dans lequel  ATT avait  été déposé en 2012 et celui dans lequel IBK a été contraint à la démission le 19 août ont un point commun : l’incapacité des deux hommes à diriger le pays et à instaurer un système de gouvernance vertueuse.

« En 2020, c’est à la suite de manifestations populaires de citoyens qui semblaient ne pas être d’accord avec le cap fixé par les gouvernants que les militaires ont saisi  l’opportunité de renverser le régime d’IBK », pointe-t-il, avant de souligner que la démocratie est un concept local qui doit d’abord s’adapter aux réalités locales.

« Tant que les gouvernants ne parviendront pas à mettre en place ce genre de système, il va toujours falloir s’attendre à ce que le processus démocratique soit interrompu par des insurrections populaires et bouclé par des coups d’État », regrette M. Dembélé.

Si, pour Bréhima Sidibé, Secrétaire général adjoint des Fare An Ka Wuli, il est fort regrettable que le Mali, qui était « apprécié à travers le monde entier pour sa démocratie », en soit arrivé là aujourd’hui, cela peut toutefois se comprendre.

« Le coup d’État est  désigné comme un crime imprescriptible dans la Constitution de 1992. Mais cela devrait être accompagné de mesures. Il aurait fallu que les hommes politiques, ceux qui ont la lourde responsabilité de conduire les affaires de l’État, le fassent conformément à cette même Constitution et de la façon la plus irréprochable possible. À partir du moment où ce n’est pas le cas, c’est la porte ouverte à toutes les aventures », se désole-t-il.

À l’en croire, dès que ceux qui doivent garantir le respect de la loi sont les premiers à la fouler aux pieds, il est difficile d’échapper à certaines situations. « Nous pouvons avoir les meilleurs textes du monde, s’ils ne sont pas appliqués, ils deviendront pires que de mauvais textes ».

Mauvaise habitude

Le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) mis en place par les militaires pour assurer la continuité de l’État a pris un certain nombre de mesures et assure vouloir asseoir une transition civile, qui aboutira à des élections générales dans des « délais convenables ».

Mais certains analystes craignent toujours que le Mali ne soit pas totalement débarrassé du spectre des coups d’État militaires dans les prochaines années, notamment après l’installation d’un nouveau pouvoir démocratiquement élu.

« Je pense qu’après les prochaines élections, il faut que le Président élu soit à la disposition des Maliens et non d’un clan. Le clientélisme et le clanisme sont aujourd’hui à la base de ce que nous vivons », affirme le politologue Bréhima Mamadou Koné.

« Il faut que l’on s’inscrive désormais dans un système où les gouvernants rendent compte au peuple de ce qui est fait en son nom. Tant que nous n’arriverons pas à asseoir un État de droit respectueux des valeurs démocratiques, nous ne serons pas sortis de l’auberge », prévient-il.