Mali Sadio, « opéra africain » sur un pacte entre l’homme et la nature

Sur les planches du nouveau Grand théâtre de Dakar, un chant mandingue célèbre dans un "opéra africain" la légende de…

Sur les planches du nouveau Grand théâtre de Dakar, un chant mandingue célèbre dans un « opéra africain » la légende de Mali Sadio, largement répandue en Afrique de l’Ouest, qui relate un pacte entre un hippopotame et une jeune fille dont la trahison amène le malheur à  un village. Mali Sadio est la chronique d’une aventure entre un « mali » (hippopotame en langue bambara) et Sadio, une jeune fille du village de Bafoulabé, dans l’Ouest de l’ancien empire du Mali, qui s’étendait au Moyen Age sur le Mali, la Guinée, le Sénégal, la Guinée-Bissau, la Gambie, la Mauritanie, le Burkina Faso et une partie de la Côte d’Ivoire. Tout part d’une femme enceinte se rendant au fleuve du village d’o๠sort un hippopotame qui lui propose de se lier d’amitié avec l’enfant qu’elle porte, en échange d’une garantie de paix et de prospérité pour les habitants de Bafoulabé. La femme accepte et, à  la naissance, se noue une amitié entre « la fille prénommée Sadio et l’habitant des eaux ». Ainsi, la belle Sadio devient « Mali Sadio », la « Sadio de l’hippopotame », mais cette relation amoureuse rend jaloux les jeunes du village, dont les nombreux prétendants de la jeune fille. Ils finissent par tuer l’animal, attirant ainsi les malheurs sur le village. Sadio se suicide en se jetant dans le fleuve pour rejoindre son hippopotame. « Sadio a rejoint le mali. Tout le Sahel est assombri », confesse une actrice, avec une mine lugubre, à  la fin de la pièce. Le spectacle, mis en scène par le réalisateur sénégalais Seyba Lamine Traoré, pour l’inauguration du nouveau Grand théâtre national de Dakar mi-avril, est « une sorte d’opéra à  l’africaine », selon le ministre sénégalais de la Culture, Serigne Modou Bousso Lèye. Avec Mali Sadio, « le Sénégal s’essaie à  un opéra à  l’africaine. L’adaptation scénique de cette histoire tient à  la fois du conte, du ballet à  thème, de la musique et du jeu dramatique », affirme de son côté M. Traoré. Le spectacle fait intervenir nombre d’instruments africains: balafon, « riti » (instrument à  corde), kora, flûte et percussions sur fond de danses et de paroles. « Les comédiens ont fait des recherches pour donner un spectacle complet en bambara, mandingue, pulaar, ouolof et français », affirme Cheikh Lô, directeur de la troupe nationale d’art dramatique dont les membres ont formé les principaux comédiens, avec ceux de la chorale africaine Afrikio, basée à  Dakar. « On a voulu mettre plusieurs ethnies parce que l’histoire s’est déroulée au temps de l’empire du Mali qui regroupait plusieurs pays » ouest-africains, dit de son côté Roger Sambou, comédien sénégalais qui interprète le rôle d’un prétendant de Sadio dans la pièce. « Pour nous, l’essentiel de l’histoire, ce n’est pas seulement la rencontre entre le mali (l’hippopotame) et Sadio, mais le pacte qui doit unir la nature à  l’homme et qui doit être respecté », affirme Seyba Traoré. Selon lui, il y a deux enseignements à  en tirer: « L’homme ne peut violer la nature en favorisant la déforestation et l’exploitation éhontée des ressources halieutiques, la dégradation de l’environnement et par la suite s’étonner des effets pervers de sa négligence coupable ». Ensuite, poursuit-il, « nous faisons appel à  la tolérance. On peut être différent, mais se respecter ». La légende de Mali Sadio, un élément du patrimoine culturel ouest-africain, a plusieurs versions selon les pays formant l’espace de l’ancien empire du Mali. Elle est également une chanson populaire reprise par de nombreux auteurs ouest-africains.